Durant les trois premiers jours, les circoncis ne boivent que du fonde xaye[3]. Après les trois jours, leur nourriture redevient normale : le matin on leur apporte des plats de tous ordres, à midi ils boivent le fonde, le soir ils mangent du couscous.
Ils passent la journée sous des hangars aménagés pour la
circonstance (biru ) situés parfois loin du village, et la nuit, ils dorment dans la maison du Bawo. Le matin de bonheur, ils vont aux biru alignés derrière la Sawane, une jeune fille attitrée pour cette tâche ; le soir au coucher du soleil, ils retournent passer la nuit chez le Bawo dirigés par leur guide féminin, toujours suivie du plus âgé des esclaves, lui-même suivi du plus âgé des nobles et de l'aîné des marabouts. Sur le chemin des biru à l'aller, comme au retour ils chantent de belles chansons. Avant de se coucher "ils secouent le wanco"[4] en chantant parfois pendant longtemps de belles mélodies comme pour se bercer eux-mêmes. Avant de se coucher le Bawo récite des prières silencieuses de protection contre les mauvais esprits et en particulier contre les suxunios, cela durant tout le temps des biru..
Pendant une semaine, les circoncis ne se baignent pas ; ensuite, le vendredi suivant, ils vont se baigner au fleuve. Auparavant, avant de se rendre au fleuve, ils chantent des chansons sous la direction du Bawo et d'un groupe d'encadrement composé de jeunes aînés pour invoquer la bienveillance des bons esprits du fleuve et conjurer le mauvais sort des esprits malins tels celui des crocodiles et autres monstres invisibles.... Il y avait au bord du fleuve, un épineux dans le champ du grand marabout de Bakel appelé kugne ; quand ils ont fini de chanter, ils font de trois à cinq tours de cet arbuste ; Ensuite, ils font la course jusqu'au gué de Yaguiné sur une longue piste de banc de sable, le premier à plonger dans l'eau s'appellera bouttoumaxa, le second sondomaxa, le troisième fourtoumaxa [5]. C'est-à-dire qu'au retour au village, on réservera bien grillés, pour récompenser les trois vainqueurs... le foie, le coeur, et les poumons des animaux abattus.
Après le bain, ils s'habillent provisoirement avec des habits longs et propres sans sous-vêtement, ni slip, ni pantalon, en attendant que leurs habits de cérémonies soient lavés et reteints dans le bangare (teinture locale à base de plante). Le reste de la matinée, après le bain, ils iront tuer des coqs dans les rues du village au hasard des rencontres avec les volatiles... jusqu'à ce qu'ils fassent le plein pour un bon repas collectif destiné à deux cents ou trois cents jeunes bouches gloutonnes... Ils répartissent les poulets entre les filles de leur fedde qui vont se débrouiller pour les faire rôtir pour eux. Il y a des maisons qui n'ont pas de poulaillers et qui donnent de l'argent ; une partie de cet argent reviendra au Bawo, une autre sera remise aux parents qui vont compléter les dépenses de consommation alimentaire des initiés.
Selon Samané Sy, les groupes sociaux prennent en charge les circoncis dans l'ordre suivant : "les esclaves des N'Diaye abattent du bétail (N'Diayega komo na karindi ), ensuite les N'Diaye prennent le relais, après, c'est au tour des esclaves des marabouts d'abattre du bétail, puis viendra celui des marabouts, ainsi de suite jusqu'à la fin. Un jour on tue deux tammisso (deux moutons ou deux boucs) le lendemain on tue un boeuf, sans compter les yokkin-deppe (petits plats) mijotés par les parents, alliés ou amis des familles. Par ailleurs chaque fille prépare des beignets pour son petit copain (yaxanne be ga taxan da )."
Les circoncis, on le voit, mangent bien et il arrive souvent que le Bawo les frappe pour qu'ils mangent davantage, il arrive même que le Xerene [6] estime que le groupe ne trouve pas le repas à son goût, alors il exige de meilleurs mets... en pleurnichant bruyamment. Il peut aussi dire en pleurant comme un enfant gâté, qu'il n'a pas faim et aucun circoncis ne mangera, solidarité oblige...