Au Sénégal, comme partout ailleurs, le mariage est perçu comme un évènement familial de grande envergure. Il est célébré joyeusement. En pays soninké, les coutumes relatives à sa célébration peuvent être différentes d’une localité à l’autre, mais elles disposent toutes de points communs que sont le murundé (la recherche), le tamma (le franc symbolique) et le futtu (l’accord définitif de mariage) qui précèdent les festivités. Si aujourd’hui certains jeunes tiennent à respecter les traditions, héritage qu’ils essaient de conserver jalousement, la modernité gagne du terrain et constitue une sérieuse menace.
Le mariage est un acte d’amour où tout est fait dans l’union de deux êtres amoureux l’un de l’autre. Pour beaucoup de couples et leurs familles, cet évènement est, sans aucun doute, l’un des plus beaux jours, sinon le plus beau de leur vie.

Au Sénégal, chaque ethnie a sa façon de concevoir le mariage. Chez les Soninkés, il est sacré et reste cependant lié à la soumission. Selon plusieurs interlocuteurs, il n’est pas un choix libre, motivé par l’amour de deux êtres. En pays soninké, le mariage est avant tout une alliance entre deux lignages ou deux clans. Et on ne choisit pas son époux ou son épouse pour sa beauté, sa richesse encore moins pour ses capacités, sa gentillesse et sa modestie.
Les différentes étapes de ce mariage sont, s’il s’agit d’un garçon et d’une fille qui se marient pour la première fois, rigoureusement traitées par les parents. Il y a, d’abord, le murunde (la recherche) qui marque le début officiel du processus de mariage. Quand le jeune homme en âge de se marier trouve la fille qui lui convient, il s’en ouvre à son père et lui fait part de son désir de prendre femme. Selon Tapa Bathily du village de Tuabou, ancienne capitale du royaume du Gadiaga, la particularité en milieu soninké, c’est, d’abord, le choix de la caste.
Le mariage est un acte d’amour où tout est fait dans l’union de deux êtres amoureux l’un de l’autre. Pour beaucoup de couples et leurs familles, cet évènement est, sans aucun doute, l’un des plus beaux jours, sinon le plus beau de leur vie.

Au Sénégal, chaque ethnie a sa façon de concevoir le mariage. Chez les Soninkés, il est sacré et reste cependant lié à la soumission. Selon plusieurs interlocuteurs, il n’est pas un choix libre, motivé par l’amour de deux êtres. En pays soninké, le mariage est avant tout une alliance entre deux lignages ou deux clans. Et on ne choisit pas son époux ou son épouse pour sa beauté, sa richesse encore moins pour ses capacités, sa gentillesse et sa modestie.
Les différentes étapes de ce mariage sont, s’il s’agit d’un garçon et d’une fille qui se marient pour la première fois, rigoureusement traitées par les parents. Il y a, d’abord, le murunde (la recherche) qui marque le début officiel du processus de mariage. Quand le jeune homme en âge de se marier trouve la fille qui lui convient, il s’en ouvre à son père et lui fait part de son désir de prendre femme. Selon Tapa Bathily du village de Tuabou, ancienne capitale du royaume du Gadiaga, la particularité en milieu soninké, c’est, d’abord, le choix de la caste.
« Le mariage chez les Soninkés se fait traditionnellement entre membres d’un même clan. Si tu maries n’importe qui, tu risques d’avoir des problèmes. Une mauvaise femme, c’est pire. En milieu soninké, pour se marier, il ne suffit pas de connaître la caste, il faut aussi connaître la famille. Il faut aussi que la femme soit d’une bonne famille », explique-t-il. Ce n’est pas au père du prétendant d’aller chercher l’épouse. Il envoie auprès de la famille de la jeune fille un émissaire avec qui il est lié traditionnellement. Ce dernier peut être un noble, un griot ou un esclave.
LE « TAMMA » OU L’ACCORD DE PRINCIPE
« Quand un jeune homme est en âge de se marier, il peut voir une jeune fille et parler avec elle. Autrefois, les parents qui trouvaient que leur enfant est en âge de se marier réunissaient avec les autres membres pour trouver une famille dite valable, capable de compléter leur famille », fait savoir M. Bathily.
Après le murunde, un jour est pris pour le tamma ou franc symbolique qui est aujourd’hui monté à 500 francs à Bakel. « C’est un accord de principe qui n’engage pas la belle famille. Des fois, s’il y a un plus offrant, la famille peut changer d’avis ; ce qui n’est pas normal », précise Idrissa Diarra. Dans d’autres contrées, le jour de la prise du tamma est considéré comme un symbole solide de garantie de la détermination du jeune homme d’épouser la jeune fille. Selon Mara Danthira Traoré du quartier Modinkané, le mari, après le tamma, doit entretenir sa future femme. Selon lui, il devra, pendant chaque mois lunaire, apporter sa contribution à la nourriture de sa fiancée. « Autrefois, quand le principe est arrêté, la fille était chez elle et ses parents s’occupaient d’elle pour ne pas amener de problème. C’est pour cette raison qu’on attend la veille du mariage pour donner la dot et célébrer le mariage le lendemain. Aujourd’hui, la donne a changé. Dès qu’il y a fiançailles, on dit que le futur mari doit entretenir sa future femme et s’occuper d’elle. À l’occasion des fêtes de Korité et de Tabaski également, il doit faire un geste », indique la dame.
LE « FUTTU » OU L’ACCORD DEFINITIF DE MARIAGE
Après l’acceptation du tamma, le père de la fille renvoie les émissaires de la famille du prétendant auprès des dames qui s’occupent de tout ce qui est question de dépense. À partir de cet instant, les choses sont prises en main par la mère de la future mariée. Les deux familles se rencontrent ensuite et, du côté des femmes, pour le futtu, qui marque la fin des fiançailles. Il s’ensuit le versement de la dot qui est une vieille tradition pratiquée depuis la nuit des temps et qui conditionne l’alliance matrimoniale. Les deux familles négocient pour arrêter la somme que le prétendant aura à verser pour pouvoir épouser sa fiancée. Ce qui rend la dot si importante pour le mariage chez les Soninkés ou partout ailleurs, c’est qu’elle est synonyme d’union de deux familles. Aujourd’hui, elle est exposée aux abus du monde moderne. Son prix a fortement évolué dans le temps et s’élève maintenant à des sommes astronomiques. L’émigration est passée par là et a créé une très forte inflation. En plus du montant faramineux, du matériel électroménager, un écran plat, des téléphones, etc., sont exigés.
« Cette dot revient au ménage. Pour bonifier cet argent, la mère va partager la dot entre les femmes et le jour du mariage, tous ceux qui ont reçu une somme amènent un présent », précise Abdou Khadre Tandia. Le mariage ne devient vraiment légitime que si le futtu est conclu. Ce jour-là, explique Idrissa Diarra, la mère de la jeune fille distribue des noix de cola. Et après concertation, la date du mariage est fixée par la famille de la future mariée. Cependant, la période qui s’écoule jusqu’au jour du mariage peut-être plus ou moins long.
Selon Mara Danthira Traoré, la dot est versée la veille du mariage. « La femme devient automatiquement la femme du garçon qui la convoite. Autrefois, quand le franc symbolique était donné, la jeune fille pouvait rester chez elle pendant deux à trois ans. C’est au moment où l’on choisit le jour du mariage que l’on donne l’argent de la dot et ça ne dépassait pas 4000 ou 5000 francs », précise-t-elle.
Selon certains, la logique voudrait, pour éviter toute tentation, que le couple ne se rencontre pas. Cela, en vue de créer un climat de confiance, mais aussi de permettre aux tourtereaux de rester tranquilles jusqu’au mariage. « Aujourd’hui, on note une certaine déperdition de part et d’autres, tout cela parce qu’on a laissé la bonne voie. Il faut qu’on revienne à la tradition ancienne, aux valeurs. Autrefois, une jeune fille qui se mariait avait entre 12-13 ans. Elle n’était donc pas prête pour le mariage. C’est pour cette raison qu’on ne faisait pas futtu et tamma ensemble, parce que dès que la dot est donnée, la jeune fille devient automatiquement une épouse », souligne Mara Danthira Traoré.
LA CEREMONIE DU MARIAGE
Chez les Soninkés, le mariage dure trois jours. Généralement, les festivités commencent le mercredi pour se terminer le vendredi. Le mercredi, la jeune fille rassemble tous les habits des parents. C’est une manière, selon M. Bathily, de montrer que c’est le dernier travail qu’elle va effectuer. Elle va les laver au fleuve avec ses aînées. « Elles reviennent vers 19 et 20 h, c’est à ce moment qu’une griotte vient informer les filles que la fiancée doit se marier le lendemain. Cette annonce doit être accompagnée des cris de la fille en pleure. Ces amies averties viennent aussi et se mettent au tour d’elle. C’est ce qu’on appelle le trigandé. Il s’agit de chansons au cours desquelles les filles donnent des conseils à la nouvelle mariée », poursuit-il. « Telle fille, tu vas dans telle maison. C’est une maison ou tu n’as pas de père ni de mère.
Il y aura certainement des gens qui viendront te demander qui t’a tressé ou qui a cousu ton pagne. Il faut te méfier d’eux, car tes vrais parents, tes vrais conseillers, c’est ta belle famille. Donc, il ne faut pas écouter ces gens », explique Tapa Bathily. Au moment où les filles chantent, la mère de la mariée organise une séance de tam-tam, que les filles viendront disperser. « C’est une manière, pour elles, de manifester leur mécontentement, de montrer aux parents qu’elles n’étaient pas contentes de se séparer de leur amie. Par la suite, les garçons reviennent pour réorganiser le tam-tam, et les filles, qui étaient mécontentes, viennent pour manifester leur plaisir et danser avec la famille jusque tard dans la nuit », indique-t-il.
Le jour de la célébration du mariage, c’est-à-dire le jeudi matin, la jeune fille invite sa classe d’âge appelée fedalemu pour passer la journée ensemble dans la chambre d’isolement prénuptiale pour festoyer et à entonner des chants préparatoires à la nuptialité. L’homme en fait autant en jouant aux cartes ou en écoutant de la musique.
Ces festivités sont précédées d’une cérémonie religieuse à la mosquée et au terme de laquelle l’Imam entérine l’union des deux époux devant la famille, les témoins et les amis. Cette cérémonie est ponctuée d’invocations, de prières en signe de bénédiction pour cette union.
LE BAIN PURIFICATEUR
Le jeudi en fin de soirée, la mariée est soumise à un bain rituel pour se purifier, en vue de la cérémonie nuptiale. Ce rituel puise ses sources dans des traditions ancestrales et enrichit le mariage tout en lui conférant un cachet particulier. Aujourd’hui, malgré la menace de la modernité, cette particularité et cette authenticité sont conservées et perpétuées de génération en génération. Pour l’étape du bain purificateur la future mariée est entourée de femmes qui lui sont proches. Cette cérémonie solennelle, organisée en fin de soirée dans la concession paternelle, consiste à la purifier avant de la conduire chez son mari. Seules les personnes initiées (la griotte de la famille par exemple) et les sages comprennent mieux la quintessence du rituel. Au moment de la laver, elle s’assoit sur un mortier troué. Selon certains témoignages, le fait de l’installer sur le mortier signifie tout simplement qu’elle doit être sage, humble, très calme. Cette purification, selon d’autres, la protège des mauvaises langues et la rend psychologiquement apte à affronter un entourage familial différent du sien.
« La cérémonie est rythmée par les chants et les danses de ses mères, tantes, sœurs et amies pour l’inciter à rester dans sa nouvelle demeure. À la fin de la bénédiction religieuse, on lui enlève les vêtements trempés pour la couvrir de blanc avec des habits traditionnels », note Tapa Bathily. « Elle a le dos tourné et, avec son pied, elle donne un coup au mortier pour le faire tomber. Elle est désormais prête à affronter les réalités de la vie de couple », ajoute-t-il.
La nouvelle mariée est ensuite accompagnée chez son époux et chaque pas est accompagné de chanson jusqu’à ce qu’elle rejoigne la maison conjugale, la chambre nuptiale. Le mariage est consommé cette nuit.
Le pagne taché de sang, symbole de la virginité
Jadis, la question du bien-fondé de la virginité avant le mariage ne posait pas problème dans les sociétés africaines traditionnelles. Il était courant qu’une jeune fille ait sa première relation sexuelle avec son époux.
Cela était d’autant plus marqué par le fait qu’elle se mariait très jeune. Au pays soninkés, nombreux sont les hommes qui exigent la virginité de leur épouse. Et dans certaines familles, la fameuse tradition de drap blanc est un rite sacré, capital même. « Elle consiste à exhiber le linge taché de sang à la sortie de la chambre nuptiale comme preuve de la bonne conduite de la nouvelle mariée », soutient Tapa Bathily. Cet acte, qui remonte aux temps immémoriaux, est vécu comme un examen important par la famille de la jeune mariée. Si cette dernière passe avec brio, elle fait la fierté de la famille, et la bonne nouvelle est souvent accompagnée de chants, de danses. « Théoriquement, les gens tiennent à la virginité de la nouvelle mariée. Maintenant, il y a toute sorte de subterfuges pour camoufler cela. En principe, quand on trouve la fille vierge, on met un cadeau sous l’oreiller. Montrer le pagne nuptial tacheté de sang aux gens, maintenant, il y a toute sorte de combines. Des fois, il y a des scandales. Certains jeunes refusent de donner des cadeaux, parce qu’ils n’ont rien trouvé. Des fois, ça amène des ruptures et c’est de plus en plus fréquent », argumente l’historien Kader Tandia. Dans de nombreux villages de Bakel, comme Tuabou, Manael, Diawara, elle est encore d’actualité. « La virginité de la femme est très importante. Il y a la cuisse, si elle est cassée ça montre que la fille n’est pas vierge, si elle n’est pas cassée que la fille a été sage, en contrepartie, le garçon va lui donner une récompense », estime Tapa Bathily. Pour Sophie Diallo, cette pratique est toujours appliquée à Manael. « Les gens attendent toujours que la fille donnée en mariage soit vierge », fait-elle savoir. « Les hommes qui ont voyagé et qui connaissent la vie ne l’imposent pas à leurs femmes, car ils savent que de nos jours, il est rare de trouver une fille vierge. Mais, un homme qui est né et a grandi au village s’attend toujours à ce que sa femme soit vierge », indique-t-elle.
Selon Mara Danthira Traoré, « Chez les Ouolofs, par exemple, si le mari trouve sa femme vierge, il met un cadeau sous l’oreiller. Chez les Soninkés, le mari remet une somme à l’accompagnatrice de la jeune mariée, charge à elle de le remettre aux beaux parents. Par contre, quand il n’y a rien, les murmures et les commentaires vont bon train. Cependant, quand on aime bien sa femme, même si on ne la trouve pas vierge, on s’en f…», a-t-elle expliqué. Selon Tapa Bathily, « si la fille n’est pas vierge, la relation n’est pas automatiquement rompue, mais la jeune fille cause une grande déception, une très grande honte à sa famille ». Certains hommes, s’ils ne trouvent pas leur femme vierge, dit-il, la protègent et envoient de l’argent à la famille pour dire qu’ils étaient satisfaits. « En retour, ces hommes gardent le secret. Dans d’autres cas, la nouvelle mariée encaisse des remarques blessantes. C’est le prix à payer par celles qui n’ont pas su se préserver », souligne-t-il. Il arrive aussi qu’un poulet ou qu’un mouton fasse les frais de l’affaire.
UNE QUESTION QUI DIVISE
Chez les Soninkés, la virginité avant l’union de deux êtres a toujours été une valeur fondamentale, un gage de pudeur, de fidélité et aussi de chasteté. Mais aujourd’hui, avec la libération des mœurs, elle est reléguée au second plan pour finir par n’être plus qu’un fantasme. Pis, elle divise jeunes et vieux.
« Personnellement, je trouve que la virginité doit être une obligation avant le mariage. C’est une très belle preuve d’amour et de patience, de la fierté, de l’estime de soi, un respect des mœurs religieuses », estime Abibatou Diakhaté, animatrice des collectivités éducatives. Abondant dans le même sens, Coumba Sakho soutient qu’avoir une sexualité avant le mariage est contraire à ses principes et à sa religion. « Je tiens beaucoup à ma virginité, quitte à rester seule jusqu’à la fin de mes jours ». Comme Abibatou et Coumba, elles sont nombreuses ces filles à penser que la virginité est le meilleur cadeau qu’elles puissent offrir à leur époux.
Cependant, avec les évolutions sociales, cette tradition a fortement changé. Et dans certains cas, la virginité n’est plus imposée. De l’avis de Kady Soumaré, nombreux sont les hommes qui épousent des femmes qui ne sont pas vierges.
« Il y en a qui s’en moquent complètement », note-t-elle. Même si elle reconnaît qu’avant, la virginité de la femme avant le mariage était obligatoire. « La virginité était une condition importante pour la jeune fille qui voulait se marier. Il y a très longtemps, un marabout qui était parti à la Mecque avait dit à son retour que ce pagne amènerait des problèmes dans les familles, et c’est une tradition qu’il fallait abroger. Depuis, à Bakel, les femmes le font de moins en moins », explique Mara Danthira Traoré. Maintenant, d’après cette dame, de plus en plus de jeunes filles découvrent vivent leur sexualité avant de s’engager ad vitam aeternam. Toutefois, elle met en garde, car cette folie peut souvent s’avérer fatale. Selon elle, il arrive, et c’est fréquent, qu’un homme découvrant que sa femme n’est plus vierge divorce. « Avant, une fille avait peur de faire des bêtises, car elle se disait que si son mari ne la trouve pas vierge, ça peut être catastrophique. Aujourd’hui, elles s’en f… et font n’importe quoi, parce qu’avec les progrès scientifiques, elles peuvent aller dans des pharmacies trouver des médicaments qui peuvent les aider à retrouver leur virginité. Alors, elles font leur connerie et, le jour de leur mariage, trouvent des solutions », souligne Sophie Diallo. Pour d’autres, la médecine est là pour sauver leur honneur et soulager leur souffrance. Pour échapper à la honte, celles qui ont les moyens font recours à la chirurgie qui ne laisse pas de traces visibles.
INFLUENCES DE LA MODERNITE
Même si le mariage traditionnel en pays soninké a ses propres charmes et que dans les différentes localités on reste toujours très attaché à la tradition, les grands rites se célèbrent de moins en moins. Surtout dans des villes comme Bakel, Kidira et Tambacounda où les nouvelles générations ont tendance à copier sur l’Occident. Les festivités sont organisées sous forme d’une réception dans des salles de fête, en présence des tantes, cousins, oncles, frères et sœurs, neveux et nièces, amis, voisins... La cérémonie est rehaussée de danses et de chants, sous les regards des nouveaux mariés habillés de vêtements modernes. Le couple occupe alors le devant de la scène et les invités, venus d’horizons divers, défilent sans arrêt pour remettre leurs cadeaux. « La veille du mariage, un bal est organisé. Certains marabouts l’ont interdit, mais des gens s’y adonnent. Le mariage se modernise, on loue une robe pour la mariée, les amis amènent des cadeaux. Elles tiennent à ce bal, parce qu’elles veulent récupérer ce qu’elles ont investi », informe Idrissa Diarra. Ce qui est déplorable, d-t-il, c’est qu’au cours des bals de mariage, du début jusqu’à la fin, on ne met pas de musique soninké. « Ceux qui sont contre opte pour le tam-tam, plus traditionnel et plus authentique. Ce jour là, toutes les danses soninkés sont revisitées, et les gens donnent leurs présents en tenues traditionnelles soninkés », indique-t-il.
Les jeunes préfèrent un mariage d’amour
Les jeunes croient dorénavant au mariage d’amour et veulent choisir eux-mêmes leurs partenaires. Pour nombre d’entre eux, « le monde a changé et l’on ne peut plus se marier selon les critères d’autrefois ». Car, soutiennent-ils, les mariages arrangés mettent les deux partenaires devant le fait accompli. « Je crois que c’est celui qui se marie qui doit choisir la femme de sa vie. Certes, la famille doit donner son avis, parce qu’il est impossible qu’une relation réussisse sans l’approbation des parents, mais franchement, c’est moi qui choisirais ma future conjointe », indique Sory Diarra. Du côté des jeunes filles également, on estime que les parents n’ont plus à s’imposer sur les choix opérés par leurs enfants. « Chacun est responsable de son avenir. Donc, le choix ne doit engager que les partenaires », souligne Rokhaya Cissé. Pour Sophie Diallo, c’est à l’homme de choisir lui-même sa future épouse.
« Le problème, c’est que ce n’est ni la femme ni l’homme qui choisit, mais plutôt les parents. C’est la famille qui impose, qu’on aime la personne choisie ou non. Si certaines filles se révoltent, d’autres, par contre, ont peur de leurs familles et n’osent pas dire non », soutient cette femme qui dit ne plus croire aux traditions. « Une fille aussi doit se marier avec quelqu’un qu’elle aime, mais pas quelqu’un qu’on lui impose. Ces genres d’union sont souvent source de problèmes. Même si la femme souffre, elle a peur de quitter son mari, elle reste par obligation. Si c’est l’homme qu’elle a choisi, elle reste par amour », ajoute-t-elle. « Nous vivons selon la tendance actuelle, et il est hors de question de me marier selon les critères d’autrefois. Je n’épouserai un homme qu’après l’avoir connu et étudié son caractère », fait savoir Binta Sakho.
Ces jeunes ont beau vouloir changer l’ordre des choses, la réalité est là. Les mariages traditionnels résistent beaucoup plus. Tout le contraire des mariages d’amour qui sont éphémères et virent souvent au drame. « La majorité des couples qui se sont mariés de manière traditionnelle ont réussi à préserver leur ménage, parce qu’ils ont reçu des bénédictions. Or, de plus en plus de jeunes couples divorcent », informe Mara Danthira Traoré.
OR, CAURIS ET PERLE ROUGE
Au septième jour, à la sortie de la chambre nuptiale, les amies de la mariée vont, ensemble, faire la lessive pour les jeunes époux. Ensuite, il y a le yankandé ou cérémonie de présentation des cadeaux offerts à la mariée par son mari et les deux familles, surtout les mères de la fille. « En milieu soninké, avant le mariage, le jeune marié doit obligatoirement préparer un trousseau complet pour son épouse. De même, les parents de cette dernière prépareront une valise pour leur fille avec tous les objets ménagers qui lui serviront dans son nouveau foyer », précise Kadia Bomou. Cette cérémonie donne lieu à une grande fête. Les parents des deux jeunes mariés se retrouvent pour déballer les habits et autres objets ménagers de la mariée. Tout le monde est convié à ce grand rendez-vous. Et c’est le niaxamala qui présente aux invités les bijoux, les boubous, les pagnes, la vaisselle, les ustensiles et autres cadeaux. À la fin de la cérémonie, on lui donnera sa part et les festivités seront terminées.
« Quand le mariage est fait, on met au tour du front de la mariée un fil avec au milieu un anneau d’or, un cauris, et une perle rouge. Au bout d’une semaine, elle l’enlève pour la mettre au tour du cou. Elle ne l’ôte que quand elle a un enfant », révèle Idrissa Diarra. Il y a aussi, souligne-t-il, le fait que la jeune fille peut rester deux à trois mois dans la chambre nuptiale avant de prendre son service ménager. Cela varie selon les familles. Quand elle commence à faire la cuisine, c’est un évènement qui est fêté, mais cela dépend des possibilités de l’époux. C’est une occasion pour la mariée de démontrer que chez elle, elle était habituée aux travaux ménagers et qu’elle sait également faire la cuisine.
LA TRADITION SONINKE MENACEE ?
Même si le style moderne gagne du terrain, certains jeunes tiennent encore à respecter les traditions, héritage qu’ils essaient de garder jalousement. Selon Abdou Khadre Tandia, les intérêts, les tentations, les modes, les préjugés menacent fortement les traditions. « Les Soninkés sont de grands voyageurs. La télévision, les voyages et les échanges ont fait que les choses évoluent rapidement. Les populations essaient de résister, mais avec les jeunes, ça ne tient pas longtemps », soutient-il. « On est en train d’être envahis et phagocytés par les autres et, de plus en plus, les jeunes s’inspirent des modèles venant d’ailleurs. Ils se parlent dans d’autres langues, surtout les filles. La tradition est fortement menacée, et c’est pour cette raison qu’on a créé des associations et qu’on anime des émissions pour essayer de ralentir la noyade », indique-t-il.
Reportage de Samba Oumar FALL, Souleymane Diam SY (textes) et Habib DIOUM (photos), Lesoleil.sn
LE « TAMMA » OU L’ACCORD DE PRINCIPE
« Quand un jeune homme est en âge de se marier, il peut voir une jeune fille et parler avec elle. Autrefois, les parents qui trouvaient que leur enfant est en âge de se marier réunissaient avec les autres membres pour trouver une famille dite valable, capable de compléter leur famille », fait savoir M. Bathily.
Après le murunde, un jour est pris pour le tamma ou franc symbolique qui est aujourd’hui monté à 500 francs à Bakel. « C’est un accord de principe qui n’engage pas la belle famille. Des fois, s’il y a un plus offrant, la famille peut changer d’avis ; ce qui n’est pas normal », précise Idrissa Diarra. Dans d’autres contrées, le jour de la prise du tamma est considéré comme un symbole solide de garantie de la détermination du jeune homme d’épouser la jeune fille. Selon Mara Danthira Traoré du quartier Modinkané, le mari, après le tamma, doit entretenir sa future femme. Selon lui, il devra, pendant chaque mois lunaire, apporter sa contribution à la nourriture de sa fiancée. « Autrefois, quand le principe est arrêté, la fille était chez elle et ses parents s’occupaient d’elle pour ne pas amener de problème. C’est pour cette raison qu’on attend la veille du mariage pour donner la dot et célébrer le mariage le lendemain. Aujourd’hui, la donne a changé. Dès qu’il y a fiançailles, on dit que le futur mari doit entretenir sa future femme et s’occuper d’elle. À l’occasion des fêtes de Korité et de Tabaski également, il doit faire un geste », indique la dame.
LE « FUTTU » OU L’ACCORD DEFINITIF DE MARIAGE
Après l’acceptation du tamma, le père de la fille renvoie les émissaires de la famille du prétendant auprès des dames qui s’occupent de tout ce qui est question de dépense. À partir de cet instant, les choses sont prises en main par la mère de la future mariée. Les deux familles se rencontrent ensuite et, du côté des femmes, pour le futtu, qui marque la fin des fiançailles. Il s’ensuit le versement de la dot qui est une vieille tradition pratiquée depuis la nuit des temps et qui conditionne l’alliance matrimoniale. Les deux familles négocient pour arrêter la somme que le prétendant aura à verser pour pouvoir épouser sa fiancée. Ce qui rend la dot si importante pour le mariage chez les Soninkés ou partout ailleurs, c’est qu’elle est synonyme d’union de deux familles. Aujourd’hui, elle est exposée aux abus du monde moderne. Son prix a fortement évolué dans le temps et s’élève maintenant à des sommes astronomiques. L’émigration est passée par là et a créé une très forte inflation. En plus du montant faramineux, du matériel électroménager, un écran plat, des téléphones, etc., sont exigés.
« Cette dot revient au ménage. Pour bonifier cet argent, la mère va partager la dot entre les femmes et le jour du mariage, tous ceux qui ont reçu une somme amènent un présent », précise Abdou Khadre Tandia. Le mariage ne devient vraiment légitime que si le futtu est conclu. Ce jour-là, explique Idrissa Diarra, la mère de la jeune fille distribue des noix de cola. Et après concertation, la date du mariage est fixée par la famille de la future mariée. Cependant, la période qui s’écoule jusqu’au jour du mariage peut-être plus ou moins long.
Selon Mara Danthira Traoré, la dot est versée la veille du mariage. « La femme devient automatiquement la femme du garçon qui la convoite. Autrefois, quand le franc symbolique était donné, la jeune fille pouvait rester chez elle pendant deux à trois ans. C’est au moment où l’on choisit le jour du mariage que l’on donne l’argent de la dot et ça ne dépassait pas 4000 ou 5000 francs », précise-t-elle.
Selon certains, la logique voudrait, pour éviter toute tentation, que le couple ne se rencontre pas. Cela, en vue de créer un climat de confiance, mais aussi de permettre aux tourtereaux de rester tranquilles jusqu’au mariage. « Aujourd’hui, on note une certaine déperdition de part et d’autres, tout cela parce qu’on a laissé la bonne voie. Il faut qu’on revienne à la tradition ancienne, aux valeurs. Autrefois, une jeune fille qui se mariait avait entre 12-13 ans. Elle n’était donc pas prête pour le mariage. C’est pour cette raison qu’on ne faisait pas futtu et tamma ensemble, parce que dès que la dot est donnée, la jeune fille devient automatiquement une épouse », souligne Mara Danthira Traoré.
LA CEREMONIE DU MARIAGE
Chez les Soninkés, le mariage dure trois jours. Généralement, les festivités commencent le mercredi pour se terminer le vendredi. Le mercredi, la jeune fille rassemble tous les habits des parents. C’est une manière, selon M. Bathily, de montrer que c’est le dernier travail qu’elle va effectuer. Elle va les laver au fleuve avec ses aînées. « Elles reviennent vers 19 et 20 h, c’est à ce moment qu’une griotte vient informer les filles que la fiancée doit se marier le lendemain. Cette annonce doit être accompagnée des cris de la fille en pleure. Ces amies averties viennent aussi et se mettent au tour d’elle. C’est ce qu’on appelle le trigandé. Il s’agit de chansons au cours desquelles les filles donnent des conseils à la nouvelle mariée », poursuit-il. « Telle fille, tu vas dans telle maison. C’est une maison ou tu n’as pas de père ni de mère.
Il y aura certainement des gens qui viendront te demander qui t’a tressé ou qui a cousu ton pagne. Il faut te méfier d’eux, car tes vrais parents, tes vrais conseillers, c’est ta belle famille. Donc, il ne faut pas écouter ces gens », explique Tapa Bathily. Au moment où les filles chantent, la mère de la mariée organise une séance de tam-tam, que les filles viendront disperser. « C’est une manière, pour elles, de manifester leur mécontentement, de montrer aux parents qu’elles n’étaient pas contentes de se séparer de leur amie. Par la suite, les garçons reviennent pour réorganiser le tam-tam, et les filles, qui étaient mécontentes, viennent pour manifester leur plaisir et danser avec la famille jusque tard dans la nuit », indique-t-il.
Le jour de la célébration du mariage, c’est-à-dire le jeudi matin, la jeune fille invite sa classe d’âge appelée fedalemu pour passer la journée ensemble dans la chambre d’isolement prénuptiale pour festoyer et à entonner des chants préparatoires à la nuptialité. L’homme en fait autant en jouant aux cartes ou en écoutant de la musique.
Ces festivités sont précédées d’une cérémonie religieuse à la mosquée et au terme de laquelle l’Imam entérine l’union des deux époux devant la famille, les témoins et les amis. Cette cérémonie est ponctuée d’invocations, de prières en signe de bénédiction pour cette union.
LE BAIN PURIFICATEUR
Le jeudi en fin de soirée, la mariée est soumise à un bain rituel pour se purifier, en vue de la cérémonie nuptiale. Ce rituel puise ses sources dans des traditions ancestrales et enrichit le mariage tout en lui conférant un cachet particulier. Aujourd’hui, malgré la menace de la modernité, cette particularité et cette authenticité sont conservées et perpétuées de génération en génération. Pour l’étape du bain purificateur la future mariée est entourée de femmes qui lui sont proches. Cette cérémonie solennelle, organisée en fin de soirée dans la concession paternelle, consiste à la purifier avant de la conduire chez son mari. Seules les personnes initiées (la griotte de la famille par exemple) et les sages comprennent mieux la quintessence du rituel. Au moment de la laver, elle s’assoit sur un mortier troué. Selon certains témoignages, le fait de l’installer sur le mortier signifie tout simplement qu’elle doit être sage, humble, très calme. Cette purification, selon d’autres, la protège des mauvaises langues et la rend psychologiquement apte à affronter un entourage familial différent du sien.
« La cérémonie est rythmée par les chants et les danses de ses mères, tantes, sœurs et amies pour l’inciter à rester dans sa nouvelle demeure. À la fin de la bénédiction religieuse, on lui enlève les vêtements trempés pour la couvrir de blanc avec des habits traditionnels », note Tapa Bathily. « Elle a le dos tourné et, avec son pied, elle donne un coup au mortier pour le faire tomber. Elle est désormais prête à affronter les réalités de la vie de couple », ajoute-t-il.
La nouvelle mariée est ensuite accompagnée chez son époux et chaque pas est accompagné de chanson jusqu’à ce qu’elle rejoigne la maison conjugale, la chambre nuptiale. Le mariage est consommé cette nuit.
Le pagne taché de sang, symbole de la virginité
Jadis, la question du bien-fondé de la virginité avant le mariage ne posait pas problème dans les sociétés africaines traditionnelles. Il était courant qu’une jeune fille ait sa première relation sexuelle avec son époux.
Cela était d’autant plus marqué par le fait qu’elle se mariait très jeune. Au pays soninkés, nombreux sont les hommes qui exigent la virginité de leur épouse. Et dans certaines familles, la fameuse tradition de drap blanc est un rite sacré, capital même. « Elle consiste à exhiber le linge taché de sang à la sortie de la chambre nuptiale comme preuve de la bonne conduite de la nouvelle mariée », soutient Tapa Bathily. Cet acte, qui remonte aux temps immémoriaux, est vécu comme un examen important par la famille de la jeune mariée. Si cette dernière passe avec brio, elle fait la fierté de la famille, et la bonne nouvelle est souvent accompagnée de chants, de danses. « Théoriquement, les gens tiennent à la virginité de la nouvelle mariée. Maintenant, il y a toute sorte de subterfuges pour camoufler cela. En principe, quand on trouve la fille vierge, on met un cadeau sous l’oreiller. Montrer le pagne nuptial tacheté de sang aux gens, maintenant, il y a toute sorte de combines. Des fois, il y a des scandales. Certains jeunes refusent de donner des cadeaux, parce qu’ils n’ont rien trouvé. Des fois, ça amène des ruptures et c’est de plus en plus fréquent », argumente l’historien Kader Tandia. Dans de nombreux villages de Bakel, comme Tuabou, Manael, Diawara, elle est encore d’actualité. « La virginité de la femme est très importante. Il y a la cuisse, si elle est cassée ça montre que la fille n’est pas vierge, si elle n’est pas cassée que la fille a été sage, en contrepartie, le garçon va lui donner une récompense », estime Tapa Bathily. Pour Sophie Diallo, cette pratique est toujours appliquée à Manael. « Les gens attendent toujours que la fille donnée en mariage soit vierge », fait-elle savoir. « Les hommes qui ont voyagé et qui connaissent la vie ne l’imposent pas à leurs femmes, car ils savent que de nos jours, il est rare de trouver une fille vierge. Mais, un homme qui est né et a grandi au village s’attend toujours à ce que sa femme soit vierge », indique-t-elle.
Selon Mara Danthira Traoré, « Chez les Ouolofs, par exemple, si le mari trouve sa femme vierge, il met un cadeau sous l’oreiller. Chez les Soninkés, le mari remet une somme à l’accompagnatrice de la jeune mariée, charge à elle de le remettre aux beaux parents. Par contre, quand il n’y a rien, les murmures et les commentaires vont bon train. Cependant, quand on aime bien sa femme, même si on ne la trouve pas vierge, on s’en f…», a-t-elle expliqué. Selon Tapa Bathily, « si la fille n’est pas vierge, la relation n’est pas automatiquement rompue, mais la jeune fille cause une grande déception, une très grande honte à sa famille ». Certains hommes, s’ils ne trouvent pas leur femme vierge, dit-il, la protègent et envoient de l’argent à la famille pour dire qu’ils étaient satisfaits. « En retour, ces hommes gardent le secret. Dans d’autres cas, la nouvelle mariée encaisse des remarques blessantes. C’est le prix à payer par celles qui n’ont pas su se préserver », souligne-t-il. Il arrive aussi qu’un poulet ou qu’un mouton fasse les frais de l’affaire.
UNE QUESTION QUI DIVISE
Chez les Soninkés, la virginité avant l’union de deux êtres a toujours été une valeur fondamentale, un gage de pudeur, de fidélité et aussi de chasteté. Mais aujourd’hui, avec la libération des mœurs, elle est reléguée au second plan pour finir par n’être plus qu’un fantasme. Pis, elle divise jeunes et vieux.
« Personnellement, je trouve que la virginité doit être une obligation avant le mariage. C’est une très belle preuve d’amour et de patience, de la fierté, de l’estime de soi, un respect des mœurs religieuses », estime Abibatou Diakhaté, animatrice des collectivités éducatives. Abondant dans le même sens, Coumba Sakho soutient qu’avoir une sexualité avant le mariage est contraire à ses principes et à sa religion. « Je tiens beaucoup à ma virginité, quitte à rester seule jusqu’à la fin de mes jours ». Comme Abibatou et Coumba, elles sont nombreuses ces filles à penser que la virginité est le meilleur cadeau qu’elles puissent offrir à leur époux.
Cependant, avec les évolutions sociales, cette tradition a fortement changé. Et dans certains cas, la virginité n’est plus imposée. De l’avis de Kady Soumaré, nombreux sont les hommes qui épousent des femmes qui ne sont pas vierges.
« Il y en a qui s’en moquent complètement », note-t-elle. Même si elle reconnaît qu’avant, la virginité de la femme avant le mariage était obligatoire. « La virginité était une condition importante pour la jeune fille qui voulait se marier. Il y a très longtemps, un marabout qui était parti à la Mecque avait dit à son retour que ce pagne amènerait des problèmes dans les familles, et c’est une tradition qu’il fallait abroger. Depuis, à Bakel, les femmes le font de moins en moins », explique Mara Danthira Traoré. Maintenant, d’après cette dame, de plus en plus de jeunes filles découvrent vivent leur sexualité avant de s’engager ad vitam aeternam. Toutefois, elle met en garde, car cette folie peut souvent s’avérer fatale. Selon elle, il arrive, et c’est fréquent, qu’un homme découvrant que sa femme n’est plus vierge divorce. « Avant, une fille avait peur de faire des bêtises, car elle se disait que si son mari ne la trouve pas vierge, ça peut être catastrophique. Aujourd’hui, elles s’en f… et font n’importe quoi, parce qu’avec les progrès scientifiques, elles peuvent aller dans des pharmacies trouver des médicaments qui peuvent les aider à retrouver leur virginité. Alors, elles font leur connerie et, le jour de leur mariage, trouvent des solutions », souligne Sophie Diallo. Pour d’autres, la médecine est là pour sauver leur honneur et soulager leur souffrance. Pour échapper à la honte, celles qui ont les moyens font recours à la chirurgie qui ne laisse pas de traces visibles.
INFLUENCES DE LA MODERNITE
Même si le mariage traditionnel en pays soninké a ses propres charmes et que dans les différentes localités on reste toujours très attaché à la tradition, les grands rites se célèbrent de moins en moins. Surtout dans des villes comme Bakel, Kidira et Tambacounda où les nouvelles générations ont tendance à copier sur l’Occident. Les festivités sont organisées sous forme d’une réception dans des salles de fête, en présence des tantes, cousins, oncles, frères et sœurs, neveux et nièces, amis, voisins... La cérémonie est rehaussée de danses et de chants, sous les regards des nouveaux mariés habillés de vêtements modernes. Le couple occupe alors le devant de la scène et les invités, venus d’horizons divers, défilent sans arrêt pour remettre leurs cadeaux. « La veille du mariage, un bal est organisé. Certains marabouts l’ont interdit, mais des gens s’y adonnent. Le mariage se modernise, on loue une robe pour la mariée, les amis amènent des cadeaux. Elles tiennent à ce bal, parce qu’elles veulent récupérer ce qu’elles ont investi », informe Idrissa Diarra. Ce qui est déplorable, d-t-il, c’est qu’au cours des bals de mariage, du début jusqu’à la fin, on ne met pas de musique soninké. « Ceux qui sont contre opte pour le tam-tam, plus traditionnel et plus authentique. Ce jour là, toutes les danses soninkés sont revisitées, et les gens donnent leurs présents en tenues traditionnelles soninkés », indique-t-il.
Les jeunes préfèrent un mariage d’amour
Les jeunes croient dorénavant au mariage d’amour et veulent choisir eux-mêmes leurs partenaires. Pour nombre d’entre eux, « le monde a changé et l’on ne peut plus se marier selon les critères d’autrefois ». Car, soutiennent-ils, les mariages arrangés mettent les deux partenaires devant le fait accompli. « Je crois que c’est celui qui se marie qui doit choisir la femme de sa vie. Certes, la famille doit donner son avis, parce qu’il est impossible qu’une relation réussisse sans l’approbation des parents, mais franchement, c’est moi qui choisirais ma future conjointe », indique Sory Diarra. Du côté des jeunes filles également, on estime que les parents n’ont plus à s’imposer sur les choix opérés par leurs enfants. « Chacun est responsable de son avenir. Donc, le choix ne doit engager que les partenaires », souligne Rokhaya Cissé. Pour Sophie Diallo, c’est à l’homme de choisir lui-même sa future épouse.
« Le problème, c’est que ce n’est ni la femme ni l’homme qui choisit, mais plutôt les parents. C’est la famille qui impose, qu’on aime la personne choisie ou non. Si certaines filles se révoltent, d’autres, par contre, ont peur de leurs familles et n’osent pas dire non », soutient cette femme qui dit ne plus croire aux traditions. « Une fille aussi doit se marier avec quelqu’un qu’elle aime, mais pas quelqu’un qu’on lui impose. Ces genres d’union sont souvent source de problèmes. Même si la femme souffre, elle a peur de quitter son mari, elle reste par obligation. Si c’est l’homme qu’elle a choisi, elle reste par amour », ajoute-t-elle. « Nous vivons selon la tendance actuelle, et il est hors de question de me marier selon les critères d’autrefois. Je n’épouserai un homme qu’après l’avoir connu et étudié son caractère », fait savoir Binta Sakho.
Ces jeunes ont beau vouloir changer l’ordre des choses, la réalité est là. Les mariages traditionnels résistent beaucoup plus. Tout le contraire des mariages d’amour qui sont éphémères et virent souvent au drame. « La majorité des couples qui se sont mariés de manière traditionnelle ont réussi à préserver leur ménage, parce qu’ils ont reçu des bénédictions. Or, de plus en plus de jeunes couples divorcent », informe Mara Danthira Traoré.
OR, CAURIS ET PERLE ROUGE
Au septième jour, à la sortie de la chambre nuptiale, les amies de la mariée vont, ensemble, faire la lessive pour les jeunes époux. Ensuite, il y a le yankandé ou cérémonie de présentation des cadeaux offerts à la mariée par son mari et les deux familles, surtout les mères de la fille. « En milieu soninké, avant le mariage, le jeune marié doit obligatoirement préparer un trousseau complet pour son épouse. De même, les parents de cette dernière prépareront une valise pour leur fille avec tous les objets ménagers qui lui serviront dans son nouveau foyer », précise Kadia Bomou. Cette cérémonie donne lieu à une grande fête. Les parents des deux jeunes mariés se retrouvent pour déballer les habits et autres objets ménagers de la mariée. Tout le monde est convié à ce grand rendez-vous. Et c’est le niaxamala qui présente aux invités les bijoux, les boubous, les pagnes, la vaisselle, les ustensiles et autres cadeaux. À la fin de la cérémonie, on lui donnera sa part et les festivités seront terminées.
« Quand le mariage est fait, on met au tour du front de la mariée un fil avec au milieu un anneau d’or, un cauris, et une perle rouge. Au bout d’une semaine, elle l’enlève pour la mettre au tour du cou. Elle ne l’ôte que quand elle a un enfant », révèle Idrissa Diarra. Il y a aussi, souligne-t-il, le fait que la jeune fille peut rester deux à trois mois dans la chambre nuptiale avant de prendre son service ménager. Cela varie selon les familles. Quand elle commence à faire la cuisine, c’est un évènement qui est fêté, mais cela dépend des possibilités de l’époux. C’est une occasion pour la mariée de démontrer que chez elle, elle était habituée aux travaux ménagers et qu’elle sait également faire la cuisine.
LA TRADITION SONINKE MENACEE ?
Même si le style moderne gagne du terrain, certains jeunes tiennent encore à respecter les traditions, héritage qu’ils essaient de garder jalousement. Selon Abdou Khadre Tandia, les intérêts, les tentations, les modes, les préjugés menacent fortement les traditions. « Les Soninkés sont de grands voyageurs. La télévision, les voyages et les échanges ont fait que les choses évoluent rapidement. Les populations essaient de résister, mais avec les jeunes, ça ne tient pas longtemps », soutient-il. « On est en train d’être envahis et phagocytés par les autres et, de plus en plus, les jeunes s’inspirent des modèles venant d’ailleurs. Ils se parlent dans d’autres langues, surtout les filles. La tradition est fortement menacée, et c’est pour cette raison qu’on a créé des associations et qu’on anime des émissions pour essayer de ralentir la noyade », indique-t-il.
Reportage de Samba Oumar FALL, Souleymane Diam SY (textes) et Habib DIOUM (photos), Lesoleil.sn