Où était Sosso ? Ce royaume n’était pas en Guinée, contrairement à ce que beaucoup de gens croient. Il s’est développé plutôt au Mali, dans la direction de Bamako, au sud de Nara, entre Banamba et Mourdiah. Le village de Sosso existe encore et se situe à douze kilomètres de Boron CISSE.
Origine et nom de ce royaume
Il fut fondé par les Diarisso Soninké animistes intransigeants. Sosso eut son heure de célébrité et fut la capitale d’un royaume d’abord vassal du Ouagadou. Par rapport au Mandé c’est le nord. C’est pourquoi les Maninka l’appellent Kéniéka (nord), par extension le nord du Mandé. Ce mot déformé par les Sarakholés deviendra Kaniaga. Deux autres versions existent autour de l’origine des noms donnés à ce royaume. Selon la première, les Diarisso épousaient les filles peules du clan des Sow. Pour cela, le pays fut appelé royaume des Sossobè. Ce terme raccourci donnera Sosso, nom généralement connu.
La deuxième version, plus plausible, précise que Sosso signifie pays des chevaux (so so). Lorsqu’il accéda au trône, Soumaoro entrava toutes les activités commerciales entre le Mandé et le Ouagadou. Il retirait de force tous les chevaux que les marchands Soninké conduisaient sur son territoire pour les vendre, ou qui étaient en transit pour le Mandé. Le roi de Sosso s’attribua ainsi le monopole du commerce des chevaux (il gardera les meilleurs étalons pour son armée). Les autres chefs n’avaient d’autres choix que de venir se ravitailler sur les marchés de son pays. De là vient l’appellation Sosso (soso : là où on se procure les chevaux).
Les souverains de Sosso
Sosso était sous la dépendance des Tounka du Ouagadou. Son gouverneur (farin) était le lieutenant d’un empereur. Il se nommait Goumaté Fadé Diarisso, généralement connu sous le nom de Goumaté Fané. Aussi, faut-il le préciser, tous les rois de Sosso étaient des Soninké et leur patronyme était Diarisso. (Diarra et son fils Soumaoro étaient Soninké et Diarisso). Après la chute de Koumbi, Kambiné Diarisso proclama l’indépendance du pays et en fut le premier souverain. C’était en 1105.
Mais ses fils Souleymane, Bana, Boubou, Maghan, Ganné, Moussa et Birama furent des rois fainéants. Ils furent incapables de gouverner le royaume. Le général Diarra Kanté (insistons là-dessus, il était Diarisso) en profita pour s’installer sur la peau royale. Il dispersa les prétendants au trône. Son fils Soumaoro lui succéda. Il fut le plus illustre et le dernier roi du sosso. Voici comment lui et son père Diarra sont devenus Kanté. Ce nom est né d’une circonstance particulière que les diali expliquent en donnant plusieurs versions.
La plus connue nous vient des Maninka eux mêmes. Le roi de Sosso leur aurait déclaré, au moment où il exerçait sur leur patrie son impitoyable autorité « gens de ce pays, du Mandé, je suis le premier roi et le roi autochtone. Vous le savez tous, les lois qui régissent les royaumes soumis à ma douce domination sont consensuelles (benkan lé, disait-il pour ironiser. Je ne les ai pas créées. Elles ne proviennent donc pas de moi (né kanté). C’est ainsi qu’est venu le nom Kanté. Et les Maninka l’ont ajouté à celui de Soumaoro (Soumaoro ko k’a le Kanté).
Le personnage légendaire de Soumaoro
Personnage légendaire, c’était un grand chasseur (soso sinbo ani sinbo salaba). Il était de grande taille avec des jambes cagneuses. Soumaoro avait parcouru le Ouagadou dans tous les sens. C’était un vagabond. Mais les griots qui les louangeaient disaient de lui : « tu n’es point un vagabond et tu n’as point les jambes cagneuses, digne fils d’un homme charmant ». Certaines sources orales indiquent que le village natal de Soumaoro se trouverait dans le Do Sankarana (Ségou).
Le nom de Sosso simbo se prononce de plusieurs manières : Soumaoro ou Soumba N’Golo ou Souman N’Golo ou encore Soumangourou). Les Maninka soutiennent qu’il naquit dans les monts mandingues, près de Niamé, aux campements des forgerons (Sossodaga). Son père avait été déporté au Mandé pour avoir refusé de renoncer à l’animisme et se convertir à la religion musulmane. Les Cissé de Boron, ses maîtres lui faisaient extraire l’or à leur profit, avec ses hommes. Soumaoro n’avait jamais pu pardonner et oublier cela, ce qui l’amènera plus tard à devenir le plus résolu des esclavagistes.
Le roi de Sosso était un grand guerrier et un maître fétichiste. Les têtes des rois vaincus par lui décoraient les murs de son immense palais, une tour gigantesque à plusieurs étages. Soumaoro possédait un épervier, gardien de sa demeure. Comme l’aigle de Mama Dinga, ce rapace parlait aux hommes et communiquait même à distance avec Sosso simbo. Il prévoyait tous les événements. Et comme le lait sur le feu, l’oiseau surveillait le balafon magique de son maître (Sosso bala), le spécimen, l’ancêtre des autres instruments de ce genre. Le célèbre messager de Sogolon Diata le découvrit et le joua malgré les mises en garde de l’épervier. Il le joua si bien que le roi de Sosso le retint prisonnier.
Soumaoro disposait aussi d’un serpent qu’il envoyait en éclaireur, avant chaque affrontement avec l’ennemi. Vers la fin de sa vie, ce reptile sera tué par son neveu Fakoli au moment où celui-ci abandonnait l’armée Sosso. Sosso simbo (le chasseur de Sosso) était un homme redouté de tous. Il se promenait toujours avec ses influx magiques (korté). Ses vêtements étaient faits de peaux humaines (mògò golo kouroussi ani mògò golo dòròki). Soumaoro était propriétaire d’une faucille à briser les citadelles (djin fara wolosso). Peut-être cette faucille n’existait-elle pas réellement ?
Mais en vérité, aucun tata (muraille) ne pouvait résister aux assauts du terrible worosso daba, la foudre de guerre de worossola, chef de guerre de l’armée Sosso. Grand sorcier le roi de Sosso pouvait se transformer en buisson, en tourbillon. Il fut, dit-on, à l’origine du culte du Nianan pratiqué autrefois à Kouloukoro, au Nianan Koulou (la colline du Niana). Sosso simbo était invulnérable. Seul un ergot de coq blanc fixé à une flèche pouvait l’attendre et le tuer. Ce secret sera dévoilé lorsqu’il tomba sous les charmes de la sœur de Sogo sogo simbo (Soundjata). Une légende rapporte que sa sœur Kankoumba Kanté, mariée à un djin (génie) lui aurait permis de disposer d’une armée de génies.
Sosso simbo, le conquérant
Le seul nom de Soumaoro faisait trembler de peur tous ses contemporains, Soninké et Maninka. Grand guerrier, il porta le Kaniaga à son apogée. Il organisa des troupes solides, bien équipées de flèches et tamba (lances) fabriquées sur place par ses forgerons. Son armée disposait d’une cavalerie nombreuse et efficace. Ses fantassins formaient un rempart infranchissable pour ses ennemis.
Lorsqu’il fortifia Sosso, Soumaoro se mit en guerre contre ses adversaires, désorganisés, divisés, mais surtout apeurés. Il conquit le Kingui (Diarra) et le royaume du Galam (Gadiaga). Les nombreux chefs du Mandé, par crainte de ses représailles furent obligés de se soumettre à son autorité. Par peur surtout les griots lui dédièrent ces louanges : « quand Soumaoro foula le sol du Mandé, les pleurs fusèrent de partout. Les rires par contre arrivèrent à Sosso. Saluez Soumaoro du Mandé, le premier roi et le roi autochtone ! Saluez Sosso Simbo, le vainqueur de Kounkoumba, de Bantamba, Nianiniani et Kambassiga ».
Mandé sous le joug de Soumaoro
Dès le début de son règne, le roi de Sosso s’était résolument engagé dans la lutte contre les esclavagistes. Envers eux, ils nourrissaient une haine implacable. N’ayant jamais oublié le traitement fait à son père, Soumaoro s’était juré de leur faire boire « du fer en fusion » nèguè sinkérin kènè). Il essaya d’entraîner les Maninka de son côté en les invitant à s’associer à lui pour combattre les esclavagistes Maures et Soninkés. N’ayant pu les convaincre du bien fondé de sa lutte, Sosso simbo prit la décision ferme de s’attaquer seul à l’empire soninké. Il dévasta Koumbi en 1203.
Auparavant, il saccagea neuf fois le Mandé et y fit régner la terreur. Devant les horreurs perpétrées par les guerriers sosso, les roitelets Maninka, terrifiés, s’enfuirent vers les régions sud ou dans des endroits inaccessibles (îles, au milieu des fleuves, régions montagneuses, forêts difficilement pénétrables). Le vieux Niani Massa Kara, accompagné de sa famille et de son ami et marabout Tomono Maghan Dian Bérété abandonna Nianiba pour aller fonder Sobé. Nianiba, appelé encore Tomono (dans les ruines) fut rasé par les troupes de Soumaoro. Tous les fils du vieux roi Niani Massa Kara l’imitèrent en allant se réfugier vers les zones méridionales (le roi de Sibi Faran Camara, Basseri Kaman Djan, Féréninko Camara).
Un autre chef du clan de Soundjata, Dankaran Toumani Konaté (son frère aîné) abandonna le trône et choisit la protection de la forêt guinéenne. Il se sauva et alla se cacher à Kissidougou (la ville du salut). « En bara kissi », s’écria-t-il, en arrivant à son refuge (nous sommes sauvés, nous avons échappé à Soumaoro). Barafing Bandiougou fut tellement tourmenté, si effrayé par la guerre des Sosso qu’il s’en alla très loin là-bas en Gambie et n’y revint plus. Il s’y exila et fonda une ville à la quelle il donna son propre nom, Bandiougou (devenu Bandjoulou, puis Banjoul).
La fin de Sosso et de Soumaoro
Comme la domination almoravide sur le Ouagadou, celle de Sosso sur le Mandé fut de courte durée. Soundjata Keita réunit les peuples de la savane pour la lutte de libération nationale. En 1235, à la bataille de Kirina, les guerriers sosso et leurs chefs, reconnaissables à leur grande coiffure, furent vaincus. La vengeance fut terrible. Sosso fut détruit (il ne reste plus aujourd’hui qu’un tout petit village). Le royaume annexé au Mandé disparut après cent trente ans d’existence.
Moussa Fofana Conseiller Pédagogique à la retraite et Formateur au Collège Moderne de Sincina
Le Ségovien, maliweb.net, afribone.com