L'EFFROYABLE IMPOSTURE
Abd Al Malik, nom et visage coutumié des plateaux télé ses derniers mois. Il est devenu, en un temps record, la coqueluche et le chouchou des médias, mais à quel prix ?
Dans le fond, je ne peux que me réjouir de la réussite d'un frère mais dans la forme, les moyens mis en oeuvre pour y accéder ne peuvent me laisser de marbre. Au delà du droit à m'exprimer sur le sujet, ce lien fraternel me pousse à souligner certaines choses que je trouve, pour ma part, étant autant d'entorse à l'intégrité et au respect de l'Autre. Cet Autre pour lequel, d'ailleurs, il ne manque aucune occasion pour en faire la promotion en prônant l'amour et le vivre ensemble. En clair, faites ce que je dis , ne faites pas ce que je fais...Le silence est d'or certes, mais dans certaine situation il devient trahison.
De "la banlieue de l'islam" au plateau TV, cocktails et hôtels cinq étoiles de l'islam.
Quand la foi devient un produit marketing
"L'islam des banlieues c'est la banlieue de l'islam". Cette phrase ne provient ni de la bouche de Redeker, de Fallaci ou de Finkelkraut (connus pour leurs dérapages contrôlés aux relents d'islamophobie) mais bien de celle de mon frère Abd Al Malik. Au delà du jeu de mot, cette phrase d'une violence inouïe à l'égard des millions de musulmans vivants en banlieue est doublée d'une insulte à la sincérité de ce qui ne peut être jugé et jaugé que par Celui qui détient les clés du coeur.
Petit Régis devenu Abd Al Malik est devenu "le nouveau Jacques Brel" en faisant de nous des brèls...en résumé, aujourd'hui ayant découvert "le véritable islam" par la voie du soufisme, Abd Al Malik en déduit que nous, dans nos banlieues, ne faisons que nous cogner le front bêtement sur le sol comme des brèls ! Merci pour cette analyse Ô Cheikh nouveau Jacques Brel.
Par la même, il inaugure une nouvelle échelle de mesure de la foi : selon la zone géographique !! Mais le coeur, qui est le siège de la foi, ne s'embarasse guère de ses considérations matérialistes MON FRèRE...
Quand le soufisme perd tout son sens.
Etaler cette relation qui devrait être de l'ordre de l'intime avec une telle impudeur et indécence, montre à quel point ce soufisme, qui nous est présenté, s'orne de la respectabilité et de l'honorabilité de ce courant à des fins plus commerciales que spirituelles.
Ce courant mystique de l'islam est identifié comme étant le paroxysme de la relation transcendantale avec Dieu mais altérer par l'intensité des feux de la rampe et des flashs des photographes, il a perdu tout son sens.
"Réalité sans nom" certains ont contribué à en faire "un nom sans réalité". Soufisme new look, travesti et bradé, on assiste à l'inversement des principes mêmes qui ont façonnés ce courant de pensée.
Tout dans le paraître, rien dans l'être et tant que les apparences sont sauves c'est l'essentiel. La carrosserie polichée et traitée, le moteur reste à l'abandon sans vidange ni entretien, il y a escroquerie sur la marchandise. Artifices et vernis pour laisser l'impression de la pureté qui est toute relative car de surface. "Comme un pot opaque de merde recouvert d'une couche de miel", ne t'arrêtes pas à l'apparence de la personne, gratte un peu et tu trouveras la vraie nature de celle-ci.
Mon frère, le véritable répentir est celui envers Dieu, avec toute l'humilité que l'oeil de Dieu impose et non sous l'oeil de la caméra et ça, seul l'oeil du coeur peut nous le révéler.
Quand l'intérêt prend le pas sur les principes.
Tel un Oedipe contemporain (en analogie avec la MYTHOlogie grecque), Abd Al Malik a tué son père (le quartier) pour épouser sa mère (le show biz). "Nous on s'en tape du show bizness" disait-il il y a de cela quelques années.
De mensonge spirituel sur patte à mensonge commercial sur patte.
Quand la fiction se subtilise à la réalité...quand on s'invente une vie pour asseoir sa notoriété...ce tour de passe-passe donne naissance à un artiste, bon client des plateaux TV, car attisant les fantasmes de la doxa ! Mais de qui parle-t-on ? de quel passé parle-t-on ? Sans entrer dans les détails, la seule chose qui tient de l'autobiographie dans l'album et le livre d'Abd Al Malik c'est le contexte duquel ce dernier parle.
"L'ECRIVAIN"
Dealeur, délinquant, voleur ? Laissez moi rire...Très bon coup commercial au-delà des murs du Neuhof en particulier et de Strasbourg en général car à chaque apparition d'Abd Al Malik à la télé, grands et petits, chez nous, s'esclaffent de rire(moi personnellement je ris jaune mais bon...). Un genre de nouveau Djamel Debbouze pour nous, quand pour le reste de la France il prend le rôle de l'ancien délinquant repenti, du jeune éclairé ancien musulman égaré qui avait côtoyé les milieux extrémistes ou de l'adolescent studieux le jour qui devenait pickpocket et dealer la nuit tombée...rien que ça !!! Scénario de film de fiction parfait mais la pillule de l'autobiographie a du mal à passer.
Entre côtoyer des dealeurs ou des braqueurs et l'être soi-même, il y a tout un monde qu'Abd Al Malik semble oublier. Puiser dans la vie d'autrui et s'en approprier les joies ou les peines s'apparente à un vol de personnalité. C'est exactement cela, de l'usurpation de personnalité.
Mon frère, tu aurais été tellement plus grand à nos yeux en parlant de ta vie à toi, ou même de celle des autres, mais sans la présenter comme étant la tienne. Mais devant les centaines de milliers de français incrédules (comme autant de clients potentiels), l'honneur des habitants de ton quartier d'origine n'a pas pesé lourd dans la balance. Allant même jusqu'à traiter de sujet épineux avec une arrogance et une suffisance sans égal, en faisant fi de la dignité et du respect de toute une famille.
A l'heure où des filles sont privées d'études, dans un pays où les discriminations sont criantes et où les discours de haine et de racisme se banalisent, Abd Al Malik nous offre "Qu'Allah bénisse la France". Moi j'aurais aimé entendre ce "représentant des cités" sur la colonisation, la violence sociale ou sur le racisme.
Malraux disait : "le courage est une patrie" et depuis que la notoriété t'es monté à la tête, tu as été déchu de sa nationalité. En l'état actuel de notre pays, il nous offre de la poudre aux yeux et devant la gravité de la situation, le silence équivaut à de la trahison. James Farmer dans son livre "Si tu es noir" disait : "Celui qui prêche l'amour dans une société basée sur l'injustice ne peut parvenir à s'exempter du conflit qu'aux prix de l'hypocrisie !" Ce prix, certains sont prêts à le payer, si ce n'est déja fait et tout cela à notre barbe et sur notre dos...
Plus consensuel que ça tu meurs ! Au point que Pascal Sevran (connu pour son goût pour les personnes de couleur noire) a laissé entendre qu'il aimait beaucoup Abd Al Malik et qu'il l'inviterait à son émission...Que chacun en tire ses propres conclusions. Le pire dans tout cela n'est pas l'invitation mais que ce dernier puisse l'accepter, car quand les intérêts prennent le pas sur les principes tout devient possible. Qu'il rejoigne Doc Gynéco ou Johnny Halliday ne m'étonnerait pas un instant.
L'intégrité c'est aussi cela que pourrait représenter le "I' d'islam...mais j'allais oublier tu as passé le "I" à la trappe et maintenant tu fais du slam.
LE CHANTEUR
Sans aborder ici les qualités artistiques d'Abd Al Malik, que chacun appréciera ou dénigrera à sa juste valeur...Tout pousse à croire que ce dernier évolue au gré du vent. Du rap de racaille au rap d'amour en passant par le rap conscient, il a toujours été en phase avec la mode du moment.
Aujourdh'ui avec le slam, Abd Al Malik se place encore une fois dans l'air du temps. Pragmatique, il surfe sur l'air du temps. Ainsi, afin de s'attirer les sympathies du show biz, il n'hésite pas à attaquer un certain Tariq Ramadan embourbé dans une campagne calomnieuse et un lynchage médiatique, le traitant de communautariste ayant voulu censuré son oeuvre ou encore qu'il diffusait "une philosophie mortifère".
J'ai la faiblesse de penser que le succès d'aujourd'hui n'est pas sans lien avec ses attaques. M'étant sa carrière au dessus de toute considéraion, Abd Al Malik ne s'embarasse guère des torts ou du mal que ses actions peuvent engendrer.
Ainsi le tout est de rester fidèle. Non pas à l'image du quartier, à une idéologie ou à un groupe de personnes...mais fidèle à soi même et à la vérité. Que les gens croient ne veut pas dire que ce qui est dit est vrai et un mensonge répétait autant de fois qu'on le désire n'acquierera jamais le statut de verité.