- Remarque importante
Birago Diop est d'origine wolof, ces contes sont plutôt communs à toutes les ethnies en Afrique Occidentale (même ailleurs dans toute l'Afrique… presque), les seules choses qui ont été " wolofisées " sont principalement les noms donnés aux animaux, sinon l'esprit global des contes n'a guère changé.
Ce conte " Les mauvaises compagnies " en quatre parties, est extrait du livre de Birago DIOP les Contes d'Amadou Koumba, aux Editions Présence Africaine.
LES MAUVAISES COMPAGNIES
-I-
Vivre seul et se moquer d'autrui, se moquer d'autrui de ses soucis comme de ses succès, c'est là, sans conteste, un sage et raisonnable parti. Mais ignorer absolument les rumeurs, les potins, et les cancans, cela peut amener parfois des désagréments au solitaire.
Si Kakatar-le-Caméléon, le Caméléon sage et circonspect jusque dans sa démarche, avait fraye plus souvent avec les habitants de la brousse ou même avec ceux des villages, il aurait su ce que tout un chacun pensait de Golo-le-Singe. Il aurait connu l'opinion des hommes et le sentiment des bêtes a l'endroit de cet être malfaisant, mal élevé, mal embouché, querelleur et malicieux, menteur et débauché, dont la tête n'était pleine que de vilains tours à jouer au prochain. Il aurait su pourquoi Golo avait les paumes des mains noires à force de toucher à tout, et les fesses pelées et rouges d'avoir reçu tant de coups. Leuk-le-Lièvre lui aurait sans doute dit pourquoi Golo n'était pas un compagnon souhaitable; Thile-le-Chacal, Bouki-l'Hyène et même Bakhogne-le-Corbeau lui auraient appris pourquoi Golo n'était pas à fréquenter assidûment. M'Botte-le-Crapaud lui aurait avoué que, pour sa part, jamais dans sa famille personne n'avait fait de Bagg-le-Lézard son compagnon de route, car il y a compagnon et compagnon; et que sans nul doute, la société de Golo-le-Singe n'était pas faite pour lui, Caméléon.
Mais Kakatar ne hantait pas les mêmes parages que tous ceux-là; et, s'il lui advenait d'aventure d'en aviser un sur son hésitante et titubante route, il savait prendre la teinte des objets qui l'entouraient. Jusqu'à ressembler à l'écorce d'un vieux baobab, aux feuilles mortes qui lui servaient alors de lit, ou aux herbes vertes contre lesquelles il s'adossait.
Un jour, cependant, au bord d'un sentier, Golo-le-Singe, qui passait en gambadant, put distinguer Kakatar collé contre le flanc d'une termitière.
- Oncle Kakatar, as-tu la paix ? salua Golo d'une voix doucereuse.
Force fut au taciturne solitaire, dont l'humeur était moins changeante que la couleur de la peau, de répondre à la politesse. Car " Assalamou aleykoum " n'est pas plus beau que " Aleykoum salam", et l'on doit payer, l'on peut payer cette dette sans s'appauvrir. Et puis, rendre un salut n'a jamais écorché la bouche.