Les dix dernières nuits du Ramadhan
De l’Erudit ibn Rajab el Hanbalî
(Partie 2)
Il est propice à l’occasion des dix derniers jours de faire l’I’tikâf (retraite spirituelle). D’après el Bukhârî et Muslim, selon ‘Âisha –qu’Allah l’agrée – le Prophète (r) faisait l’I’tikâf les dix derniers jours du Ramadhan, et cela, jusqu’à sa mort. D’après Sahîh el Bukhârî, selon Abou Huraïra (t) : « Tous les Ramadhan, le Prophète faisait une retraite de dix jours. L’année où il est mort, il a fait une retraite de vingt jours. »
Il faisait une retraite ces dix fameux jours, au cours desquels chacun est à l’affût de la Nuit du Destin, pour se couper de toute occupation mondaine. Il en profitait pour se vider l’esprit, pour s’entretenir en privé avec Son Seigneur afin de l’invoquer et de l’évoquer.
La personne en retraite s’isole pour mieux se soumettre à Allah et se consacrer au Dhikr (l’évocation d’Allah). Elle décide de couper tout lien avec le monde extérieur susceptible de lui perturber l’esprit. Elle se tourne corps et âme vers Son Seigneur et se voue complètement à Allah. Sa seule préoccupation est Son Seigneur et la recherche de Son agrément. Une fois que les liens, les sentiments, et une certaine complicité se créent, la personne peut dès lors s’abandonner pleinement à Allah dans toutes les autres situations.
Allah (I) dit : (Nous l’avons descendu la Nuit du Destin. Et qui te dira ce qu’est la nuit du Destin ? La nuit du Destin est meilleure que mille mois.).[1] Selon Abû Huraïra (t), le Prophète (r) a dit au sujet du mois du Ramadhan : « Il y a une nuit qui est meilleure que mille mois, quiconque est privé de ses bienfaits, sera démuni. »[2]
Mâlik a confié : « On m’a rapporté qu’il fut montré au Messager d’Allah (r) les œuvres des générations passées, ou ce qu’Allah a voulu lui montrer. Il eut l’impression que celles de sa communauté étaient trop justes et qu’elles ne pouvaient rivaliser avec celles des prédécesseurs dont la durée de vie était plus longue. Allah lui offrit donc la Nuit du Destin qui est meilleure que mille mois. »
Concernant les œuvres liées à cette fameuse nuit, il est certifié que le Prophète (r) a dit : « Quiconque veille la nuit du Destin avec foi et en aspirant à la récompense, il se verra pardonner ses péchés passés. » « Veiller » consiste ici à la passer dans l’adoration et la prière nocturne. En outre, il a recommandé à ‘Âisha de se consacrer aux invocations. Sufiân e-Thawrî a dit : « Cette nuit-là, les invocations sont meilleures à mes yeux que la prière. » Il veut dire par là qu’il vaut mieux multiplier les invocations que de faire des prières comportant peu d’invocations. Néanmoins, si l’adorateur alternait entre les invocations et la lecture cela reste une bonne initiative. Le Prophète (r) se consacrait à l’adoration les nuits du Ramadhan et psalmodiait le Coran. Il ne lisait pas un verset évoquant la Miséricorde sans la solliciter ni un verset évoquant le châtiment sans demander la protection d’Allah. Il alliait la prière avec la récitation, l’invocation avec la méditation. Voici la meilleure combinaison à mettre en pratique au cours des dix dernières nuits ou autre. ‘Âisha –qu’Allah l’agrée – a demandé au Prophète (r) : « Si je coïncidais avec la Nuit du Destin, quelle invocation dois-je y consacrer ?
- Tu n’as qu’à dire : Ô Allah ! Tu es Absoluteur et tu aimes le pardon, alors pardonne-moi ! »
L’absoluteur fait partie des Noms d’Allah, il signifie qu’Allah passe outre les péchés de Ses serviteurs et qu’Il en efface les traces. Il aime qu’on sollicite Son Pardon et aime pardonner à Ses Serviteurs comme Il aime de la part de Ses Serviteurs qu’ils se pardonnent les uns les autres. S’ils venaient à se pardonner entre eux, Il userait de Son Pardon envers eux. Son Pardon a un ascendant sur à Son Châtiment. Le Prophète disait à cet effet (r) : « Je cherche protection auprès de Ton Agrément contre Ta Colère et de Ton Pardon contre Ton châtiment. »[3]
Il est donc conseillé de demander pardon la Nuit du Destin après avoir redoublé d’efforts dans les bonnes œuvres au cours de cette nuit en question et des dix dernières nuits en général. Cela, parce que les initiés, même s’ils s’appliquent dans les actes de dévotion, ils ne se voient pour autant dans une situation privilégiée. Ils s’en remettent alors à Son Pardon à la manière des pécheurs et des insouciants.
Selon Abû Huraïra (t), le Prophète a dit (r) : « Quiconque jeûne pendant le mois du Ramadhan avec foi et en aspirant à la récompense, se verra pardonner ses fautes passées. Quiconque prie la nuit du Destin avec foi et en aspirant à la récompense, se verra pardonner ses fautes passées. »
Toujours selon Abû Huraïra (t), ce dernier a dit (r) : « Quiconque prie les nuits du Ramadhan avec foi et en aspirant à la récompense se verra pardonné ses péchés passés. »[4]
Ce Hadith recense trois moyens de se faire pardonner les péchés commis dans le passé. Autrement dit, il faut jeûner le mois du Ramadhan, prier durant ses nuits, et durant la Nuit du Destin en particulier. À elle seule, la Nuit du Destin efface les fautes qui ont pu se produire au début, au milieu, ou à la fin des dix derniers jours. Que la personne s’en rende compte ou non, l’absolution des péchés n’attend pas la fin du mois pour se voir effective ; contrairement au Ramadhan et à la prière nocturne pour lesquels il faut attendre la fin du mois pour en savourer les fruits. En effet, dès que le mois se termine, le fidèle achève le jeûne et les veillées spirituelles. L’absolution des péchés a lieu tout de suite après l’interruption des deux moyens qui ont permis de l’obtenir. Ces deux moyens sont le jeûne pour les journées et la prière pour les nuits du mois du Ramadhan.
Une fois les limites du mois franchies, les jeûneurs ont rempli leur devoir. Ils n’ont plus qu’à attendre la récompense qui se traduit par le pardon. En allant à la prière de l’Aïd, leurs récompenses leur sont distribuées. Quand ils rentrent chez eux, ils ont déjà perçu leur dû en entier. La récompense est proportionnelle à l’effort requis ; celui qui n’a pas rempli correctement son devoir devra s’en prendre à lui-même. Salmân affirme à ce sujet : « La prière est une balance, celui qui donne la bonne mesure sera pleinement rétribué, et pour celui qui voudrait tricher : vous connaissez pertinemment le sort des tricheurs. »
Le jeûne et les bonnes œuvres en général sont de cet ordre. Celui qui s’acquitte de sa dette compte parmi les serviteurs d’Allah les plus loyaux tandis que celui qui veut tricher, alors malheur aux tricheurs ! Honte à celui qui remplit avec soin la mesure de ses passions alors qu’il néglige injustement la balance de son jeûne et de sa prière !
Demain les âmes seront gratifiées de leurs œuvres,
Et les laboureurs auront le fruit de leur labeur
S’ils font du bien, ils le font pour eux-mêmes,
Et s’ils font du mal alors quel mauvais labeur
Les pieux prédécesseurs faisaient en sorte d’achever leur effort avec soin et perfection. Se voir accepter les œuvres étant leur second souci, ils avaient la peur au ventre à l’idée de se les voir refuser, et ils (font ce qu’ils font le cœur rempli de crainte ).[5]
‘Ali (t) aurait dit : « Soyez plus préoccupés de vous voir accepter les œuvres que de les accomplir. N’avez-vous pas entendu les Paroles d’Allah (U) : (Allah accepte les œuvres des gens pieux).[6] »
Selon el Hasan : « Allah a fait du Ramadhan une arène pour Sa création où ils rivalisent dans Son obéissance pour atteindre Sa satisfaction. Les premiers ont eu la victoire tandis que les retardataires ont tout perdu. » Comment peut-on avoir le sourire aux lèvres le jour où les bienfaiteurs sont les vainqueurs et où les paresseux sont les perdants !
Parmi les moyens permettant également de gagner le pardon divin, nous avons le fait de nourrir les jeûneurs et d’alléger la tâche aux esclaves. Il y a de surcroît l’évocation d’Allah et le repentir qui consiste à demander pardon au Seigneur.
Les invocations du jeûneur lui sont acceptées aussi bien la journée qu’au moment où il entame son repas. En outre, les anges invoquent le pardon en faveur des jeûneurs jusqu’au soir. Ainsi, il existe de multiples façons de se faire pardonner à l’occasion de ce mois bénit.
C’est pourquoi ne pas obtenir à cette occasion le pardon, c’est vraiment être le plus démuni du monde !
Quand les péchés seront-ils pardonnés à celui qui n’aura pas profité de l’opportunité ?
Quand ses oeuvres lui seront-elles acceptées, si elles ne l’ont pas été au cours de ce mois ?
Quand va-t-il se corriger s’il ne l’a pas fait pendant Ramadhan ?
Quand va-t-il guérir de son ignorance et de sa négligence ?
Toutes les branches qui ne donnent pas de fruits à l’heure de la cueillette sont coupées pour servir de brasier au feu. Si la terre est mal semée à la saison des graines, il y n’aura d’autre labeur le jour de la récolte que la déchéance et le remord.
Concernant la fin du mois, les personnes inondées par les fautes et dont les grands péchés leur font mériter l’Enfer, sont affranchies de ses flammes. Le jour de l’Aïd, Allah affranchit de la Géhenne, les grands pécheurs parmi les jeûneurs ; les pervers peuvent rejoindre ainsi les dévots. Etant donné que le pardon et l’affranchissement du feu étaient le fruit du jeûne et des veillées pieuses, le Seigneur a ordonné au serviteur d’achever cette période en exprimant sa reconnaissance et en proclamant Sa Grandeur en disant : (afin que vous finissiez ses jours et que vous proclamiez la Grandeur d’Allah qui vous a guidé, ainsi serez-vous reconnaissants).[7] La façon d’être reconnaissant envers Celui qui par Sa Faveur a permis à Ses serviteurs de jeûner le mois de Ramadhan tout en les soutenant dans leur besogne, c’est de l’évoquer et de le remercier tout en Le craignant comme il se doit ; Lui qui leur a pardonné et qui les a affranchis de l’Enfer.
Ô toi dont le Maître a affranchi des flammes ! Méfie-toi de ne pas retomber dans les chaînes de la faute après t’en être délivré. Ton Maître t’éloignerait-Il de l’Enfer vers lequel tu es attiré ? À quoi bon t’en sauver si toi tu y replonges sans y manquer ! Il incombe à quiconque veut délivrer son âme du feu à l’occasion du Ramadhan de se donner les moyens de le faire, en sachant qu’à cette occasion, ils sont plus que disponibles.
Dans e-Sahîh d’ibn Khuzaïma, il est dit : « Faites en sorte d’abonder de ces quatre choses : deux d’entre elles servent à satisfaire Votre Seigneur, et vous ne pouvez vous passer des deux autres. Celles dont vous vous servez pour satisfaire Votre Seigneur, ce sont : l’attestation qu’il n’y de dieu en dehors d’Allah et le repentir. Et celles dont vous ne pouvez vous passer, ce sont : quand vous demandez à Allah le Paradis, et quand vous cherchez Sa protection contre l’Enfer. »
Chacune des quatre particularités mentionnées dans ce Hadith constitue en elle-même une raison d’être affranchi et pardonné. La parole d’unicité pulvérise et efface les péchés. Elle n’omet aucune faute et rien parmi les œuvres ne peut la devancer en mérite. Elle équivaut à l’affranchissement d’un esclave qui implique l’affranchissement du feu. La parole du repentir quant à elle, constitue l’un des plus grands moyens pour se faire pardonner. Si l’on sait que le repentir consiste à invoquer Allah d’absoudre les péchés, il faut alors garder à l’esprit que l’invocation du jeûneur est exaucée quand il est à jeun et juste au moment de rompre son jeûne. Au demeurant, le plus efficace des repentirs s’avère quand celui-ci est accompagné d’un regret sincère.
Quiconque demande pardon du bout des lèvres, avec le cœur attaché à la faute, et la ferme intention à la fin du mois de la retrouver, verra son abstinence lui retourner, et les portes de l’acceptation lui seront fermées. Quant au fait d’implorer l’entrée au Paradis et d’être protégé de l’Enfer, ce sont les invocations, les plus essentielles et au sujet desquelles le Prophète (r) a déclaré : « C’est autour de cela que nous tournons. »[8]
Serviteurs d’Allah ! Ramadhan a pris l’initiative de partir, il n’en reste pratiquement plus rien. Celui qui parmi vous en a profité pour faire le bien, doit finir ainsi, mais celui qui a gaspillé ses heures peut encore finir bien. La dernière œuvre est celle qui prévaut. Jouissez donc du peu de jours et de nuits qui vous restent et quittez-le sur une bonne action ; elle pourra témoigner en votre faveur auprès du Roi Omniscient. Faites-lui vos adieux au moment du départ avec les meilleures salutations.
Ô Ramadhan ! Compatis ! Les larmes des bien-aimés affluent et leurs cœurs devant la douleur du départ se fendent. Un instant au moment des adieux peut étouffer ce que les flammes du désir ont brûlé. Un instant de pardon et de regret peut récupérer des empans entiers de jeûne détruits par le feu. Un cavalier isolé parmi les admis peut très bien regagner la caravane. L’individu enchaîné dans ses fautes peut tout aussi se libérer. Un individu méritant le feu peut autant en être délivré et un rebelle peut certainement être atteint par la Miséricorde du Maître.
Que les prières d’Allah et Son Salut soient sur notre maître Mohammed, ainsi que sur ses proches, et tous ses Compagnons !
Traduit par : Karim Zentici
Relu par Abu Hamza Al-Germâny
Le bureau de prêche de Rabwah (Ryadh)
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