Les souvenirs d'une circoncision ne peuvent jamais être effacés dans la mémoire d'un garçon si cette opération a été faite lorsque le garçon a atteint un certain âge.
Ainsi, je me souviens qu'à la veille de l'"opération chirugicale", car il faut l'appeler ainsi, mon grand-père maternel (Paix à son âme) m'avait raccompagné dans une autre maison où je trouvai d'autres copains de jeux et de mon "fedde" (classes d'âge). Officiellement, on nous avait rassemblés là pour soi-disant faire une fête. Je me souviens que le repas du soir était du sombi (bouillie de mil) bien chaud.
Le lendemain, tôt le matin, après avoir pris une douche, nous avons fait la queue en face d'une autre pièce dans la même maison où nous avions passé la nuit. Chose étrange, on était tous nus dans la file d'attente. On n'avait pas besoin de dessins pour comprendre qu'on allait nous couper le ... d'autant plus qu'on entendait ceux qui rentraient, crier comme des malades.
Celui qui se chargeait de l'opération était habillé bizarrement. En tout cas, il faisait peur, on aurait dit qu'il portait un masque. Il tenait à sa main droite un grand couteau. 4 grands gaillards se chargeaient de maîtriser l'enfant à circoncire en tenant solidement les membres inférieurs et supérieurs de l'enfant. Boumou, le chirurgien se tenait en face de l'enfant, récitait quelque chose, puis passait à l'acte.
La douleur est indescriptible, car cette opération se faisait sans anesthésie, aucune.
Certains, sous l'effet de la douleur, insultaient même Bomou de tous les noms d'oiseaux qu'ils connaissaient.
Après l'opération qui est très rapide, les gaillards qui tenaient l'enfant le relèvent et le font plonger dans une baignoire. L'enfant est aussitôt sorti de cette première baignoire avant d'être replongé dans une seconde, qui, elle, devait être remplie d'alcool ou de mercurochrome
. Ils forçaient l'enfant à rester plusieurs minutes dans cette baignoire jusqu'à ce que l'hémorragie cesse.
Quant à Bomou, il continuait la même opération et le même rituel sur l'enfant suivant, en utilisant le même couteau.
Après le bain de la 2ème baignoire, place maintenant aux pansements. Là, c'est 2 autres personnes qui attrapent l'enfant sur les bras, une troisième personne applique le pansement. Après ce pansement, les parents ou tuteurs viennent récupérer leur enfant. Il paraît que dans le bon vieux temps, on faisait monter les enfants circoncis sur des chevaux, mais, nous, nous n'avons pas eu ce privilège ou cette torture (c'est selon).
Dans le bon vieux temps aussi, les enfants circoncis passaient toute la période de cicatrisation dans la brousse avec leur "bawo". Idem, nous, nous sommes restés dans les concessions. En ce qui me concerne, pour une raison que je ne sais pas, je suis resté dans la maison de mes grands parents durant toute la période de cicatrisation. C'était ma grand-mère qui s'occupait de moi et me faisait des plats spéciaux. L'après-midi, après la prière de l'ASR, tous nos "feddalenmu" se rencontraient dans la maison du chef de notre "fedde", habillés de nos tuniques blanches, chacun se trouvait un bon couteau de cuisine, un bâton, certains, des lance-pierre, etc. et puis, on prenait la direction de la brousse, mais, sans jamais s'éloigner des maisons. On était accompagné par contre d'un aîné qui était largement plus âgé que nous. On ratissait large à la recherche de poules, de coqs qui traînent, brefs de tout ce qui est mangeable. Quand on attrapait un coq, on s'en foutait à qui ça appartenait. On l'égorgeait et le déplumait sur place. Avant la prière du Maghreb, on était de retour dans la maison de notre chef de fedde. Ses parents nous concoctaient des plats avec notre butin de chasse.
Chose étrange, une fois, quelqu'un nous a surpris entrain de tuer son coq. Il est venu vers nous. On avait tous peur, certains ont commencé à courir. Mais, en réalité, il était venu nous encourager; il nous a même donné de l'argent.
Quand on partait en groupe faire notre petite "chasse", on chantait des chansons. Au retour, c'était pareil, surtout si nous ne rentrons pas bredouille.
Une personne faisait le tour de nos maisons pour nous changer les pansements tous les jours. Il utilisait apparemment de la poudre de l'écorce d'un arbre qu'on appelle "diébé".
Durant toute la période de cicatrisation (10jours à 2 semaines), on était choyés et on en profitait pour faire des tonnes de caprices.
Je me souviens que lorsqu'on sortait du kutuntaaxu, une grande fête avait été organisée dont un "dimmu" (danse) devant la maison du chef de notre fedde.