Salam
L'article est un peu long mais il est interessant. Ce sujet d'actualité m'améne à ouvrir cette discussion j'aimerai lire vos differrents avis sur la question de la peine de mort.
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Il avait beau clamer son innocence, Troy Davis a failli de nouveau être exécuté ce mardi, 23 septembre 2008. Après 17 ans passés dans le couloir de la mort de l’Etat américain de Georgie. La vie de ce jeune Noir américain de 39 ans bascule après la mort, en 1989, d’un policier blanc de 27 ans, qui essayait de s’interposer au cours d’une bagarre dans le parking d’un fast-food de Savannah.
Il reconnaît avoir été, au moment des faits, sur le lieu du crime, mais jure tous les dieux du monde n’être pas l’auteur du forfait.
Qu’importe, en 1991, le jury populaire l’enverra dans le Death Row (où croupissent 3 451 autres prisonniers américains) sur la base de neuf témoignages, qui allaient retomber les uns après les autres tels des soufflés. Car sept des neuf "témoins" à charge se sont rétractés, disant avoir subi des pressions énormes de la part des policiers, l’un d’eux, illettré (oui, ça existe même aux Etats-Unis) ayant même signé sa déposition, qu’il n’a jamais pu lire.
Quand on ajoute à cela les faits qu’aucune preuve matérielle n’est jamais venu étayer les graves accusations qui pesaient sur les épaules du pauvre Troy, que l’arme du crime n’a jamais été retrouvée et pas davantage de traces d’ADN ou d’empreintes digitales, on peut émettre de sérieux doutes sur la culpabilité de l’accusé.
Hélas, le doute, en l’occurrence, ne semble pas profiter à l’incriminé. On aurait dit qu’il faut absolument que sa tête tombe. Les avocats de l’infortuné Davis ont épuisé toutes les voies de recours que leur offrait la loi. Epuiser, c’est une façon de parler, puisqu’en désespoir de cause, ils se sont tournés vers la Cour Suprême des Etats-Unis, qui doit dire si exécuter un innocent est conforme à la Constitution américaine.
Mais les choses sont tellement bien faites que la plus haute juridiction des USA devait statuer entre le ... 29 septembre et le 4 octobre prochains, soit au bas mot 6 jours après que le requérant eut été envoyé ad patres. Et la justice étant raide comme un i, les magistrats auraient, qui sait, statué malgré tout pour décider éventuellement du réexamen de l’affaire, à moins que le décès du prévenu n’éteigne automatiquement l’action publique.
Ça n’allait plus être des juges, ils seraient devenus des médecins légistes, qui se seraient penchés sur le cas d’un justiciable, lequel allait reposer six pieds sous terre. Au propre, ç’aurait été le médecin après la mort, ou plutôt le magistrat après la pendaison. On en aurait ri si la situation n’était aussi tragique.
Au demeurant, ce n’est plus de la justice, c’est de la vengeance, à peine mieux que celle appliquée aux sorcières de nos villages par une société qui a besoin de boucs-émissaires pour avoir l’esprit tranquille. Sinon comment comprendre qu’après avoir accordé, in extremis, un sursis à exécution en juillet 2007 à seulement 24 heures de l’application de la sentence, le comité des grâces de Georgie, qui se disait troublé il y a un an par les nouveaux éléments apportés par la Défense, soit le même qui ait rejeté début septembre 2008 le dernier recours qui visait à commuer la peine ? Troublé en 2007, serein en 2008 donc.
Fort heureusement, il y a encore un peu de bon sens, même au pays de l’Oncle Sam, puisque l’homicide légale a été suspendue quelques heures avant que la dose létale ne soit injectée. Seulement "suspendue", les 9 grands juges ayant juste repoussé la date de la mise à mort, le temps de savoir s’ils allaient, oui ou non, se saisir de l’appel des avocats, qui réclament à cor et à cri la tenue d’un nouveau procès.
Si cet appel est rejeté, la suspension prend fin ipso facto, et Troy Davis, qui n’est toujours que sursitaire, sera alors exécuté. Froidement, comme sait le faire la justice. Si, par contre, la plus haute juridiction se décide à instruire, l’exécution sera effectivement suspendue jusqu’à ce qu’elle délibère.
Mais ce dead-line, on devrait dire ce dead day, qui vient, une fois de plus, d’être repoussé, est déjà en soi une petite victoire pour la chaîne de solidarité, qui s’est formée depuis pour briser les chaînes du détenu. Du Pape Benoît XVI à l’archevêque anglican sud-africain et prix Nobel de la paix, Desmond Tutu, en passant par l’ancien président Jimmy Carter, Amnesty international, l’actrice Susan Sarandon et tutti quanti, c’est un véritable tollé général, dont l’écho est allé crescendo, qui s’est élevé.
Le plus incroyable, c’est que, hormis la famille et les amis du futur supplicié ainsi que les activistes des droits de l’homme, cette affaire n’émeut guère grand-monde du côté des USA, où près de 70% des citoyens sont encore favorables à la peine capitale.
Du coup, et alors qu’on aurait pu s’y attendre, cette actualité ne s’est pas invitée dans la campagne présidentielle américaine, les deux prétendants à la Maison-Blanche ne semblant pas s’en préoccuper outre mesure. Pas même Barack Obama, le "frère noir" de Troy Davis.
Il est vrai que le candidat démocrate veut éviter la ghetoïsation black... mais on ne peut s’empêcher de faire une comparaison entre ce fringant avocat, qui rêve de réaliser le vœu caressé par Martin Lutter King il y a 40 ans de cela, et le gros de la troupe nègre dans des contrées où la stratification sociale, et donc l’environnement, plus ou moins criminogène, épouse encore, hélas, les courbes raciales. L’esclavage a été aboli depuis belle lurette, les droits civiques arrachés de haute lutte, mais, plusieurs décennies après, pour un Barack Obama, qui ne sera jamais que l’arbre métis qui cache la forêt noire, il y a mille Troy Davis.
Se pose alors cette question : Troy aurait-il connu le sort qui est aujourd’hui le sien s’il avait été Blanc et si celui qui a été tué n’avait pas été policier et blanc ? Voici ce qu’en pense, par exemple, Sarah Totonchi, présidente d’une association contre la peine capitale : "Quand l’accusé est noir et la victime blanche, la probabilité que la peine de mort soit imposée est plus grande. Quand la victime est un policier blanc, l’accusé n’a presque aucune chance".
Et le risque de monter sur l’échafaud est démultiplié quand les accusés sont impécunieux, comme le sont souvent les négrillons,, incapables donc de se constituer une armée d’avocats et devant, dans de nombreux cas, se contenter de ceux commis d’office. A moins que les droits-de-l’hommistes ne volent à leur secours.
Peut-être Troy Davis, qui confesse avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, n’est-il pas tout à fait net. Peut-être. Mais quand il s’agit d’ôter la vie humaine, il vaut mieux, a-t-on coutume de dire, laisser courir mille coupables que de prendre le risque de tuer un seul innocent.
Les sociétés modernes ne perdent-elles d’ailleurs pas un peu de leur humanisme en appliquant la vieille loi du Talion, même si, en brandissant les scalps des dangereux criminels ou supposés tels, coupables à ses yeux de fautes irrémissibles, le droit positif et sa violence légale donnent aux citoyens l’illusion d’être plus tranquilles une fois que les rebuts de la communauté auront été, comme on dit, mis hors d’état de nuire ?
Non, il faut redire l’inanité macabre de cette sanction suprême, dont l’efficacité reste d’ailleurs à démontrer et qui pose d’innombrables questions, à la fois d’ordres juridique, politique, philosophique et moral.
Ousséni Ilboudo
© L'Observateur