Voila comment la gestapo française nous traite

Komotine Coulibaly : « Ils me disaient de "fermer ma gueule?? »

La brutale interpellation dont a été victime lundi dernier cette mère de famille malienne est à l?origine des deux jours de tensions qu?a connus la cité des Bosquets à Montfermeil. Elle nous livre ici son témoignage.

« Ils nous ont traités comme on traite des cochons ! » Komotine Coulibaly se lève du canapé et va saisir un sac en plastique blanc, rangé en haut de l?armoire du salon. Dedans, un chemisier et une jupe en jean. « Ce sont les affaires que je portais ce jour-là. Vous voyez, on sent encore l?odeur du gaz lacrymogène... » Komotine, c?est cette mère de famille malienne dont la brutale interpellation, lundi 29 mai, a mis le feu aux poudres à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Deux jours après, elle se dit encore sous le choc. Effarée par l?attitude « provocante » et « humiliante » des policiers.

Les visites dans son appartement de la cité des Bosquets ont débuté une bonne semaine auparavant. Les pandores du commissariat de Gagny recherchent alors son plus jeune fils, Mamadou, seize ans, soupçonné de « tentative d?effraction » (des carreaux brisés) dans deux pavillons proches du quartier. À plusieurs reprises, ils viendront toquer, aux aurores, à la porte de Komotine, histoire de coincer l?adolescent. En vain.

Et pour cause : Komotine, qui vit seule avec ses six enfants, gagne sa vie en faisant des ménages à la Défense, à l?autre bout de Paris. Chaque matin, elle se lève à 4 h 30 et rentre vers 10 h 30. Avant de repartir en fin d?après-midi, pour finalement se coucher vers 22 h 30. « Ils venaient tout le temps aux horaires où je n?étais pas là ! » s?agace la maman.

Le vendredi 26 mai, l?affaire s?accélère. Vers 15 heures, les policiers reviennent une nouvelle fois à l?appartement. Cette fois, ils forcent la porte. Toujours pas de Mamadou, ni personne d?ailleurs. « Et pourtant, ils se sont quand même permis de tout perquisitionner », s?étonne Komotine. La porte de sa chambre, fermée à clé, est carrément défoncée.

Finalement, la police interpellera Mamadou le dimanche suivant. Le mineur est aussitôt placé en garde à vue. Les policiers sont censés avertir ses parents dans l?heure qui suit. « Et pourtant, je n?ai reçu aucun coup de fil du commissariat, déplore Komotine. On l?a appris par le bouche-à-oreille des voisins. »

Le lundi 29 mai, l?affaire dégénère. Il est environ 16 heures. Les policiers se garent à proximité du bâtiment. Ils sortent avec Mamadou, menotté dans le dos, et s?engouffrent dans l?immeuble. Komotine ouvre sa porte. L?ambiance est électrique. « Ils ont cassé ma porte, ils sont venus toute la semaine, et pourtant ils voulaient encore perquisitionner... Pour moi, c?était de l?acharnement. »

Le ton monte rapidement. « Un policier m?a réclamé ma carte d?identité. Je lui ai demandé pourquoi. Il m?a répondu : "Parce que j?ai le droit !" Pourtant, ils savent parfaitement qui je suis. Ce n?était que de la soumission, il voulait juste me voir lui obéir. » Ali, un autre de ses fils, s?en mêle. « Il demandait : "Pourquoi tu fais ça à ma mère ?" » On se bouscule. Exaspérée, Komotine exige que les policiers s?en aillent. L?un d?eux, dans l?entrebâillement de la porte, lui lâche : « Tu parles trop, ferme ta gueule. » Avant de projeter du gaz lacrymogène dans l?appartement.

Komotine est finalement embarquée manu militari. À demi traînée par quatre agents, la voilà dans la rue, en plein après-midi, menottée et sans chaussures. Toute la cité est aux fenêtres. Les insultes fusent. « Une fois dehors, ils ont baissé le pantalon de Mamadou, sans aucune raison, juste pour l?humilier », assure la maman. Modimo, un autre de ses fils, est hors de lui. Il s?en prend aux policiers qui répliquent par des coups de matraque au genou et deux tirs de Flash-Ball dans le dos. Il s?enfuit.

Komotine se retrouve au commissariat de Gagny. En garde à vue et en piteux état. Selon un certificat médical, elle souffre de brûlures aux yeux suite aux gaz lacrymogènes, de douleurs aux cervicales, au bras et au genou. Pourtant, l?ambiance ne s?apaise pas vraiment. Dans les locaux, on ricane. « Ils me disaient de "fermer ma gueule?? parce que mon fils avait fait des bêtises. Certains se moquaient de mon accent. Quand je disais quelque chose, ils faisaient exprès de dire : "Quoi ? Qu?est-ce tu dis » Elle assure qu?un autre lui aurait lancé : « On va balayer tous les immigrés de la France. » Komotine, qui ne sait ni lire ni écrire le français, refuse de signer le PV de garde à vue. Le policier revient à la charge. « Il m?a assuré que si je signais, je sortirais le lendemain. » Elle finit par apposer un paraphe, sans savoir, aujourd?hui encore, ce qu?il y avait d?écrit.

Komotine est finalement ressortie de garde à vue le mardi à 13 heures. En contact avec un avocat, elle s?apprête à porter plainte.

Laurent Mouloud

Source : http://www.humanite.fr/journal/2006-...6-06-02-830902