L'histoire permet d'éclairer beaucoup de faits et de pratiques auxquels un peuple se trouve rattaché. Mais l'histoire des Marka reste encore confuse. Elle n'a connu jusque là aucune étude exhaustive. Les sources écrites sur la question sont peu nombreuses. Ainsi de notre avis, les fragments d'informations que nous avons tirés des documents auxquels nous avons pu avoir accès, ne sont pas suffisants pour faire toute la lumière sur l'histoire de ce peuple.
A travers les sources écrites, les Marka constituent une des branches de la grande famille soudanaise du groupe mandé, originellement rattachés aux Soninké ou Sarakollé qui auraient eu comme habitat primitif le Massina. Les Soninké, après avoir subi dès le début du IIème siècle de notre ère, l'influence de peuples tels que les Proto-Peul venus de la Cirénaïque, fondèrent des colonies et des états dans le Kingui, le Diafouna, le Ouagadou, le Kaniaga. Les sources orales retiennent seulement l'origine mandingue (Mali) des Marka et ne remontent guère au-delà. Par conséquent, elles ne font pas état de leur présence dans l'ancien empire du Ghana fondé au IVème siècle, qu'elles ignorent.
La plus ancienne migration du peuple marka commence avec la chute de cet empire sous les coups des Almoravides vers le XIème siècle. La décadence du Ghana amène les Soninké à se diriger vers l'Est. Ils traversent le Niger et arrivent à l'emplacement actuel de Djenné où ils se heurtent à des Bozo et à des Bwa. Les Marka vont ainsi "vivre dans des cités du Bani et de la vallée du Niger telles que Djenné, Sofara et San comme des sujets de l'empire manding (Mali) du Moyen-âge et plus tard entre le XVème et le XVIème siècle comme des sujets de l'empire songhaï, successeur du Mali ". C'est de cette origine mandingue que les gens du pays (le Dafina) ont conservé le souvenir.
" Généralement, tous les Marka, qu'ils soient du Bakô ou du Son-non-kônon, affirment avec conviction qu'ils sont venus du Manding ". Plusieurs familles interrogées par B. Kote à Douroula, Ouahabou, Safané et Ouagadougou ont désigné le Mandé (Mali actuel) comme origine de leurs ancêtres. De nombreux clans se réclament plus précisément des villes de Djenné, Ségou, Mopti, San, Tombouctou, etc., et jamais de villes ou de régions situées au-delà du Manding.
Le coup fatal donné à l'empire songhaï par les Marocains à la fin du XVIème siècle est à l'origine d'un grand bouleversement dans cette partie de l'Ouest-africain : les populations se dispersent en tous sens.
La première migration importante vers le Dafina actuel que la mémoire a pu conserver est celle qui a suivi le désagrègement des deux empires soudanais du Moyen-âge (le Mali et le songhaï), vers la fin du XVIIème siècle.
Mais ceux qui arrivent par ce biais, trouvent déjà établies et mélangées aux Bobo-Niégué, des familles marka de même origine. En effet, l'installation du peuple marka sur les rives de la Volta Noire et du Sourou est très ancienne.
Selon J. Capron, les Soninké, plus connus sous l'appellation Marka, s'implantèrent solidement sur le pourtour du pays bwa, au Nord-Ouest, Nord et Est, probablement à partir du XIIème ou XIIIème siècle. Selon M. Delafosse (1912, p. 276), l'occupation des terres de la Volta Noire par les Marka aurait commencé à partir du XIVème siècle. En fait, nous nous rendons compte que les dates avancées par les uns et les autres ne concordent pas et sont très imprécises sur la question. Par conséquent, elles doivent être utilisées avec beaucoup de délicatesse. Les Marka vont occuper par vagues successives, les deux rives du Sourou, celles de la Volta Noire et s'infiltrer au Sud entre les populations bwa et gourounsi.
Quant aux causes de départ, elles restent aussi peu connues. Cependant, en se référant aux grandes dates avancées par les différents auteurs, on se rend compte que les migrations des Marka sont intervenues à des périodes de troubles. On pourrait ainsi émettre l'hypothèse selon laquelle les Marka seraient arrivés sur les terres de la Volta Noire et du Sourou à la suite de guerres et de famines. Par contre, selon certains écrits d'européens, ils seraient arrivés par le biais du commerce et de l'Islam. En ce sens, ils les qualifient d'agents de commerce et d'islamisation. Cette dernière hypothèse est plus ou moins mise en cause par M. Guilhem et J. Hébert qui écrivent : " (…) le peuple des Marka (ou Dafing) descendit de Djenné par vagues successives. Vers 1815, la dernière invasion marka s'établit au milieu des Bobo, Ko, Samo, jusque vers Ouahabou ". Aussi, selon L. G. Binger, le deuxième élément qui a fourni un appoint sérieux à cette population, est venu ici au moment des guerres saintes d'El-Hadj Omar, de 1850 à 1862.
Les dates avancées par ces différents auteurs ont été fortement marquées par des guerres de réligion ou guerres saintes. La plupart des migrants marka étaient surtout des populations animistes qui, dans le souci de sauver leurs traditions ancestrales face aux Jihads de Cheikou Amadou de l'empire du Massina en 1810 et d'El-Hadj Omar, entreprises entre 1850 et 1862, furent obligées de migrer vers les terres libres du Sud, occupées par des peuples animistes (Bwaba, Gourounsi), où régnait une certaine stabilité. Par ailleurs, J. M. Echenberg (1971, p. 18) poursuit dans le même sens en écrivant : " la plupart des Marka qui migrèrent vers le Dafina, n'étaient pas musulmans ".
Cet aperçu historique sur les Marka, non exempt d'insuffisances et de lacunes faute de documents précis sur la question, nous permet cependant d'esquisser les péripéties, conséquences des migrations de ce peuple, qui ont amené la création du village de Fobiri.
Source : Domba Belgna, Les masques dans la société marka de Fobiri et ses environs (bendre.africa-web.org)