DAKAR (AFP) — Le Pacte européen pour l'immigration, approuvé lundi et qui doit formellement être signé en octobre, commence à faire des vagues en Afrique, appelée par le Sénégal à réagir face à ce que certains décrivent comme un "mur" érigé par l'Europe face aux "désespérés" du Sud.
Ces protestations contre le durcissement de la politique européenne interviennent après un nouveau drame de l'immigration au large des côtes andalouses (Espagne), avec le décès d'au moins quinze clandestins africains, dont neuf jeunes enfants, dans la nuit de mercredi à jeudi.
La Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho), ONG basée à Dakar, a exprimé jeudi sa "grave préoccupation par rapport aux premières mesures qui inaugurent la présidence française de l'Union européenne".
Alors que l'Afrique est frappée de plein fouet par le choc pétrolier et la crise alimentaire mondiale, "l'instauration d'un pacte européen sur l'immigration et l'asile va accentuer la vulnérabilité et la criminalisation de l'immigration et du droit d'asile", ajoute l'ONG.
La Raddho exhorte en conséquence l'Union africaine (UA), "qui s'emmure dans un silence assourdissant" à "faire preuve de plus de célérité et de réactivité pour la protection de ses citoyens".
Le Sénégal, où l'émigration est une tradition ancienne et où l'argent envoyé au pays par la diaspora est plus important que l'aide publique au développement reçue, a ainsi appelé mercredi l'Afrique à organiser la riposte.
"Il sera urgent pour la partie africaine de se concerter et de se démarquer nettement des partenaires européens", a indiqué le ministre sénégalais des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio, lors d'une réunion d'experts à Dakar.
Il faut "promouvoir fermement notre vision d'une migration concertée et non choisie et d'une approche globale et non ciblée", a-t-il ajouté.
"L'Afrique, en réponse, devra préparer son projet de Pacte et peut-être qu'un jour les deux Pactes engageront un dialogue pour aller vers un Pacte concerté euro-africain sur la migration", a-t-il espéré.
Le "Pacte européen sur l'immigration et l'asile", présenté lundi par la France à Cannes lors d'une réunion des ministres de l'Intérieur de l'UE, vise à organiser une immigration choisie et à mettre un terme aux régularisations massives.
"Déjà, la directive adoptée par le Parlement européen le 18 juin restreint si besoin en était le droit d'immigrer ou de demander asile, donnant totalement raison à ceux qui dénoncent l'intention de bâtir une forteresse Europe contre les envahisseurs de la faim", selon la Raddho.
"Pour stopper la horde de désespérés venus généralement du Sud pour prendre d'assaut ses frontières, l'Europe n'a donc pas trouvé mieux que d'ériger un mur", écrit de son côté le quotidien burkinabè Le Pays.
"On croyait le temps des murs révolu, mais c'est sans compter avec la volonté farouche de l'Europe de se préserver, de se prémunir contre la "menace" de l'immigration clandestine", poursuit-il.
"Le temps des nouveaux murs est un anachronisme à l'ère de la mondialisation. On ne peut pas parler de village planétaire quand, dans le même temps, des barrières sont érigées, même sous forme de législations contraignantes", poursuit l'éditorial.
"A moins que la mondialisation, la globalisation dont on parle tant, ne profite seulement qu'aux autres; et que, finalement, la liberté de mouvement se fasse beaucoup plus dans un sens unique, c'est-à-dire du Nord vers le Sud", conclut le journal.
Source: AFP