Le lendemain donc, M'Bott-le-Crapaud, revenant du marigot, ne se dirigea pas vers le vieux canari que ses parents lui avait cédé et qui lui servait de demeure. Il s'en alla, sautillant, plein de joie et d'appétit, vers la maison de Yambe-l'Abeille.
- Yambe, sa Yaram Djam ? (Abeille es-tu en paix ?) salua-t-il.
- Djama ma rek (En paix seulement) lui fut-il
répondu.
- Me voici ! se présenta poliment M'Bott.
- Approche, invita Yambe-l'Abeille.
M'Bott-le-Crapaud s'approcha de la calebasse pleine de miel, sur le rebord de laquelle il appuya l'index de la main gauche, comme doit le faire tout enfant bien élevé. Il avança la main droite vers le repas qui paraissait si bon, mais Yarobe-l'Abeille l'arrêta :
- Oh ! mais mon ami, tu ne peux vraiment pas manger avec une main aussi sale ' Va donc te la laver !
M'Bott-le-Crapaud s'en fat allègrement vers le marigot, top-clop ! top-clop ! puis revint aussi allègrement, clop-top ! top-clop ! et s'assit près de la calebasse. Yambe-l'Abeille, qui avait, sans l'attendre, commencé à manger, lui dit encore, quand il voulut puiser dans la calebasse :
- Mais elle est encore plus sale que tout à l'heure, ta main !
M'Bott-le-Crapaud s'en retourna sur le sentier du marigot, un peu moins allègrement, clop-top ! top-clop ! puis revint chez Yambe-l'Abeiile, qui lui refit la même réflexion.
II repartit au marigot d'une allure beaucoup moins vite, clop-top !... top !... clop-top ! Quand il revint de son septième voyage aller et retour, les mains toujours aussi crottées par la boue du sentier et suant au chaud soleil, la calebasse était vide et récurée. M'Bott-le-Crapaud comprit enfin que Yambe-l'Abeille s'était moquée de lui. Il n'en prit pas moins poliment congé de son hôte :
- Passe la journée en paix, Yambe, fit-il, en regagnant l'ombre de son vieux canari.
Des jours passèrent. M'Bott-le-Crapaud, aux leçons des grands et des vieux, avait appris beaucoup de choses; et, sur le sentier du marigot, il saluait toujours chacun et conversait toujours avec certains, dont Yambe-l'Abeille, à qui il dit enfin un jour :
- Yambe, viens donc un jour jusqu'à la maison, nous mangerons ensemble.