Si la langue française a longtemps été un édifice en France, un consensus émerge autour de la reconnaissance du plurilinguisme comme atout. Sur le terrain, des associations militent pour valoriser la diversité des langues dans la société française, dès les bancs de l'école. D'une langue à l'autre (DULALA), implantée à Montreuil, est l'une d'elles. À travers des ateliers de jeux et d'éveil aux langues, des formations et des conférences, elle sensibilise parents, enfants, professionnels et institutions aux atouts d'un plurilinguisme décomplexé.
Ce samedi matin, au cœur de la cité de la Noue, la ludothèque du centre social Guy Toffoletti s'anime de sonorités soninké. Depuis le mois de novembre, chaque samedi, des papas et des mamans de Montreuil et Bagnolet (Seine-Saint-Denis) confient à l'animatrice Mama Doucouré leurs bouts de choux, pour deux heures de jeux en langue soninké. Âgés de deux à dix ans, les enfants écoutent sagement Mama réciter une comptine puis chantonnent en cœur le refrain. L'acteur de cette histoire est une peluche baptisée Khalifa, signifiant "confier". Cette mascotte occupe un rôle clef dans l'atelier : à tour de rôle, chaque enfant emmène Khalifa chez lui. Le samedi suivant, il raconte les aventures de la peluche pendant la semaine écoulée. Ce rituel est une manière de croiser l'univers familial et l'atelier, de lier le français parlé à l'école et le soninké du nid familial. Une préoccupation au cœur de la pédagogie de DULALA, association à l'initiative de ces ateliers ludiques en langue maternelle.
La langue maternelle, un jeu d'enfant ?
Destinés aux enfants qui évoluent dans un environnement bilingue, ces groupes de jeux existent en quatorze langues, parmi lesquelles l'anglais, l'espagnol, l'allemand mais aussi des langues moins valorisées à l'école comme la langue des signes, l'hébreu et plus récemment l'arabe, le berbère et le soninké. La communauté ouest-africaine est particulièrement présente à Montreuil où sont recensées pas moins de cent vingt nationalités différentes. "On s'est rendu compte que les enfants ne parlaient soninké qu'avec les adultes, jamais entre eux. On leur propose un espace où ils peuvent prendre plaisir à parler la langue de papa et maman avec leurs copains. Il faut décloisonner les espaces où la langue peut circuler, entre la sphère familiale et les autres sphères", explique Anna Stevanato. Cette linguiste a créé l'association DULALA en 2009. Mère de deux enfants franco-italiens, elle a elle-même grandi en "bilingue contrariée". "J'ai été élevée par mes grands-parents qui parlaient vénitien, un dialecte non reconnu en Italie. J'ai grandi avec un sentiment de honte. Ensuite je me suis rendue compte que c'était très difficile de transmettre sa langue à ses propres enfants, car si l'italien est désormais reconnu en France, ce n'était pas le cas il y a un certain nombre d'années".
02 Fév2014
L'éducation au plurilinguisme, pour un éveil à l'autre
Par Caroline Trouillet, africulture.com