Les traditions et l'Islam: Réponse de Thierno Bocar Tall, le sage de Bandiagara

[Cheikhna Mouhamed WAGUE]

A une question posée au Sage de Bandiagara, Thierno Bokar Salifou Tall, le maître à penser de Amadou Hampâté Bâ, au sujet des traditions anciennes, il répondit rationnellement ceci :

« Respectez-les. Elles constituent l’héritage spirituel de ceux qui nous ont procédés et qui n’avaient pas rompu avec Dieu.
Les traditions peuvent se présenter sous forme de contes plus ou moins longs de différentes natures : contes pour enfants, contes didactiques ou initiatiques. Quels qu’ils soient, méditez-les, cherchez à dévoiler le secret qui est enveloppé en eux. Creusez-les profondément, comme le feraient les chercheurs d’or dans les mines de Bourré.
Chaque conte, chaque devinette est comme une galerie dont l’ensemble forme une mine de renseignements que les anciens nous ont légués par région, race, famille, et souvent d’individu à individu. Mais il va de soi que pour travailler profitablement dans cette mine et y circuler à l’aise, il faut y voir clair, autrement dit posséder une clef ou un maître. »

Source : Amadou Hampâté Bâ, Vie et enseignement de Tierno Bokar. Le sage de Bandiagara, Paris, Editions du Seuil, 1980, p. 185.

Ce texte nous exhorte à visiter et à revisiter nos traditions locales avec plus de finesse. Or de nos jours, on voit des gens qui veulent les battre en brèche sans autre forme de procès. Thierno Bocar était un homme dont la religiosité n’est plus à démontrer. Il fait partie de la lignée des hommes éclairés qui pensent que nombreuses sont nos traditions anciennes qui n'entrent pas en contradiction avec l’Islam. C’est donc une invite à une clairvoyance et à un respect vis-à-vis de nos traditions, coutumes, us, et j’en pense.
Vos avis et/ou vos commenatires sont les bienvenus.

[abdoul gandega]

Salam Wague

Avant tout commentaire, un conte initiatique est quoi exactement et didactique?
Peut tu nous preciser sans probleme?
Je ne veux pas t'emmerder mais leur definition sera un avantage pour beaucoup des soninkaranautes.

wa salam

[Cheikhna Mouhamed WAGUE]

Salam Wague

Avant tout commentaire, un conte initiatique est quoi exactement et didactique?
Peut tu nous preciser sans probleme?
Je ne veux pas t'emmerder mais leur definition sera un avantage pour beaucoup des soninkaranautes.

wa salam

Pour m'en tenir aux différentes explications que j'ai lues ça et là dans les livres de Amadou Hampâté Bâ, conte didactique, comme son nom l'indique, consiste à instruire, à former, à mieux familiariser le néophyte, l'enfant avec valeurs locales: respect des parents, respect des animaux, de la parole, et j'en passe. Quant au conte initiatique, il est une autre forme de contes qui consiste à former les jeunes aussi bien que les personnes adultes à la sagesse, à respecter les coutumes, etc. Mais, Thierno Bocar voulait dire par cette réponse dire qu'il y a plusieurs formes de traditions dont les contes. Pour lui, quelle que soit la nature de cette tradition, elle est à respecter, à méditer, car elle est sans doute porteuse de valeurs, ect.
Pour plus de détails, je t'invite à lire: Amadou Hampâté: Contes initiatiques peuls, Paris, Editions Stock, 1994, 397p. Si tu veux aussi, je peux te le prêter sans problème.

[Cheikhna Mouhamed WAGUE]

C'est bizzare que les réactions ne sont pas légion à ce sujet. Je le rémonte dans l"espoir de voir d'autres réponses l'alimenter...............

[Fodyé Cissé]

C'est bizzare que les réactions ne sont pas légion à ce sujet. Je le rémonte dans l"espoir de voir d'autres réponses l'alimenter...............

Il y a plein de sujets intéressants qui sont dans les abysses du forum.

Thierno Bocar a raison, toutes nos anciennes traditions ne sont pas incompatibles avec la religion. Bien avant l'arrivée des colons, nos sociétés avaient développé un système éducatif très instructif. C'est dommage que ce système a été délaissé petit à petit au profit d'un autre.

S'asseoir autour du feu et écouter un sage conter un conte était un passage obligé pour tous les enfants. A travers ces contes didactiques, les enfants parvenaient à distinguer le bien du mal, à faire la part des choses.

Il faut aussi noter les jeux qui étaient un important facteur de sociabilité.

Je suis pour la perpétuation de toutes ces traditions dans nos villages qui hélas sont entrain de muter pour ressembler à des villes.

[Cheikhna Mouhamed WAGUE]

C'est vrai Fodyé, dans l'ancien temps, sous l'arbre à palabres, les vieillards s'entouraient des enfants pour leur transmettre toutes les strates du passé à travers les contes, les paroles sages, etc.
Il est bien dommage que la colonisation ait mis fin à cette école. On peut remarquer que les anciens à travers cette formation sont plus enclins à l'exercice de la mémoire. Ils retiennent mieux que la génération de nos jours qui a recours à l'agenda pour se souvenir de tout.
C'est dire combien nos traditions locales transmises de bouche à oreille sont formatrices. C'est en ce sens qu'en 1962, devant le siège des Nations Unies, Amadou Hampâté Bâ, tira la sonnette d'alarme, en disant : "En Afrique, quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle". Effectivement, beaucoup de bibliothèques se sont brulées, au grand dam de la culture africaine. C'est vraiment dommage.
C'est pourquoi, il urge d'aller rapidement, et trés rapidement, à la collecte des traditions pendant qu'il est encore temps. Les personnes âgées détentrices de tels savoirs oraux ne sont aujourd'hui qu'une mince poignée. Je vous invite à lire ces phrases de feu Ousmane Moussa Diagana : " D'où urgence de happer les dernières grues couronnées, d'écoper les dernières gouttes d'eau necessaires à leur survie. Car que deviendrait un peuple s'il venait à ne plus savoir chanter? Où à ne plus pouvoir chanter? L'enjeu est aujourd'hui de taille. La littérature orale soninké se trouve prise dans un réseau de facteurs qui expliquent sa régression et son marasme"

[Tribal Cams]

" D'où urgence de happer les dernières grues couronnées, d'écoper les dernières gouttes d'eau necessaires à leur survie. Car que deviendrait un peuple s'il venait à ne plus savoir chanter? Où à ne plus pouvoir chanter? L'enjeu est aujourd'hui de taille. La littérature orale soninké se trouve prise dans un réseau de facteurs qui expliquent sa régression et son marasme"

Très belle parole à méditer.

Tchooo

[miss ében]

Salam

Cette citation de Tierno Bokar je la trouve tout simplement pleine de sens, on peut voir d'ailleurs tout le long du livre la manière dont il applique ses dires avec simplicité et délicatesse, il y a de quoi se questionner et se demander où l'on va et vers quoi tend-on.
J'ai eu la chance d'assister une fois au village à ces veilliées où mon grand pére nous racontaient les histoires d'antan avec un langage qui interloquait ceux qui étaient present et me laissais moi dans un nuage d'interrogation, il utilisait des expressions qui necessitaient d'avoir des acquis au niveau de la langue pour en comprendre le sens, des metaphores et toutes sortes d'images pour illustrer ses propos. C'est dire que ces écoles de la vie faites dans la tradition orale constituent un veritable patrimoine de notre culture qui s'estompe avec le temps , c'est bien dommage.

PEACE

[Cheikhna Mouhamed WAGUE]

Un vieux sujet.