La musique " Soninké" vit ses heures sombres de nos jours. Depuis quelques années, le monde Soninké est sevré de la vraie musique, celle même qui adoucit les mœurs et raffermit les cœurs. Chercher un bon musicien soninké aujourd’hui revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. Plusieurs musiciens ne remplissent plus un concert et leurs albums peinent à trouver preneurs. Nombreux sont ceux qui se réclament « artiste soninké », très peu endossent confortablement le costume. Leur musique ne dépasse pas les couloirs des évênements Soninké.
Chez les Soninkés, les griots ont longtemps tenu leur rôle dans la société. Lors des cérémonies, ils viennent répéter l’histoire tout en galvanisant les héritiers des compagnons séculaires de leurs aïeux. Dans la sphère des griots Soninkés, le très célèbre regretté Ganda Fadiga fait figure de « crack ». Il a traversé nombre de décennies en chantant les louanges de grands hommes. Doté d’une grande sagesse et d’une grande humilité, l’homme parcourait le monde pour galvaniser les grands hommes à travers les généalogies des uns et des autres. En parallèle de son métier de griot, Ganda Fadiga était un sage, un éducateur hors pair. Par ces célèbres proverbes et maximes, il distillait des messages forts aux soninkés. Ganda était un griot Soninké. Il perpétuait son héritage culturel.
De nos jours, le griot de la nouvelle génération, Mamadou Diabaté suit de fort belle manière cette tradition. « Jaare » de naissance, il est un parolier confirmé qui maitrise bien des généalogies.
Dans la sphère de la musique Soninké, la star incontestée de tous les temps reste le chanteur Diaby Doua CAMARA. Entré par effraction dans cet univers, l’homme avait su inventer une autre musique pour les Soninké. Sa musique est pleine d’enseignements. Il ressortait la richesse de la culture soninké par des thèmes aussi profonds et utiles les uns des autres. Il disposait d’un répertoire musical riche et varié. Il alliait savamment des thèmes chers aux Soninkaxu avec les rythmes typiquement soninkés tels les Worosso, le Sigandi… Dans les productions musicales de Diaby Doua, les valeurs et les tares de la société soninké ressortaient très clairement. Il développait des thèmes intéressants appelant les soninkés à une autocritique, gage de progrès à plusieurs niveaux . Le titre de ces albums suffisait à interpeller les Soninkés sur les vraies valeurs. L'homme était adulé par le commun des soninkés, toutes générations confondues.
Dans son sillage, plusieurs de ses compagnons de route lui ont emboité le pas comme Harouna Sidibé, Boubou Samba Diallo sous l’œil vigilant de Mamadou Bathily et du virtuose de la guitare et compositeur Goudia Mandiou Kouyaté. Ce dernier résume implacablement la perte de vitesse de la musique Soninké en ces termes « On ne confectionne pas une écharpe porte-bébé sans avoir vu un signe de grossesse ». Selon lui, les artistes chanteurs Soninkés pêchent à plusieurs niveaux. La voix, l'intonation, le rythme, le thème sont autant de paramètres qui font défaut à nos chanteurs. Les musiciens soninkés sont aujourd’hui devenus des laudateurs devant l’éternel avec le seul et unique but de ramasser de l’argent.
Par ailleurs, les Frères TOURE, ambassadeurs de la musique soninké, font figure de référence. Polyglottes, ils ont vivifié le « Soninkaxu » dans le monde par la magie de la musique. Ousmane et Séta TOURE, plus jeunes, ont également donné des couleurs au soninkaxu à travers la musique. Ils sont d'ailleurs auteurs des rares clips soninké qui sont diffusés sur les télé africaines.
La France, bassin naturel de la musique soninké, montre à quel point l’univers musical soninké souffre. Ils sont nombreux des chanteurs soninké de nos jours. Peu d’entre eux peuvent se targuer d’une discographie riche et profonde. Depuis la disparition de Diaby DOUA, la musique soninké se cherche. La nouvelle génération peine à donner un second souffle à cet art. Les musiciens soninkés marchent sur les plates-bandes des griots. L’œuvre musicale soninké est devenue le " véhicule " déguisé de la mendicité. Il n’y a aucun contenu dans leurs productions. Plusieurs albums sont vides de sens. Nos musiciens soninké sont devenus des « mendiants » habillés en « Ganila ». Ils écument les mariages où l’argent est la seule valeur avec la complicité des femmes soninké. Quelques anecdotes suffisent pour apporter de l’eau à notre moulin. Dans les mariages, les artistes soninkés chantent du début à la fin des gens dont les noms ont été couchés sur une feuille blanche. Liasses d’euros à la main, les femmes défilent pour honorer le laudateur du jour. Les griots sont chassés de leur tanière naturelle par une horde de nouvelles « rapaces », prompts à ridiculiser les avares. Quiconque ne sort pas les euros est sûr de se voir lancer quelques quolibets salés et pimentés. L’univers musical soninké est comparable à une grande farce où l’éclat du « Ganila » règne en maître. C’est la bérézina !
En France, dans ce foutoir qu’est devenue la musique soninké, seules quelques artistes sauvent les meubles. Malgré quelques égarements, des artistes comme Demba Tandia peuvent encore se targuer d’être musicien soninké. Le contenu de certains de ses albums comme « Remme », « Kite » témoigne de sa capacité de réinvention. Dans chacun de ses albums, il est fréquent de trouver des morceaux à thème comme l’émigration, le savoir, l’amitié…De plus, depuis ses débuts, il travaille sans relâche pour la diversification de son univers musical. De nombreux duos avec des chanteurs d’autres horizons témoignent de sa volonté d’internationaliser la musique soninké.
En somme, la musique soninké est dans une impasse. La nouvelle génération s’emmêle les pinceaux. Elle est dans un labyrinthe profond. Il y a un manque criard de professionnalisation. Ce que l’on donne à la musique, elle nous le rend. L’artiste doit être un chercheur et une sentinelle pour alerter à sa manière le commun des mortels sur les maux de la société. Comme dit l’adage « Courir et se gratter les fesses ne peuvent aller ensemble. ». Plus préoccupant, plusieurs de nos musiciens épousent des comportements très étranges à tel point qu’on s’interroge sur leur vraie essence. Il se dit que la musique est prohibée par l'Islam... Si nous devons pécher, que cela vale la peine, au moins.
Samba Fodé KOITA dit EYO, www.bakelinfo.com