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ROUMBALOVE Au commencement, il y avait en Afrique Noire, des femmes au teint couleur de café grillé, des femmes couleur banane d'or, des femmes couleur terre des rizières. Aujourd'hui, lorsqu'on se promène dans la plupart des villes africaines, on remarque que les femmes au teint noir sont en voie de disparition.
La majeure partie de nos sœurs pratiquant la dépigmentation de la peau communément appelée "tchatcho" au Mali ; « bojou » au Bénin, « xeesal » au Sénégal et « kobwakana » ou « kopakola » dans les deux Congo. Il n'est donc pas étonnant de rencontrer des femmes à deux ou trois couleurs de peau. Les plus malchanceuses se retrouvent avec un visage brûlé au second degré, des tâches et points noirs sur le corps, des vergetures sur les seins, poitrine et cuisses... Les motivations sociologiques profondes qui sous-tendent un tel phénomène, les multiples conséquences socioculturelles, économiques et surtout cliniques sont autant de prétextes qui ralentissent souvent la lutte contre la pratique de dépigmentation.
L'ampleur de ce nouveau phénomène de société nous a poussés à nous intéresser à la question.
Le phénomène de dépigmentation de la peau est apparu en Afrique à la fin des années 60. L'éclaircissement de la peau par différents procédés est pratiqué dans plusieurs régions d'Afrique, mais les principaux pays touchés par ce phénomène sont le Togo, le Sénégal, le Mali, le Congo (où beaucoup d'hommes s'éclaircissent la peau également) et l'Afrique du Sud.
Il semblerait que près de 90% des femmes qui utilisent des produits éclaircissants le font pour un ordre esthétique. Plusieurs personnes invoquent le fait que si les femmes s'éclaircissent la peau c'est pour l'unique raison que les femmes sont persuadées que les hommes préfèrent les femmes claires, un peu comme on avait l'habitude d'entendre que les hommes préfèrent les blondes.
Pourquoi ce choix ?
Le choix de recourir à la dépigmentation par les femmes africaines n'est pas un choix libre. Car ces femmes subissent une forte influence. Si ce ne sont pas les amies, c'est le conjoint qui les poussent à acheter le premier tube.
L'étude réalisée par l'Institut d'hygiène sociale (IHS) de la Médina au Sénégal remarque, en effet, que les femmes qui s'adonnent à la dépigmentation sont encouragées dans 74 % des cas par leurs amies qui « avaient une opinion favorable » au moment où 30% des conjoints ne manquent pas de se faire remarquer dans les rangs des personnes qui poussent à la pratique du « xessal ».
Toujours concernant les motivations, la principale motivation des femmes est d'ordre purement esthétique avec 89 % des cas ». Certaines femmes (qui représentent 11 % des cas) avaient recours à cette pratique dans un but thérapeutique ». 41 % des femmes étaient souvent guidées par « un suivi de la mode ainsi que (par) l'imitation des relations ». Un événement social comme le baptême ou le mariage « est souvent un facteur déclenchant (dans) 18 % des cas ». Dr Ly renseigne aussi que "certaines femmes semblent également utiliser ces produits pour soigner des dermatoses comme l'acné".
La responsabilité des hommes
Au Bénin, (surtout à Cotonou), ce sont les hommes qui tacitement ou directement encouragent le « bojou ». Certains le financent même, car ils veulent des femmes claires. C'est le cas d'un époux qui a commencé par faire la fugue. L'épouse qui cherche à savoir ce qui attire son homme à l'extérieur en dépit des soins qu'elle lui apporte, s'est retrouvée en face de la réponse suivante : « Vas faire « bojou » toi aussi, si tu veux que je reste à la maison ». C'est un constat.
Si la peau humaine possède ces qualités universellement reconnues, l'on se pose la question de savoir pourquoi de nos jours, des individus désirent-ils à la modifier au risque de rompre cet équilibre naturel si indispensable ?
Les procédés
Selon Madame Banga, Esthéticienne Cosméticienne au centre de formation en Esthétique Elysée Marbeuf de Yaoundé au Cameroun, plusieurs procédés sont utilisés pour s'éclaircir la peau : du bricolage aux méthodes les plus raffinées. Généralement, les femmes et de plus en plus les hommes, se rabattent sur les produits bon marché compte tenu du faible revenu des habitants. Ces produits qui n'ont pas la même composition et les mêmes effets que les produits originaux imités occupent une place non négligeable dans les activités économiques.
Les utilisatrices se procurent ces produits sur les marchés où ils circulent sans aucun contrôle et sont proposés par des revendeurs dépourvus de toute compétence officinale.
Les cosmétiques utilisés contiennent des corticoïdes (anti-inflammatoire), hydroquinone (antiseptique) détournés des circuits pharmaceutiques officiels, des crèmes éclaircissantes importées par divers réseaux parallèles, à la composition rarement précisée, et des préparations artisanales confectionnées sur place par mélanges comprenant plusieurs ingrédients (eau de javel, sels de mercure, etc.).
Les utilisatrices recourent souvent à plusieurs produits et en changent dans le temps.
En réalité, ce sont des produits à la qualité douteuse. Ils proviennent généralement d'Asie du Sud-Est, du Nigeria d'Afrique du Sud et d'Europe. Leur composition chimique, aux dires des esthéticiennes ne respectent pas les normes. L'hydroquinone - substance qui colorie la peau - est supérieure au seuil tolérable de 2 %.