Le juge d’instruction et les paysans:
18-06-2010
Ce n’est pas une exception si des éleveurs et des paysans se retrouvent face à face à cause du partage du même espace utilisés par les uns pour les cultures et les autres pour les pâturages. Ce qui est nouveau c’est quand les habitations sont envahies par les troupeaux en l’occurrence les troupeaux de dromadaires.
Non, ce n’est pas une erreur, je dis bien les dromadaires qui envahissent les habitations. Ce que je vais raconter s’est passé dans le village de Ouloumbony situé dans la commune du même nom de la moughataa de Sélibaby au Guidimakha.
Cela se passe dans le mois de Mars-Avril 2010. Des dromadaires s’attroupent autour des puits du village et ne tardent pas à s’attaquer aux fourrages que les paysans ont mis en réserve, qui sur le toit de leur grenier ou hangar, qui dans des enclos prévus à cet effet pour les périodes de soudure et pour soutenir les bêtes les plus faibles qui ne peuvent aller très loin à la recherche de quoi mettre dans la panse.
C’est dans cet état des choses qu’un propriétaire de dromadaire dépose une plainte à la gendarmerie de Sélibaby pour blessure sur une de ses bêtes. La gendarmerie fait le déplacement à Ouloumbony pour enquête. C’est alors que les villageois profitent de la présence des autorités pour leur faire voir les dégâts que font les dromadaires dans leurs réserves de pâturage. Ces derniers (quatre parmi ceux qui ont montré leurs réserves dévastées) seront convoqués à leur frais à Sélibaby pour témoignage, à deux reprises.
A la troisième convocation, le village est tenu responsable de la blessure de la bête et quatre (4) paysans, les témoins en question, sont mis en garde à vu tant qu’une somme de deux cent quarante mille ouguiya (240 000 UM) n’est pas payée par la communauté villageoise en attente du dénouement de l’affaire.
Entre temps, le procureur voit le dossier et le juge vide et le renvoie au juge d’instruction. Le propriétaire du dromadaire et les quatre paysans dans le bureau de juge d’instruction discutent et semblent se diriger vers un terrain d’entente : l’abandon pur et simple et retrait de la plainte qui n’a de toutes les façons aucune chance de donner raison au propriétaire de la bête ; mais le juge semble intéressé par un dédommagement du propriétaire de la bête par les paysans car il leur donne un conseil dans le sens de payer un petit quelque chose seulement au propriétaire du dromadaire.
Ce que les paysans ont compris et ils décident de sortir du bureau et de continuer à discuter tranquillement avec le propriétaire de la bête. Finalement, ils sont d’accord: le propriétaire de la bête abandonne sa poursuite et les paysans pardonnent pour leurs fourrages. (Il faut dire qu’aucune preuve n’a été mise en évidence que la bête a été blessé dans cette localité et par surcroit par qui.)
Tout semble réglé; mais il fallait compter avec le juge d’instruction qui ne veut pas lâcher le morceau car il veut encore (c’est sûr que ce n’est pas la première fois) manger de l’argent frais du paisible paysan sooninke et sans modération ni retenue.
C’est alors que le juge d’instruction exige le paiement des 240 000 UM par le village ou bien ils met les 4 paysans, pères de famille, en garde à vue pour 15 jours. Les paysans refusent de payer et sont mis en garde à vue pour quinze jours !!! Tout le personnel du tribunal de Sélibaby s’étonne du comportement de ce juge d’instruction d’un genre pas tout à fait nouveau mais qui dépassent les limites de tout entendement.
Ce qui est nouveau dans l’affaire, c’est l’attitude du paysan qui préfèrent de rester en prison ou mis en garde à vue que de payer et remplir les poches d’un juge venu pour s’enrichir et non rendre justice. Les paysans doivent être rentrés chez eux ce mercredi 16 juin 2010.
Entre temps le juge dort tranquillement sur ses lauriers en attendant de déplumer d’autres paysans sooninke qui ne manquent pas dans le coin, on est au Guidimakha mauritanien et les paysans n’y a que ça, en plus que des sooninko, pour la bonne partie.
Et que fait l’administration face à ce type de fonctionnaires ? Rien, en tout cas pas comme le veut la déontologie du fonctionnaire.
Le Guidimakha demande que l’administration joue pleinement son rôle comme il se doit dans la protection des populations et de leurs biens, en tenant en plus son rôle de garant de la justice entre toutes les couches de la population.
Voilà, c’était l’histoire vraie de paysans démunis face à un juge d’instruction avide d’argent facile et sur le dos de population qu’il est sensé protéger.
Un Gidimaxanke
Source :saraJaaje