Abd al malik, « traducteur attitré du président sarkozy auprès des populations indigènes » ?

« La France elle est belle, tu le sais en vrai, la France on l’aime, y’a qu’à voir quand on retourne au bled… »

Qu’on se le dise : les « bons » immigrés aiment particulièrement la France. Comme ses sources d’inspiration idéologique que sont sûrement Gallo, Finkielkraut et Bruckner, Abd Al Malik fait l’apologie de la France qu’il aime, qu’il exalte et semble bien mettre au-dessus de toutes les autres nations. Loin de n’être qu’un territoire ou une abstraction dont les fondements historiques pourraient s’analyser rationnellement, le poète nous invite, par une personnification un peu lourde, à la considérer comme une entité aimable, qu’on se doit d’aimer pour elle-même, de manière absolue et exclusive, quelles que ce soient les circonstances... Même si ses ancêtres ont peut-être maltraité les miens, même si elle peut aujourd’hui rendre nos vies cauchemardesques, nous nous devons de l’aimer toujours passionnément [19]... Et si nous ne sommes pas contents,

« Y’a qu’à voir quand on retourne au bled... »

Quel bled ? Celui de mes parents ? Mon bled, n’est-ce pas la France ? Je ne suis donc pas un Français comme les autres ? Que suis-je alors ? Un indigène ? Un allogène ? Merci de me renseigner.

Et que devrait prouver cette comparaison avec « le bled » ?

Là, encore, ça ne vous rappelle rien ?

Ceci, par exemple : l’invitation faite par le secrétaire d’État Azouz Begag aux jeunes de banlieue, pendant les émeutes de novembre 2005, à

« aller visiter leurs pays d’origine, pour voir ce que c’est que la véritable misère ».

Ou bien ce rappel à l’ordre adressé en septembre 2003 par le ministre Xavier Darcos à deux lycéennes musulmanes qui avaient commis cet insupportable affront de venir au lycée les cheveux couverts d’un foulard :

« Si l’on n’aime pas la République française, il faut aller ailleurs. »

Ou encore ceci :

« S’il y en a que cela gêne d’être en France, qu’ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu’ils n’aiment pas ! »

(Nicolas Sarkozy)

Ou encore ceci :

« La France, on l’aime ou on la quitte. »

(Jean-Marie Le Pen)

Il est vrai qu’Abdel Malik n’est pas aussi brutal et explicite. Il se contente d’en appeler à l’évidence :

« Y’a qu’à voir »…

Mais y’a-qu’-à-voir quoi ? La France n’est-elle belle que par rapport à la laideur supposée des autres nations, ou plutôt de certaines d’entre elles – et pas n’importe lesquelles ? Le chauvinisme et le racisme s’affichent ici de manière de plus en plus « décomplexée ». La beauté de la France réside tout entière, si l’on écoute Abd Al Malik, dans la beauté de ses « visages qui s’entremêlent. ».

Pourquoi ? Les visages sont-ils tous laids en Afrique ? [20]

Soyons indulgents. Même s’il semble aimer la France par dessus tout, peut-être Abd Al Malik n’est-il tout simplement qu’un bon patriote... Mais pourquoi les immigrés et leurs enfants devraient-ils spécifiquement être de bons patriotes, alors que personne n’attend systématiquement ce sentiment d’un blanc ? [21] Cette attitude vis-à-vis des Indigènes était précisément celles des colonialistes,qui attendaient des Sénégalais et autres soldats Maghrébins plus de dévouement, d’abnégation et d’amour à défendre une nation qui les opprimait.