Non encore au terme de sa quête infructueuse et de ses démarches inutiles jusque-là, Koupou-Kala ne fit donc aucun effort pour répondre selon l'usage au salut de Kantioli qui continuait à interroger :
- Où donc te conduisent tes nombreuses et savantes pattes ?
La question, bien que normale et attendue- de tout voyageur poli rencontré sur son chemin, dut paraître sans doute oiseuse à Crabe, car c'est d'une voix plus que sèche qu'il répondit ;
- Probablement sur le même chemin où te mènent les quatre tiennes. Sur le chemin qui remplira mon ventre.
Rat ne parut point se vexer du ton peu amène de son interlocuteur, et c'est fort gentiment qu'il proposa :
- Eh bien ! nous allons faire route ensemble.
Crabe acquiesça des deux yeux qu'il rabattit puis releva, et ils s'en allèrent.
Au milieu du jour, ils arrivèrent au pied d'un palmier dont les cheveux, attendant toujours que le ciel les tresse, entouraient des amandes gonflées de chair.
- Va chercher un régime d'amandes, toi qui grimpes si bien et qui as des dents si pointues, dit Koupou-Kala à Rat.
Rat grimpa, rongea le pied d'un régime et cria :
- Attrape, Crabe !
- Attends, dit Crabe, il faut que j'aille chercher de quoi me faire un coussinet pour la tête avant de porter le régime.
Et il s'en alla.
Il s'en alla trouver Fêtt-la-Flèche, qui, en ce temps-là, avait déjà le nez pointu, mais n'avait pas encore été chez Teug-le-Forgeron pour y mettre un bout de fer ; pour voler plus loin et plus haut, Fêtt se mettait aussi parfois deux plumes au derrière.
- Fêtt, demanda Crabe, si tu vois Kantioli-le-Rat, est-ce que tu seras capable de le toucher en haut d'un très haut palmier ?
- Certainement, répondit Fêtt-la-Flèche, que semblait indigner pareille question où perçait un doute sur sa puissance. Que mon père Khâla-l'Arc m'y envoie et tu verras !
- Nous le verrons, fit Crabe. Nous le verrons quand je dirai : allons-y !
Il s'en alla plus loin et rencontra Makhe-le-Termite :
- Mère Makhe, grande dévoreuse de bois mort, interrogea-t-il, si tu voyais Fêtt qui vole si vite, même sans ailes, et son père Khâla, pourrais-tu leur faire un boubou d'argile avant de les avaler ?
- Sans aucun doute je le pourrai, affirma mère Termite.
- Nous le verrons, quand je dirai : allons-y !
Et Crabe continua sa route et croisa Sékheu-le-Coq, à qui il demanda :
- Sékheu, toi qui réveilles le monde et remplis de terreur Mélinte-la-Fourmi, la terrible Fourmi, si tu rencontres Makhe-le-Termite, n'aurais-tu pas peur pour ton bec devant cette mangeuse de bois mort ? Oserais-tu la piquer ?
- Montre-moi une termite et tu verras, fît simplement le Coq.
- Nous le verrons quand Je dirai : allons-y ! Attends-moi là dit Crabe, qui s'en alla trouver Thile-le-Chacal.
- Thile, lui dit-il, si tu trouvais, sur ton chemin, Sékheu-le-Coq si vaniteux, qui fait tant de bruit et empêche le monde de dormir, pourrais-tu le saisir ?
- Bien sûr ! déclara Thile-le-Chacal.
- Nous le verrons quand je dirai : allons-y !
Et Crabe s'en alla voir Khatj-le-Chien.
' - Khatj, peux-tu attraper Thile-le-Chacal qui ne marche ni ne court tout droit ?
- " Wawaw ! Wawaw ! " (Oui ! Oui !) répondit le Chien.
- Nous le verrons quand je dirai : allons-y ! Viens avec moi.
Et Crabe retourna sur ses pas, accompagné de Khatj-le-Chien. En chemin, il dit à Thile-le-Chacal, à Makhe-la-Termite, à Sékheu-le-Coq, de suivre ; il prit Fêtt-la-Flèche et son père
Khâla-l'Arc.