Disparition du président guinéen Lansana Conté
Par Reuters, publié le 23/12/2008 à 07:18
CONAKRY - Le président guinéen Lansana Conté, qui avait autour de 74 ans et dirigeait le pays d'une main de fer depuis 1984 malgré une santé déclinante, est mort lundi à Conakry des suites d'une longue maladie, ont annoncé les autorités aux premières heures de mardi.
Le président, qui vivait le plus souvent reclus ces dernières années, souffrait notamment de diabète. Il s'était toutefois rendu à de nombreuses reprises à l'étranger depuis 2002 pour des traitements médicaux, que ce soit au Maroc, à Cuba ou en Suisse.
Le Premier ministre, Ahmed Tidiane Souaré, le président de l'Assemblée nationale Aboubacar Somparé, le chef des forces armées Diarra Camara et d'autres hauts responsables sont apparus dans la nuit à la télévision nationale pour l'annonce de la nouvelle de sa mort.
"J'ai la lourde et difficile tâche de vous informer avec une profonde tristesse du décès du général Lansana Conté, président de la République de Guinée, à la suite d'une longue maladie", a déclaré Somparé, qui a demandé à la Cour suprême de le nommer chef de l'Etat par intérim, conformément à l'article 34 de la Constitution. Il sera dès lors chargé d'organiser une élection présidentielle pour trouver un successeur à Conté, qui n'a jamais voulu clairement désigner et former un "dauphin".
Somparé a annoncé un deuil national de 40 jours. Il a fait l'éloge du défunt, rappelant qu'il aimait cultiver du riz chez lui en solidarité avec les agriculteurs, et a parlé de lui comme d'"Un paysan solide, un brave soldat".
Un des dirigeants de l'opposition, Jean-Marie Doré, de l'Union pour le progrès de la Guinée (UPG), s'est déclaré attristé par la disparition d'un "compatriote".
"Le plus important est à venir : il faudra absolument que les institutions fonctionnent normalement et que les dispositions de la constitution soient respectées", a-t-il dit.
Bien que le président se soit éteint lundi à 18h00 GMT et que des rumeurs circulaient depuis des jours dans la capitale sur la nette dégradation de son état de santé, les autorités ont attendu la nuit, alors que la majeure partie du pays dormait, pour annoncer le décès.
RAPPROCHEMENT AVEC LA FRANCE
Les rues de la ville étaient calmes. Diarra Camara a ordonné à l'armée de se tenir en alerte pour protéger les points stratégiques et les frontières de l'ancienne colonie française.
Lansana Conté, qui appartenait à l'ethnie Soussou, minoritaire en Guinée-Conakry, s'était emparé du pouvoir quelques jours après la mort du premier chef de l'Etat du pays, le dictateur marxiste Ahmed Sékou Touré, décédé à la fin mars 1984.
Né vers 1934 dans une famille paysanne de Moussayah Loumbaya (région de Kindia), Conté s'était engagé dans l'armée française en 1955. Deux ans plus tard, il était affecté en Algérie pour lutter contre les insurgés. Lorsque la Guinée opta pour l'indépendance, en 1958, il fut l'un des premiers militaires guinéens à choisir de revenir au pays et d'y servir le tout nouvel Etat.
Après son arrivée au pouvoir en 1984, il installa un gouvernement composé pour moitié de civils, entreprit de démanteler l'Etat policier le plus dur que comptait alors l'Afrique de l'Ouest et s'employa à améliorer les relations entre Conakry et les pays voisins.
Ménageant tout d'abord de bonnes relations avec les Soviétiques, il se tourna peu à peu vers les Etats-Unis, intéressés par la bauxite dont la Guinée est grand producteur, et entreprit de se réconcilier avec l'ancienne puissance coloniale, la France.
INSTABILITÉ DEPUIS DEUX ANS
Alors qu'une vague de démocratisation se propageait à travers l'Afrique, au début des années 1990, il instaura le pluralisme et remporta en 1993 la première présidentielle multipartite. Mais les opposants crièrent à la manipulation des résultats, qui avaient été annulés dans les secteurs où ils étaient le mieux implantés.
En 1996, le président Conté survécut à un coup de force qui fit des dizaines de morts. Il aurait été retenu prisonnier un moment par des militaires mutinés, qui l'auraient relâché après avoir obtenu le doublement de leur solde et une promesse de grâce pour les mutins.
Son principal opposant, Alpha Conté, fut arrêté avant le scrutin de 1998, que Conté remporta dans un fauteuil.
Le référendum constitutionnel de 2001 - assimilé par l'opposition à un coup d'Etat - releva l'âge limite d'exercice du président, lui permettant de fait de rester à cette fonction jusqu'à la fin de sa vie. Sa victoire à la présidentielle de décembre 2003 lui garantissait de pouvoir rester au pouvoir jusqu'en 2010.
Le 2 octobre dernier, la Guinée avait fêté le cinquantenaire de son indépendance. Depuis des années, l'opposition pressait Conté de se retirer du pouvoir, en raison de son état de santé. Le pays a connu divers troubles sociaux ces deux dernières années - des émeutes firent plus de 180 morts début 2007, sur fond de grève générale -, et une grande instabilité gouvernementale. Une mutinerie a secoué plusieurs villes du pays en mai dernier, motivée cette fois encore par des retards dans le paiement de la solde.
Avec Pascal Fletcher, version française Eric Faye