BARCELONE (Reuters) - Comme elle s'entraîne en dilettante pour pouvoir dormir 12 heures par nuit et travailler comme aide-puéricultrice à mi-temps, parce que l'athlétisme l'emballe moyennement, Myriam Soumaré est la première surprise d'être devenue championne d'Europe du 200 mètres. A 23 ans, la sprinteuse d'origine mauritanienne et musulmane, qui met son turban dès qu'elle enlève ses pointes, était arrivée à Barcelone sans se fixer de limite. "Résultat, je me retrouve à courir sur un nuage", dit-elle. Bonne vireuse donc plus à l'aise sur 200 mètres, Myriam Soumaré avait été, quand même, engagée sur 100 mètres où elle n'avait pourtant pas réussi les minima
Malgré tout, la licenciée d'un club méconnu, une association qui additionne les subventions de Garges et de Sarcelles dans le Val-d'Oise, avait décroché, jeudi, une première médaille de bronze. "Au départ, je ne devais pas courir le 100m mais seulement le 200m, ma spécialité", raconte-t-elle. "A l'arrivée, je me retrouve à doubler, à courir sur une autre planète", note-t-elle, plus prompte à exprimer sa joie par une cascade de cris qu'en parlant. Samedi, "malgré la fatigue qui (lui a) fait penser qu'(elle allait) ramer pendant la finale", Myriam Soumaré est allée chercher, au couloir n°8, un titre de championne d'Europe sur 200m, succédant ainsi à Muriel Hurtis titrée en 2002.
CHRONO HALLUCINANT
Médaillée européenne junior de bronze en 2007, Myriam Soumaré avait pointé le bout du nez cet hiver avec une place de huitième sur 60 m aux championnats du monde en salle.
A Barcelone, elle était arrivée avec un chrono de 23"01.
Pour la finale, son entraîneur diplômé Olivier Darnal, ancien surveillant de collège à Villiers-le-Bel où il fit sa connaissance, prévoyait "un 22"60 voire un 22"50."
A l'arrivée, elle gagne en 22"32. Darnal, qui sue à grosses gouttes, s'interroge: "Pour péter un tel chrono, je ne sais pas comment elle a fait. Comme on a fait, en partie, l'impasse sur les championnats de France, sa fraîcheur a dû être son atout."
Happé par la presse surprise aussi par l'explosion de ce petit boulet de canon d'1,67m pour 57 kg, inconnu au bataillon, Olivier Darnal raconte :
"Myriam a démarré l'athlétisme à l'âge de 18 ans. Avant, elle n'avait absolument rien fait. Lors du premier test, sans pointes, elle m'a fait un chrono de folie, plus rapide que toutes les filles que j'avais entraîné jusque-là, dont sa soeur aînée Aminata."
En elle, Olivier Darnal trouve "un phénomène du genre de Christophe Lemaitre mais victime de son don parce qu'absolument pas passionnée par l'athlétisme".
"La première année, elle a accepté de s'entraîner une fois par semaine. La seconde, deux fois. Six ans après, elle accepte quatre fois par semaine, c'est tout", poursuit-il.
A 32 ans, Olivier Darnal, ancien coureur sur 100 m "sans aucun niveau", gère avec patience "cette bonne vivante, généreuse, très humaine mais, aussi très détachée."
"Quand elle sort du stade, elle débranche totalement de l'athlétisme", assure-t-il.
Surtout, Myriam Soumaré est réputée grande dormeuse. Son entraîneur glisse une dernière anecdote : "Si elle ne fait pas ses 12 heures par nuit, elle est grincheuse. Vous la mettez sur une chaise, elle s'endort comme un chat."
Sophie Greuil, édité par Julien Prétot ( NouvelObs )