09 août 2007 : Le législateur a mis de nouveau la main dans le cambouis
Le législateur mauritanien vient juridiquement mettre un terme à la pratique de l’esclavage. Désormais, quiconque s’adonne à cette pratique est exposé à une sanction qui va de 5 à 10 ans. Vingt cinq ans, après l’interdiction de l’esclavage sur le territoire mauritanien, la pratique continue son petit bonhomme de chemin, et ce, au vu et au su de tous les Mauritaniens.
L’intervention du législateur pour sonner de nouveau le glas de cette pratique est une avancée à saluer, même si dans la pratique la tâche ne sera pas facile. Car il ne s’agit pas seulement d’interdire juridiquement l’esclavage pour qu’il cesse d’un coup. Penser ainsi, c’est méconnaitre la société mauritanienne. La réussite de cette loi va vite se heurter à deux obstacles majeurs :
Le premier obstacle est d’ordre social. Pour les Mauritaniens, comme toutes les autres sociétés de l’Afrique de l’Ouest, la stratification sociale est inhérente à tout groupement humain. En conséquence, les séquelles sociales ne disparaîtront pas par des simples lois auxquelles la population n’accorde en réalité pas foi.
Le second est d’ordre économique. En effet, Il y a toute une économie qui tourne autour de l’esclavage. Les anciens maitres auront du mal à libérer leur capital humain, au risque de se trouver dans une situation économique catastrophique.
Aujourd’hui, les oasis, les pâturages, les boutiques alimentaires, sont exploités uniquement par des esclaves harratines. Ces derniers, en recouvrant leur liberté, peuvent se confronter eux aussi, à l’instar leurs maitres, à des difficultés quotidiennes, à moins que l’Etat mette en place une politique ambitieuse pour les insérer dans la société.
La loi, un simple agrégat d’articles, ne devient efficace que si les autorités prennent des mesures drastiques pour son application objective. En l’état actuel de la mentalité mauritanienne, il sera difficile de faire passer ce message. En conséquence, il est nécessaire de faire un travail de sensibilisation doublé d’une réelle pédagogie, pour permettre à la population d’avaler la pullule lentement, mais surement. Cette pratique est tellement ancrée dans les mœurs qu’il relèverait de l’utopie de vouloir l’abroger d’une traite, d’un coup de baguette magique.
A preuve, il y a de cela vingt cinq ans que la première interdiction avait été prononcée, mais nous observons toujours la persistance de l’esclavage. Et, dans cette foulée, la société civile, les autorités religieuses et tous ceux qui, d’un titre ou d’un autre, peuvent contribuer au succès de cette loi, doivent s’associer pour la promotion de cette nouvelle donne démocratique. Si, dans un premier temps, chaque mauritanien arrive à garantir son indépendance économique, sans être corvéable et taillable à merci, c’est déjà un pas important. Avec le temps, les autres rapports sociaux entre esclaves et anciens maitres vont se dissiper sous l’effet du temps.
Espérons que cette nouvelle loi fasse écho, du moins ouvre un nouveau chapitre pour la démocratie mauritanienne.
Marigatta WAGUE,
Etudiant à Paris
Note: Info source : cridem.org