Je réagis ici à trois évènements qui m’ont interpellé.
Tout d’abord, l’élection de Mouammar Kadhafi à la tête de l’Union Africaine et qui a réussi dans la foulée à renforcer son pouvoir en transformant la Commission de l’Union (simple organe d’exécution) en « Autorité de l’Union ».
Le nouveau Président a aussitôt transformé la tribune qui lui est offerte à cette occasion en lieu de lutte pour le monde arabe en condamnant ce qui se passe en Irak et en Palestine. Mais nous Nègres d’Afrique, pouvons-nous oublier le régime criminel du Soudan qui, depuis 1956 a massacré près de 2,5 millions des nôtres, fait violer par ses sbires des millions de femmes africaines, occupé les terres de millions d’Africains après avoir spolié leurs biens ? Cela bien sûr, continue de plus bel avec la complicité active des États arabes !
Concernant Kadhafi, en septembre 2000 pogroms et chasses aux Nègres d’Afrique dans son propre pays ont causé la mort de près de 500 Africains et des milliers de blessés sans compter les milliers de fuyards et d’expulsés. Pourtant, Ali Triki Secrétaire du Comité populaire (équivalent du Ministre des Affaires étrangères ?) reconnaît « six morts ». Il déclare fièrement à la presse : « Le racisme ça n’existe pas chez nous ; nous ne sommes pas des Blancs ». Aucune condamnation n’est connue ni signalée après ces faits gravissimes.
En 2008 Mouammar Kadhafi vient d’expulser des centaines de Maliens par avion après ses accointances avec ses amis occidentaux Sarkozy et Berlusconi à propos d’une vague promesse d’Union méditerranéenne. Il est prêt sur injonction de ses amis du nord, comme le Maroc et l’Algérie à empêcher par tous les moyens, les Africains de passer par leurs pays pour rejoindre l’Europe.
Nul doute que l’Union Africaine pour les pays du Maghreb ne soit qu’un tremplin de l’hégémonie de la Ligue Arabe dont ils sont membres. Ils veulent dominer l’Afrique au sud du Sahara pour contrebalancer l’influence de l’Occident tout en faisant semblant d’être à la fois les amis des Nègres et des Européens, selon la personne en face… Sinon comment expliquer l’émergence de tant de conflits à la lisière du Sahara ? Aujourd’hui le Mali est quasiment en guerre contre les islamistes sans qu’aucun autre État d’Afrique noire ne vienne à son aide.
L’Afrique au sud du Sahara doit réaliser son unité politique à part ; sinon il faut organiser un référendum au Maghreb (Égypte compris), pour demander aux peuples s’ils sont pour la Ligue Arabe ou l’Union Africaine, il est impératif qu’ils choisissent entre les deux entités politiques. Après le choix probable de la Ligue Arabe ils seront des « États associés » et invités si nécessaire lors des rencontres de l’Union Africaine et non des membres.
Les deux autres évènements sont liés et concernent au premier chef le Sénégal et la France, mais ils méritent toute notre attention. Il s’agit de la condamnation par les tribunaux sénégalais de quelques homosexuels de M’Bao à de lourdes peines de prison ferme. Cet événement a mobilisé le Président français, son équipe gouvernementale et les médias français, voire quelques hommes dits de gauche.
La répression des homosexuels s’est déroulée en même temps que celle de Kédougou où des jeunes manifestants arrêtés se sont plaints d’avoir été battus et torturés par les forces de l’ordre. En tout cas, ils ont été condamnés par le tribunal de Tambacounda à de lourdes peines de prison allant de 5 à 10 ans ; les tortures n’ont pas été prises en compte par le tribunal.
Au départ ils avaient organisé une manifestation pacifique contre une société minière espagnole qui venait de remporter le marché de l’exploitation des mines d’or de Kédougou afin d’exiger d’elle l’embauche de quelques jeunes de la région. En effet l’État sénégalais lui a cédé 80 000 ha et a fait, ou va faire déguerpir pas moins de 14 villages sans contrepartie ni retombées économiques pour les habitants. De surcroît, la répression inappropriée et inacceptable de la gendarmerie et de l’armée a provoqué deux morts et plusieurs blessés, sans compter ceux qui se cachent.
Concernant cet événement de Kédougou pas un mot du Président français, pas un souffle de la presse sensationnaliste, exhibitionniste et voyeuriste, pas un mot des prétendus hommes de gauche. Ils ne s’intéressent qu’aux homosexuels condamnés, pas aux Sénégalais qui luttent contre la misère et le manque de respect de leur dignité par le gouvernement allié inconditionnel des entreprises étrangères.
Je me rappelle encore, dans les années soixante, au moment où j’étais au Lycée, qu’il y avait à Dakar, probablement à Saint-Louis et dans d’autres grandes villes du Sénégal, des homosexuels, mais nul ne songeait à les stigmatiser et à fortiori à les emprisonner. Ils faisaient partie du décor même si on en souriait un peu, mais sans aucune agressivité.
Aujourd’hui, à juste titre, on peut se poser la question de la raison de ces condamnations disproportionnées. Le régime du Président Abdoulaye Wade veut-il plaire à certains milieux religieux ? Cherche t-il à frapper certains opposants parmi les condamnés ? En tout cas, l’intolérance à l’égard d’une homosexualité qui n’agresse ni la rue ni les mineurs, est source d’inquiétude pour tous les démocrates sénégalais. L’intolérance est graine de la haine et la violence en est le fruit empoisonné.
Yaya SY