Sur ce sujet passionant, je recommande à tous la lecture de deux ouvrages:
-"La tyrannie de la pénitence" du philosophe Pascal Bruckner.
-"La gangrène de l'oubli" de l'Historien Benjamin Stora.
Chers collègues et amis,
Dans le cadre du débat sur la "répentance", cet article d'Olivier Le
Cour Grandmaison est également instructif. Bonne lecture et à bientôt,
----- Original Message -----
Subject: [TERRA] Sarkozy ou le triomphe d'une histoire apologétique de
la colonisation
Sarkozy ou le triomphe d'une histoire apologétique de la colonisation
Par Olivier Le Cour Grandmaison
mercredi 9 mai 2007
Mouvement pour l’égalité (MPE)
Le texte que nous a adressé pour publication Olivier Le Cour
Grandmaison est une salutaire dénonciation de l'apologie de la colonisation
française faite par celui qui est désormais appelé à diriger les "destinées
de la France" !
Car cette question est loin d'être simplement "historique". La
tentative forcenée de réhabilitation du passé colonial, que cherchent à imposer
les représentants politiques de l'impérialisme français, est au service
de leurs ambitions néocoloniales toujours bien actuelles. En témoigne à
nouveau, au soir du second tour des présidentielles, le discours de
Sarkozy qui, outre la place qu'il a accordée au "sud de la Méditerranée",
n'a pas manqué de pourfendre tout esprit de "repentance". En revanche,
le nouveau Président n'hésite pas à faire l'éloge de l'esprit des
Croisades et du Bonapartisme !
Une menace pour les peuples et pays sous domination impérialiste et une
provocation à l'égard des populations vivant en France issues de la
colonisation et de l'esclavage. A ce double titre, il faut battre en
brèche cette apologie revancharde. Un combat qui est partie intégrante du
combat contre l'offensive réactionnaire globale que prépare Sarkozy.
Enseignant à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne, Olivier Le Cour
Grandmaison est l'auteur de « Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l'Etat
colonial » (Fayard, 2005).
« Le rêve européen a besoin du rêve méditerranée. Il s'est rétréci
quand s'est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l'Europe
sur les routes de l'Orient, le rêve qui attira vers le sud tant
d'empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve
de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au
Maroc. Ce rêve ne fut pas tant un rêve de conquête qu'un rêve de
civilisation. »
Après cette énumération supposée rendre compte d'une glorieuse
tradition incarnée par la France depuis des siècles et inlassablement défendue
par tous ceux qui furent soucieux de défendre son rayonnement, le même
ajoute : « Faire une politique de civilisation comme le voulaient les
philosophes des Lumières, comme essayaient de le faire les Républicains
du temps de Jules Ferry. Faire une politique de civilisation pour
répondre à la crise d'identité, à la crise morale, au désarroi face à la
mondialisation. Faire une politique de civilisation, voilà à quoi nous
incite la Méditerranée où tout fût toujours grand, les passions aussi bien
que les crimes, où ne rien fut jamais médiocre, où même les Républiques
marchandes brillèrent dans le ciel de l'art et de la pensée, où le
génie humain s'éleva si haut qu'il est impossible de se résigner à croire
que la source en est définitivement tarie. La source n'est pas tarie. Il
suffit d'unir nos forces et tout recommencera. »
Quel est auteur de ces lignes qui se veulent inspirées alors qu'elles
ne font que reprendre la plus commune des vulgates destinée à légitimer
les « aventures » coloniales de la France ? Un ministre des Colonies de
la Troisième République ? Un membre de la défunte Académie des «
sciences coloniales » ? Un nostalgique de l'Algérie française qui les aurait
rédigées pour prononcer un discours destiné à célébrer cette période
réputée faste où la France commandait à 70 millions « d'indigènes »
répartis sur 13 millions de kilomètres carrés ?
Non, l'auteur de cette prose, aussi mythologique qu'apologétique de la
colonisation, n'est autre que Nicolas Sarkozy qui a prononcé ces fortes
paroles en tant que ministre-candidat lors d'un meeting à Toulon le 7
février 2007.
Singulièrement passée sous silence par la plupart des médias et des
autres dirigeant(e)s politiques engagés dans les élections
présidentielles, cette intervention confirme que la réhabilitation du passé colonial
de la France n'est pas une embardée conjoncturelle de l'actuelle
majorité et de son principal représentant. Au contraire, cette réhabilitation,
sans précédent depuis la fin de la guerre d'Algérie, s'inscrit dans un
projet politique cohérent, systématique et crânement assumé par le
candidat de l'UMP désormais chef de l'Etat français.
Pour des motifs partisans, et pour défendre ce que ce dernier croit
être l'honneur de la France et de ses citoyens, il se fait donc
porte-parole d'une histoire officielle, mensongère et révisionniste des causes
qui ont conduit à la construction de l'empire français, érigé par de
nombreuses guerres de conquête, puis dirigé par des institutions coloniales
racistes et discriminatoires. En témoigne, notamment, le statut des «
indigènes », considérés alors non comme des citoyens libres et égaux
mais comme des « sujets français » privés des droits et libertés
démocratiques élémentaires et soumis, qui plus est, à des dispositions
répressives - le Code de l'indigénat, entre autres, - qui ne pesaient que sur
eux.
Sous le prétexte fallacieux de lutter contre on ne sait quelle « pensée
unique » et désir de « repentance », lesquels n'existent que dans
l'esprit de Sarkozy et de ceux qui ont forgé ces pseudo-concepts grossiers,
sur le plan intellectuel s'entend, pour mieux faire croire à leur
propre courage et originalité, on assiste donc à une instrumentalisation
spectaculaire du passé colonial de la France. Manipuler cette histoire par
la surexposition de certains de ses aspects « positifs » supposés - la
colonisation au nom de la civilisation par exemple -, par
l'euphémisation ou la sous-estimation des crimes contre l'humanité et des crimes de
guerre commis au cours de cette longue période de l'empire colonial, et
par l'occultation enfin de l'oppression et de l'exploitation imposées à
ceux qu'on appelait alors avec mépris « les indigènes », tels sont les
ressorts principaux de cette opération.
Moderne et audacieux Sarkozy ? De tels discours nous ramènent au plus
convenu de la doxa officielle forgée sous la Troisième République. Quel
est l'adjectif qualificatif adéquat à cette opération qui repose sur un
mépris souverain de l'histoire et des innombrables victimes des guerres
et des répressions coloniales ? Réactionnaire, assurément.
Jamais depuis des décennies, un candidat soutenu par le plus important
parti de la droite parlementaire ne s'était engagé dans cette voie.
Stupéfiante involution. Elle témoigne d'une radicalisation significative
des discours élaborés sur ces questions par l'UMP et son représentant en
même temps qu'elle légitime et banalise des thèmes qui n'étaient
jusque-là défendus que par l'extrême-droite et quelques associations de
nostalgiques de la période coloniale. Pour les amateurs d'exception
française, en voilà une remarquable mais sinistre car la France est le seul
Etat démocratique et la seule ancienne puissance impériale européenne où
l'un des principaux candidats à l'élection présidentielle ose tenir de
pareils propos. A quoi s'ajoute le fait que ce pays est également le
seul où une loi - celle du 23 février 2005 -, toujours en vigueur en dépit
du tour de passe-passe politico-juridique du Président de la
République, sanctionne une interprétation officielle de ce passé colonial. « La
Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont
participé à l'ouvre accomplie par la France dans les anciens départements
français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans
les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française. »
Telle est, en effet, la première phrase de l'Article 1 de ce texte voté
par l'UMP et l'UDF au terme de débats où Rudy Salles, le très officiel
porte-parole de cette dernière formation politique à l'Assemblée
nationale, a joué un rôle particulièrement actif. Qu'en pense François Bayrou
lui qui prétend dépasser le clivage gauche/droite et incarner une autre
façon de faire de la politique ? Il n'est pas besoin d'être un brillant
philologue pour comprendre que le terme ouvre, employé dans ce
contexte, emporte une appréciation évidemment positive de la période
considérée.
Face à cette offensive politique, engagée depuis longtemps par les
diverses composantes de la droite parlementaire, notamment, et son
principal représentant que comptent faire les dirigeants de la gauche
parlementaire et radicale ? Ils doivent le faire savoir au plus vite.
Olivier Le Cour Grandmaison
Dernière modification par Cheikhna Mouhamed WAGUE 17/05/2007 à 23h53
"Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse".(Alfred de Vigny). "Je rends un hommage bien mérité à l'amitié quand elle est sincère et à la parenté quand elle est bien entretenue". http://smk.eklablog.com/
Sur ce sujet passionant, je recommande à tous la lecture de deux ouvrages:
-"La tyrannie de la pénitence" du philosophe Pascal Bruckner.
-"La gangrène de l'oubli" de l'Historien Benjamin Stora.
Cheikhna, ce texte d'Olivier Le Cour Grandmaison est très intéressant et, comme tu dis, instructif.
Quant à moi, je continue toujours de collecter les évidences du plan machiavélique que Sarkozy a mis en place pour accéder au pouvoir. Son discours sur la "repentance" entre dans ce cadre-là.
Depuis le 21 Avril 2002, quand avec stupéfaction, le monde entier vit que le candidat de l'extrême droite, candidat de la haine et de la xénophobie arriva au second tour des élections présidentielles, porté sans honte par des millions et des millions, de français, Nicolas Sarkozy comprit alors le message que le peuple français venait d'envoyer. Et il va édifier un plan de conquête du pouvoir, plan que nous savons a bien fonctionné.
Eh Zédess, le hongrois s'est bien fait courroné chez les Gaulois. Nicolas Sarkozy, fils d'immigré hongrois (qui ne parlait pas un mot de français lorsqu'il débarqua en France) a, depuis le 21 Avril 2002, fait croire à l'opinion qu'il était le plus grand défenseur des valeurs de la République française. Il n'a pas cessé de tenir un discours d'extrême droite, car il savait que c'est ce qui le ferait gagner les élections présidentielles. Lui-même sait très bien qu'il n'est pas bien placé pour parler de Napoléon ou de la colonisation, et encore moins de l'esclavage.
Où étaient ses ascendants quand la France commettait le plus grand crime contre l'humanité sur la terre d'Afrique ?
Où étaient ses ascendants quand la France exploitait à gogo et sans limite les ressources humaines, minières et énergétiques de l'Afrique. Non, Nicolas Sarkozy, celui-là même que Le PEN traitait de ne pas être bien français, n'est pas bien placé pour parler de la colonisation , de l'esclavage et d'une quelconque non-repentance de la France. Il le sait très bien. Mais, la France avait besoin d'avoir la conscience tranquille en ce qui concerne cette période sombre de son histoire; elle avait besoin, comme pour justifier les expulsions massives de sans-papiers, descendants de ces nègres indigènes, de ne pas se sentir coupable. Et Nicolas Sarkozy, dans son élan de conquête du pouvoir, ne pouvait pas ne pas aller dans ce sens.
Tous ces discours bonapartistes, anti-repentance, font partie du jeu, du plan.
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