Bonjour Bintou (cette fois-ci, j'ai bien prononcé ton prénom)
Tu n'as pas tort. Voici un texte qui corrobore pleinement les dires de la philosophe-athlète que tu es :
Le libre arbitre
La notion de libre arbitre, synonyme de liberté, désigne le pouvoir de choisir de façon absolue, c’est à dire d’être à l’origine de ses actes. Autrement dit un sujet libre est sensé pouvoir choisir de lui-même ce qu’il choisit, sans être poussé à l’avance d’un coté ou d’un autre par quelque influence ou cause que ce soit. Le libre arbitre suppose un certain contrôle de la part de l’agent : contrôle sur ses actions mais aussi sur les pensées et les émotions à partir desquelles il va se décider d’agir - contrôle qui suppose aussi la capacité de s’abstenir. D’autre part, l’exercice du libre arbitre suppose des conditions objectives : que les termes du choix soient des possibilités réelles. Pour que je puisse choisir entreA etB (ou même pour que je puisse m’abstenir de choisir (possibilité C)), il faut qu’A, B et C soient également possibles.
Sur quoi repose la notion de libre arbitre ? Deux points de vue s’opposent ici qui traversent toute l’histoire de la philosophie à travers bien des dénominations et des variantes différentes, opposition que nous essaierons de résumer comme étant celle entre le point de vue de la première personne et celui de la troisième personne.
Du point de vue de la première personne c’est-à-dire du point de vue de la conscience ou du sujet, personne ne peut décider à ma place, même ne pas décider est une décision, et la moindre action digne de ce nom m’engage : pour faire une chose aussi simple que lever le bras il faut que je le décide, tout au moins faut-il que j’y pense et rien ne se passerait sinon. Le libre arbitre est la condition de la responsabilité.
Cela fait-il du libre arbitre et du contrôle qu’il suppose une donnée évidente ? Est-il si évident que nous avons un contrôle sur nos pensées et nos émotions ? La plupart de nos supposées « actions », ne sont-elles pas en réalité des réactions mécaniques qui répondent à autant de facteurs intérieurs (émotions, préjugés…) et extérieurs (les circonstances) que nous ne contrôlons pas ? Certes, je suis à l’origine de tous mes choix, mais ai-je choisi ce que je suis ? Pour que nos actions soient vraiment les nôtres, il faudrait que nous puissions nous choisir nous-même, cela est-il possible ? Peut-on revendiquer un choix absolu de soi-même? Il faudrait alors avoir conscience d’avoir délibérément choisi sa naissance. Peut-être peut-on, plus raisonnablement, revendiquer un choix relatif de soi-même, "choix" signifierait ici soit acceptation (à partir d’un passé qu’on n’a pas choisi), soit refus (le suicide en étant l’extrémité). Cela nous amène à la question des conditions objectives du libre arbitre (celle des possibilités objectives du choix) et au second point de vue.
Du point de vue de la troisième personne, c’est-à-dire pour un observateur extérieur «objectif », chacun des actes d’un agent donné s’explique par des causes extérieures, s’insère dans une continuité. La science moderne en est l’expression la plus aboutie, elle est globalement déterministe (nous laissons de côté la question du probabilisme de la physique quantique), c’est-à-dire qu’elle envisage l’état présent de l’univers comme étant l’effet nécessaire de celui qui l'a précédé, et cela en vertu des lois de la nature. Ainsi, il apparaît qu’un agent ne peut agir en réalité autrement qu’il n’agit en fait, et que s’il s’est engagé dans une action A c’est que ni B, ni C (s’abstenir) n’était possible en fonction de son passé. L’idée de libre arbitre semble ici contradictoire avec celle de loi naturelle. Comment pourrait-on nier que nos futurs possibles sont en réalité déterminés par notre passé réel ?
Faut-il nécessairement opposer ces deux points de vue ? Objectivement le présent est l’effet nécessaire du passé, mais cela rend t-il absolument illusoire la nécessité face à laquelle nous nous trouvons (subjectivement) de décider et d’agir ? Doit-on tenir notre expérience de première personne (celle de nos hésitations, nos choix, notre responsabilité…) comme purement illusoire ? De ce point de vue les obstacles à notre liberté n’existent que par rapport à elle, et la question n’est pas : « être ou ne pas être libre ? », mais « comment se libérer ? » La liberté deviendrait alors une pratique exigeante, le libre arbitre une difficile conquête.
Vu que nous sommes tous des sujets, n’est-ce pas le point de vue objectif qui est abstrait ? N’est-il pas nécessaire de tenir pour vrai les deux points de vue : nous sommes à la fois libres (subjectivement et dans la mesure où nous y travaillons) et non libres (objectivement, dans la mesure où nous sommes une partie de la nature) ?
J.S.