Le président français Nicolas Sarkozy a exposé jeudi à Dakar sa vision d'un "partenariat" renouvelé entre la France et l'Afrique, appelant celle-ci à ne pas "ressasser le passé" colonial et à s'engager vers la bonne gouvernance.
M. Sarkozy a quitté Dakar ce vendredi matin pour le Gabon. Il doit regagner Paris dans la nuit. A l'occasion de sa première visite en Afrique sub-saharienne depuis sa prise de fonctions le 16 mai, M. Sarkozy s'est adressé à la "jeunesse d'Afrique", qui constitue près de la moitié des 900 millions d'habitants du continent.
Devant un millier de personnes - dont plusieurs centaines d'étudiants - réunies à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, le président français a qualifié la colonisation de "grande faute", mais il a également refusé, comme récemment en Algérie, toute idée de "repentance". Il a ainsi affirmé que "la colonisation n'est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique", citant les guerres, les génocides, la corruption, les gaspillages.
"Je ne suis pas venu nier les fautes, ni les crimes, car il y a eu des fautes, et il y a eu des crimes", a dit M. Sarkozy en évoquant "la traite négrière" et "l'esclavage". Il a toutefois affirmé que "nul ne peut demander aux générations d'aujourd'hui d'expier ce crime perpétré par les générations passées".
"Je suis venu vous proposer, jeunes d'Afrique, non de ressasser ensemble le passé mais d'en tirer ensemble les leçons et de regarder ensemble vers l'avenir", a-t-il souligné. M. Sarkozy a ainsi prôné un "partenariat entre nations égales en droits et en devoirs" et affirmé que la France sera "aux côtés" de l'Afrique sur le chemin de la bonne gouvernance et dans son combat contre la corruption et la misère.
Ce discours a suscité des réactions controversées dans l'assistance, dont une partie ne semble pas avoir apprécié un ton qualifié par certains de "moralisateur". "Ca a été un discours docte qui a voulu donner une pédagogie aux Africains pour sortir de leurs problèmes. Mais les Africains sont conscients de leurs problèmes", a estimé Aïssata Tall Sall, membre du Parti socialiste (PS, opposition).
"C'était un discours un peu trop moralisateur. Il est incontestable que nous sommes responsables d'un certain nombre de choses du point de vue de l'immobilisme de l'Afrique, mais le monde est également coupable d'une bonne partie de la situation de l'Afrique", a réagi de son côté Moustapha Kassy, professeur d'économie à l'université.
Arrivé en début d'après-midi à Dakar, M. Sarkozy a été accueilli à l'aéroport par son homologue sénégalais Abdoulaye Wade, avec lequel il s'est entretenu en privé à la Présidence.
Lors d'une conférence de presse tenue après ce tête à tête, M. Wade a annoncé avoir obtenu l'accord de "principe de la participation de la France pour le financement" du procès au Sénégal de l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré, poursuivi pour crimes contre l'humanité. "Ce procès va coûter beaucoup d'argent, je pense que ça devrait être la communauté internationale qui devrait s'en charger", a poursuivi le président sénégalais. Ces derniers jours, plusieurs ONG ont exhorté le président français à encourager son homologue sénégalais dans le sens de la mise en place rapide d'un calendrier pour cette procédure - pour l'instant au point mort - concernant l'ancien chef de l'Etat tchadien (1982-90), réfugié au Sénégal depuis sa chute.
Lors de cette courte visite de travail, M. Sarkozy a également rencontré des membres de l'opposition sénégalaise à leur demande. Les principaux responsables de l'opposition avaient contesté la réélection de M. Wade dès le premier tour de la présidentielle du 25 février. Ils avaient également boycotté les législatives du 3 juin, dénonçant un manque de garanties sur la fiabilité du scrutin dans ce pays pourtant réputé pour son respect de la démocratie.
Michel LECLERCQ.