Notes de lecture
Entre l'oralité et l'écriture
Par Jack Goody- Puf 1994- 323 pages : Examen de l'évolution des cultures orale et écrite en Afrique
Tandis que la signification fondamentale du langage parlé pour l'interaction entre les hommes est largement reconnue, celle de l'écriture est moins connue. Dans la large série d'essais qui composent cet ouvrage. Jack Goody, ancien chef de département d'anthropologie sociale de l'Université de Cambrige et professeur émérite de cette Université, examine en profondeur les relations complexes et souvent déroutantes entre l'oralité et l'écriture.
Il considère l'interface entre ces deux modes de communication dans trois contextes principaux : à l'intérieur des sociétés données, entre les cultures et les sociétés qui ont l'écriture et celles qui ne l'ont pas, et dans l'activité langagière de l'individu lui-même. Il analyse en particulier les séquences selon lesquelles les systèmes d'écriture changent dans l'histoire, les effets historiques de l'écriture sur les cultures eurasiennes et l'interaction entre les cultures de l'oralité et les cultures de l'écriture en Afrique occidentale. Pour conclure il examine les résultats de l'investigation sociologique comme de la recherche psychologique contemporaines relatives à la culture lettrée. Il produit à cette fin un corpus substantiel de preuves anthropologiques historiques et linguistiques, qui forme le complément de ses autres ouvrages sur l'organisation sociale et la logique de l'écriture.
Le langage est l'attribut humain spécifique, le moyen primordial d'interaction entre les individus, la base du développement de ce que l'on appelle ‘culture’ et la façon dont un comportement enseigne est transmis d'une génération à la suivante. Mais si le langage est inextricablement associé à la ‘culture’, c'est l'écriture qui est liée à la ‘civilisation’, à la culture des cités, aux formes sociales complexes, bien que peut-être pas d'une façon tout à fait aussi directe. La base physique de l'écriture est clairement la même que celle du dessin, de la gravure et de la peinture - ce qu'on appelle les arts graphiques. Cela dépend en fin de compte de la faculté de l'homme de manipuler les outils au moyen de sa main dont, fait unique, le pouce s'oppose aux autres doigts, et qui est coordonnée naturellement avec l'œil, l'oreille et le cerveau. Il y a peu d'évidence de telles activités dans les premières phases de l'histoire de l'homme, au Paléolithique inférieur (c. 30000- 10.000 avant J-C) on trouve une explosion de formes graphiques dans plusieurs endroits dans le monde.
Le langage est l'attribut humain spécifique, le moyen primordial d'interaction entre les individus, la base du développement de ce que l'on appelle ‘culture’ et la façon dont un comportement enseigne est transmis d'une génération à la suivante. Mais si le langage est inextricablement associé à la ‘culture’, c'est l'écriture qui est liée à la ‘civilisation’, à la culture des cités, aux formes sociales complexes, bien que peut-être pas d'une façon tout à fait aussi directe. La base physique de l'écriture est clairement la même que celle du dessin, de la gravure et de la peinture - ce qu'on appelle les arts graphiques. Cela dépend en fin de compte de la faculté de l'homme de manipuler les outils au moyen de sa main dont, fait unique, le pouce s'oppose aux autres doigts, et qui est coordonnée naturellement avec l'œil, l'oreille et le cerveau. Il y a peu d'évidence de telles activités dans les premières phases de l'histoire de l'homme, au Paléolithique inférieur (c. 30000- 10.000 avant J-C) on trouve une explosion de formes graphiques dans plusieurs endroits dans le monde.
Après avoir étudié les premiers systèmes d'écriture, l'écriture logographique. Jack Goody nous apprend qu'il y a deux avis sur l'invention de l'alphabet; le premier veut qu'il ait été inventé en Grèce aux alentours de 750 avant J-C, dans la période qui précéda immédiatement les grandes réussites ioniennes et athéniennes, le second qu'il ait été inventé pour les semites occidentaux quelque sept cent cinquante ans plus tôt. On constate l'unité et la diversité des alphabets - Goody envisage la signification des systèmes graphiques à trois niveaux apparentés, le stockage (la communication entre les générations), la communication (à l'intérieur d'une génération) et les effets ‘cognitifs’ internes.
Dans la deuxième partie du livre : l'influence des premières formes d'écriture, sont examinés les relations entre l'écriture et les progrès dans le monde antique et l'Antiquité. L'invention de l'écriture aux alentours de 3000 avant J-C, ne fournit pas seulement un admirable instrument d'engagement, de précision et d'analyse conceptuelle, amenant des changements révolutionnaires dans la culture, mais permit l'émergence d'une classe de ‘lettrés’, spécialisés dans la technique et l'art difficile de l'écriture et dans la façon de regarder les choses, approche intellectuelle de la réalité. Le mouvement en direction de la ‘science’ eut beaucoup à voir avec les emplois de l'écriture elle-même, de même qu'avec l'apparition des spécialistes, de ‘savants’, qu'elle encouragera. L'œuvre accomplie par les Grecs doit être vue dans le contexte d'autres accomplissements, d'autres efforts pour systématiser le savoir. En ce qui concerne certains de ces accomplissements, l'écriture était la condition sine qua non. Elle rendit possible une sorte particulière de discussion qui n'était pas basée exclusivement sur un système politique particulier, ni sur le choc des cultures au sens général, mais l'opposition construite de théories mises par écrit ce qui permet une forme différente d'examen, l'analyse du texte. De plus, l'écriture rend également explicites les formes de contradiction et de preuve - bien que ces processus eux-mêmes soient certainement présents dans les sociétés de l'oralité.
Le débat que Jack Goody a mené dans le chapitre intitulé : l'Afrique, la Grèce et la poésie orale est double. Passant en revue les textes généraux portant sur la comparaison de l'œuvre homérique à d'autres formes ‘épiques’, il a en conclu que ce genre était typique des cultures orales que de celles ou il existe un début de littérature, supposition que viennent appuyer d'autres traits de style et du contenu des poèmes; la structure n'est pas incompatible avec une influence littéraire. En faisant cette observation, il n'entend pas suggérer que l'auteur de L'Iliade maîtrisait nécessairement l'écriture. Mais le poème tel qu'on le connaît paraît avoir été considérablement influencé dans la forme et le contenu par l'existence de l'écriture, ne serait-ce que du fait d'être inévitablement transformé quand il fut transcrit par l'auteur ou par un autre pour devenir un texte écrit.
Pour des raisons plus générales, il est difficile d'imaginer une culture grecque 750 av- J.- C. dont les réalisations verbales majeures n'auraient pas subi quelque effet de l'écriture. Un arrière-plan comportant une connaissance partielle de l'écriture est sûrement typique d'autres époques du soit disant âge héroïque. Des exemples africains de longues récitations qui viennent de cultures purement orales diffèrent de façon significative des poèmes homériques. Jack Goody se penche sur la composition orale et la transformation orale dans le cas des Veda. La plupart des sanscritistes soutiennent que les Veda furent composés et transmis par voie orale, qu'ils constituaient une énonciation plutôt qu’un texte. Mais on ne peut pas savoir si les Veda ont émergé alors que l'Inde était une culture purement mâle et sont donc à prendre comme des exemples de formes standardisées.
Dans la troisième partie du livre, J Goody étudie les cultures orales et les cultures écrites en Afrique occidentale. Il commence par l'influence des écrits islamiques sur les cultures islamiques. Le premier système d'écriture qui exerce une action sur les cultures écrites en Afrique occidentale au sud du Sahara fut le système arabe. Celui ci provient de la même source que le système phénicien. Ce fut la venue de l'islam dans la boucle du Niger aux alentours de l'an mille de notre ère qui apporta une forme de maîtrise limitée de l'écriture en certaines parties de Afrique occidentale. L'une des principales difficultés fut que l'écriture était fermement liée à une religion du livre qui était écrite en caractères arabes ainsi qu'en langue arabe. D'un côté cette langue était étrangère à l'Afrique occidentale en sorte que apprendre à lire était généralement une activité qui tenait du perroquet si l'apprentissage de la nouvelle langue ne l'accompagnait pas.
De l'autre coté, l'adaptation de la graphie arabe aux langues locales n'était pas encouragée bien qu'elle soit devenue un trait important de la vie haoussa en Nigeria du nord à partir du XVIII siècle. Alors que la venue des caractères romains entraîna elle aussi l'apprentissage d'une des langues européennes . Son emploi pour l'écriture des langues vernaculaires fut encouragé surtout par les missionnaires protestants soucieux que les gens puissent lire la Bible dans leur propre langue. Le matériel écrit a été employé à des fins magiques dans les cultures orales. Dans la culture soninké du Mali ou la culture gonja du Ghana les populations sont divisées entres ceux qui savent écrire et ceux qui ne le sont pas. L'écriture avait son propre prestige en tant technique séparée de la religion. Elle avait une valeur pragmatique. Elle permettait aux musulmans de communiquer à distance, d'enregistrer le passage des années, d'acquérir la connaissance des siècles passés et des lieux éloignés.
L'influence qu'indirectement ou individuellement que l'écriture a eu sur les cultures de l'Afrique occidentale a eue grandement à l'intérieur d'une grande société aussi bien qu'entres elles.
A travers les clercs et les illettrés J. Goddy examine l'influence de l'instruction européenne. Il étudie minutieusement les différents modes d'accès au savoir dans les cultures écrites et non écrites. Il observe la vie d'individus d'une petite société du nord du Ghana celle des lodaga alors qu'ils ont acquis l'écriture au cours de ces quarante dernières années. Il a assisté à l'émergence de la différenciation interne qui a résulté de l'établissement de l'école. Dans le chapitre consacré à la mémoire et à l'apprentissage dans les sociétés avec ou sans écritures. J Goddy étudie la transmission du Bagré. Il examine les relations entre la mémoire et le Bagré, l'école et la mémoire. En opposant la remémoration créatrice du Bagré à la remémoration mécanique imposée par le système scolaire Jack Goddy n'entend pas sous estimer ce dernier qui lui apparaît comme une condition de l'évolution actuelle qui de toute façon a des implications différentes pour les activités scientifiques et littéraires.
Dans une étude de cas chez les Vai effectue avec Michael Cole et Sylvia Scribner J Goddy examine les relations entre écritures et opérations formelles. Cette étude permet de passer des problèmes socio-culturelles à l'orientation individuelle interne, psychologique bien que cette frontière doit être traitée avec beaucoup de précaution. Les écrits Vai trouvés au Liberia en 1975 appartenaient à la tradition musulmane déjà étudiée mais était en caractère vaï et remplissaient des fonctions originales. J Goddy a choisi de s'intéresser à des aspects qui illustrent des opérations de caractères spécifiquement graphiques. Même parmi les vai qui écrivent leur langue avec une certaine facilité, les activités d'écriture s'appliquent à des buts différents aux conséquences différents. Certains, Ansoumana Sonie, tiennent, des comptes. La grande majorité s'en sert pour des correspondances familiales et à l'occasion aussi pour des lettres d'affaires, quelques uns l'ont employée dans des buts ‘littéraires’. pour transcrire des contes et des proverbes alors que d'autres s'en sont servi pour approfondir leurs connaissances des dogmes religieux.
Dans la quatrième partie du livre, J. Goddy, étudie l'influence de l'écriture sur les individus dans la société. Il procède à l'analyse psychologique et sociologique de la connaissance de l'écriture. Il passe en revue certaines questions : le logique et le raisonnement logique, les implications médiatisées et non médiatisées, le passage des capacites aux compétences, les effets de la connaissance, de l'ecriture vai, les écoles, les cultures et la connaissance. J. Goddy étudie les relations entre le langage et l'écriture.
Alors que le langage est à la fois le résultat et la condition préalable de la communication entre êtres humains, il est aussi crucial pour les processus cognitifs humains en un sens plus général à savoir pour la manipulation interne qu'externe des pensées humaines pour la compréhension que l'homme a du monde où il vit, et alors que langues et dialectes particuliers diffèrent quant aux sortes de manipulations qu'ils encouragent et permettent tous ont énormèment en commun en ce qu'ils favorisent la classification, la mise en réserve l'organisation la récupération et la précision non seulement en un sens whorfien whorfien (culturel) mais en un sens plus général (individuel et fonctionnel).
Mis à part les procédés de comptage il y a peut-être une autre forme de ‘sub-itemisation’) que pratiquent les Africains et qui peut developper des aptitudes au compte rapide là encore aussi par l'emploi d'aides cognitives externes. Ces procédés sont au centre du jeu que les Ashanti nomment warri. Il semble que les wolof appelle wourré. C'est une piste de recherche qu'il faudra explorer. En conclusion, d'un point de vue cognitif aussi bien que sociologique, l'ecriture était la ‘civilisation’, la culture des cites.
L'argument de l'ecriture a été utilié par les nationalistes comme Cheikh Anta Diop lorsqu'il évoque l'existence de l'écriture en Egypte ou chez les Vai de Sierra Léone.
Amady Aly DIENG , WalFadjri