La Circoncision, telle qu'elle était pratiquée en pays Soninké, plus précisément à Bakel
Auteur: Yaya SY.
<< A la veille de la cérémonie, toujours fixée le vendredi matin, on organise le jeudi soir la danse du gayinde qui mobilisera tous les jeunes et les anciens du village en particulier le fedde concerné. Les danseurs (hommes, femmes, jeunes, confondus) se rangent en ligne circulaire autour des batteurs. Ils dirigent la danse jusqu'à une heure tardive de la nuit, moment privilégié, dit-on, où les esprits ou djinns (jinna pl. jinnani ) viennent se mêler à la foule tout de blanc vêtue, avec des gestes majestueux et savamment coordonnés grâce aux rythmes poétiques des chansons mélodieuses et multiséculaires.
Le gayinde, semble t-il, dans sa forme bakéloise, est poussée vers les sommets de l'art de la coordination du gestuel et de la mélodie ; une danse noble (pour tous) dont les chansons se transmettent oralement de génération en génération et qui sont accompagnées de paroles secrètes que seuls quelques initiés connaissent, paroles sensées protéger les danseurs contre l'intrusion des djinns, grands amateurs de Gayindé, surtout ceux venus du fleuve (Génies protecteurs des N'Diaye) qui sont implicitement invités à cette manifestation grandiose.
Après la danse, vers quatre heures du matin, on fait le khokhoyinde : les futurs circoncis se lancent dans la ville en chantant des chansons rituels et en rentrant dans les maisons où les attendent des marmites pleines de bonne nourriture (riz et mil cassé, ce repas s'appelle le keregue). Tous les garçons se rendent sur les "pierres blanches" de Bakel au quartier Yaguiné (petite colline aux pierres blanches entre les quartiers Yaguiné et Modincané à coté du pont). A la fin de la période de circoncision, ils se rendent sur la colline qui se trouve au quartier N'Diayega pour y jeter leurs tappu [1].
La veille de la circoncision (le jeudi matin), les futurs initiés vont tous se jeter à l'eau et en sortir sans se sécher la tête pour qu'on puisse immédiatement les raser. A la fin de leur période initiatique également ils vont obligatoirement se baigner à cayu-wure (bain obligatoire au pied des palmiers situés au bord de l'eau) et à leur retour du fleuve, on leur rase la tête une nouvelle fois. A la fin de la période de circoncision ils travailleront pendant une semaine pour leur Bawo (maître sorcier qui protégea des initiés durant les huit à dix semaines que dura la période de circoncision) qui a abandonné sa maison et ses travaux pour s'occuper d'eux durant cette période. On appelle cette semaine birillemu.[2]
Il y avait à Bakel deux maison de forgerons chargés de circoncir : la famille Cissé et la famille Samoura. Le plus célèbre d'entre les forgerons de Bakel dans les années trente et quarante était Almamy Samoura, capable selon les croyances populaires de remettre un prépuce déjà coupé sans toucher au garçon... Quand il dit que tel garçon ne sera pas circoncis personne ne passera outre. Il lançait des défis aux autres forgerons en disant que quand c'est lui qui a coupé un prépuce, aucun forgeron ne pourra le remettre alors que la réciproque n'était pas vraie... Nul ne pouvait se vanter d'avoir autant de pouvoir que ce grand forgeron. C'est lui qui le vendredi matin, quand tous les garçons sont prêts, mesure la partie du prépuce à sectionner, puis l'attache avant de laisser le soin de la couper aux jeunes forgerons qui feront ainsi leur apprentissage. C'est lui le maître de cérémonie qui énonce les paroles magiques pour chaque circoncis en soufflant doucement sur la plaie avec des gouttelettes de salive... pour atténuer l'effet du fer afin d'accélérer la guérison. Le Bawo se chargera quant à lui, des mauvais esprits (suxunios ou esprits volants) qui, selon les croyances de jadis, se mettaient en "état d'alerte maximum" pour "manger la chair fraîche" des circoncis de jour comme de nuit, ce qui fait que d'aucuns peuvent en mourir.
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