L'idée d'accorder le droit de vote aux étrangers lors des élections locales, relancée par Martine Aubry, est l'un des grands serpents de mer de la politique française.
En 1981, François Mitterrand en avait fait une de ses 101 propositions. Mais une fois élu président, il s'était gardé de la mettre en œuvre. A nouveau candidat en 1988, il se contente, dans sa Lettre à tous les Français, de "déplorer" l'hostilité de l'opinion à une telle mesure.
La revendication sera longtemps portée par les associations et la gauche de la gauche. En 1998, ce droit de vote est accordé aux ressortissants de l'Union européenne, en application d'une directive européenne. L'année suivante, pour la première fois, une majorité de Français (52 %) s'y déclare favorable pour tous les étrangers, toujours aux élections locales.
En 2000, une proposition de loi constitutionnelle en ce sens, déposée par les Verts à l'Assemblée nationale, est adoptée par la gauche et les centristes Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo. Mais en cette période de cohabitation, le premier ministre Lionel Jospin n'inscrit pas le texte à l'ordre du jour du Sénat, considérant qu'il n'a aucune chance de passer devant la Haute Assemblée, tenue par la droite, et arguant "d'autres priorités" à la veille des municipales. Sous la pression du PS, il mettra toutefois le sujet dans son programme en vue de la présidentielle de 2002.
La même année, le député UMP Yves Jégo recommande à Jean-Pierre Raffarin la participation des résidents extracommunautaires aux scrutins locaux. Mais le premier ministre répondra que, pour intégrer les immigrés, la naturalisation est une réponse "plus adéquate". Et une nouvelle proposition de loi constitutionnelle, cette fois déposée par les socialistes, est immédiatement rejetée par la droite.
A nouveau, les associations se mobilisent. Une consultation pour ou contre le droit de vote des étrangers, sans valeur légale, est organisée dans une centaine de villes. Même chose fin 2005, avec cette fois une participation supérieure de moitié, puis en 2006, où 75 000 personnes répondent à l'appel (à plus de 91 %, les participants s'étaient prononcés pour le droit de vote des étrangers). La même année, plusieurs maires de Seine-Saint-Denis organisent de tels "référendums" dans leur commune, et les sénateurs socialistes présentent sans succès une nouvelle proposition de loi.
Entre-temps, des personnalités de droite, tels Philippe Séguin, Nicolas Sarkozy et Françoise de Panafieu, se déclarent favorables à une telle réforme. Mais face aux réactions très mitigées au sein de l'UMP, son candidat renonce à en faire une de ses propositions pour la présidentielle de 2007, à la différence de Ségolène Royal. En 2008, les socialistes échouent à faire figurer le droit de vote des étrangers aux élections locales dans la réforme de la Constitution.
Claire Ané
Source : lemonde.fr