Posté par
Cheikhna Mouhamed WAGUE
Bonjour
Nous savons que les Soninkés, à l’instar de toutes les populations ouest africaines, avaient des groupes socioprofessionnels dont l'artisanat était d’un apport inestimable dans l’équilibre de la société. Parmi ceux-ci, il y avait les tago (forgerons). A ce sujet, l'administrateur Gaston Boyer écrivait, en 1953, que : le tage est « l’artisan universel du village »*. Il revenait exclusivement au tage, avant la colonisation, de faire tous les outils agricoles. Dans un morceau, intitulé tage, Bintou Soukho disait que sans le tage, personne, dans la société, ne pouvait s’adonner à l’agriculture. Ganda Fadiga d’ajouter que c’était grâce au tage que les guerriers soninkés pouvaient se procurer des fusils et de leurs minutions (projectiles) pour aller à la guerre et se défendre en cas d’attaque ennemie. En plus de cela, qui d’entre nous ici n’avait pas accompagné ou vu sa mère chez le forgeron-orfèvre (kan tage) pour faire des parures de bonne facture pour elle-même et pour ses filles qui se marient. Même dans certains foyers de la région parisienne, on les voit toujours assurer le même rôle. Nous savons aussi que les hommes forgerons étaient les « circonciseurs » et leurs femmes des « exciseuses » de la société. Ils étaient, parce qu’ils maîtrisaient les secrets du feu, ceux auxquels on faisait appel quand quelqu’un se brûlait pour lire des paroles incantatoires sur la plaie pour qu’elle se cicatrise vite. C'est grâce à son artisanat que nombre d'autres professions pouvaient fonctionner : le garanke (cordonnier) travaillait avec le bunne (alène), le miselle (aiguille) du tage. Le tisserand avait besoin de son couteau ou de son ciseau pour couper les fils à tisser. Les exemples ne manquent pas. Tout cela dénote que les forgerons avaient un savoir-faire divers et varié et une place irremplaçable dans la société. Mais aujourd’hui, nous savons qu’avec l’introduction des nouveaux outils sur le marché consécutive à l’industrie moderne, avec la construction des hôpitaux, leur savoir-faire et technique est en réelle perte de vitesse. C’est pourquoi, dans le cadre de notre discussion hebdomadaire, j’aimerais bien que l’on parle de toutes les facettes de leur industrie, mais aussi de leur savoir-faire technique afin qu'ils soient connus des générations actuelles et futures.
Il s’agit de revaloriser leur savoir-faire en phase de disparition et non de dire que telle hiérarchie est supérieure à telle autre dans la société soninkée. Prière donc de rester dans le sujet. Bonne discussion.
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* Gaston BOYER, Un peuple de l'Ouest soudanais. Les Diawara, Dakar, IFAN, 1953, p. 101.