Les Soninké sont un peuple acquis, depuis très longtemps, au système de la hiérarchisation sociale qui met chaque membre de la communauté, chaque clan, chaque famille dans une place bien déterminée. Le respect de cette organisation hiérarchique en milieu soninké était (est) strictement rigoureux, malgré l’ouverture des Soninké au monde « moderne ». Dans cette réflexion, notre ambition n’est nullement de faire une étude exhaustive. Mais il s’agit, de fait, de donner une idée de la manière dont les Soninké s’organisaient (s’organisent) au quotidien. Dans cette étude, le temps ne nous permet pas d’entrer dans certains détails. Cependant, à la fin de notre analyse, nous donnerons quelques indications bibliographiques pouvant permettre, pour ceux et celles qui désirent aller un peu plus loin, d’approfondir leur connaissance.
La société soninké traditionnelle, à l’instar de toutes les sociétés africaines, est une société rigoureusement structurée autour des valeurs communes. Ces valeurs constituent la colonne vertébrale de la cohésion sociale. La vie sociale et politique, en milieu soninké traditionnel, s’organise, principalement, autour de trois personnes : le tunka (roi), le debegume (chef de village) et le kagume (de ka = demeure, maison, concession et de gume = chef).
1. Le tunka :
Dans la société soninké traditionnelle, le pouvoir est strictement une affaire d’hommes. Il est par conséquent patrilinéaire. En territoire soninké, il n’existait pas de pouvoir politique supérieur à celui du roi. Par nature, il est le Fankama (de fanka, pouvoir et kama, propriétaire), et nul ne pouvait contester son droit exclusif à l’usage de la force. En cas de vacance du pouvoir dû au décès du Tunka, le collège des mangu (conseillers) et les notables du village rechercheraient ipso facto le plus ancien des successeurs présomptifs qui se situe sur le même rang en ligne agnatique que le roi précédent.
Au niveau du Jamaane (pays ou empire), au temps des grands empires soninké, le Tunka était le chef politique et en même temps le propriétaire des terres. Il existait, néanmoins, un système de contrôle qu’il était pratiquement impossible au Tunka d’exercer ses droits sans en référer aux Mangu (conseillers).
2. Le debegume (chef de village) :
Chez les Soninké, « le village est une entité indivisible constituée à la fois par la terre dans les limites qui ont été acquises ou octroyées par le suzerain selon le cas et les familles qui y vivent. Le debegume a la responsabilité de diriger la communauté dans l’intérêt collectif du debe (village) conformément aux alliances et engagements pris lors de l’installation du village. » (Fofana, 2004 : 71).
Le debegume, en milieu soninké traditionnel, est en quelque sorte le représentant du tunka au niveau du village. Dans certains villages soninké de la Mauritanie, du Sénégal et du Mali, l’élection du Debegume ne se faisait pas par le vote. Les Soninké, traditionnellement, ignoraient l’élection démocratique à la manière des sociétés « modernes ». C’est le plus âgé du clan qui est appelé à assurer les fonctions de gouvernance dans le Debe (village) jusqu’à sa mort où il sera succédé par celui qui le suit directement en âge. Dans ce cas, le pouvoir politique dans le village est exercé par l’aîné [d’entre les] membres du clan détenant la chefferie du village donné. Dans son mémoire de maîtrise qu’il a présenté en 2004 à l’université de Nouakchott en Mauritanie, Samba Fofana écrivait, à ce propos que : « deux critères peuvent se concevoir dans la définition de séniorité. Tantôt l’un tantôt l’autre a prévalu chez les Soninké à des moments différents de [leur] histoire ou selon les régions de leurs implantations où le pouvoir revient aux membres du clan cheffal qui atteint le plus grand nombre d’années (principe de séniorité physique) ou c’est la situation généalogique qui sert de critère et qui donne le pouvoir au plus âgé des membres du lignage aîné du clan (principe de séniorité généalogique) où l’on notera que le principe de l’âge physique entre en ligne de compte en deuxième instance. Le pouvoir était un privilège exclusif de séniorité. »
Certains clans en milieu soninké sont, de fait, détenteurs du pouvoir du fait qu’ils sont les fondateurs du village. C’est le cas par exemple du village de Toulel (sud de la Mauritanie) où les SOUMARE sont les chefs de village depuis sa création en 1900. Il y a donc à la fois le principe de séniorité et celui de la première occupation du lieu qui entrent en jeu quand il s’agit d’élire un Debegume. En milieu soninké, le Tunka ne nommait pas directement les Delegemu (chefs de village). Néanmoins, aucun Degelemu ne pouvait exercer son pouvoir sans sa bénédiction.
3. Le kagume ou chef famille
Le chef de famille, en milieu soninké, est chargé de l’administration des affaires de la famille et de ses composantes. Aucune décision ne peut être prise concernant la famille sans son avale.
4. Indication bibliographique
1) Bathili, Les portes de l’or, Paris, l’Harmattan, 1989.
2) Christian GIRIER, Parlons soninké, Paris, Harmattan, 1996.
3) Eric POLLET et Grace WINTER, La société soninké (Dyafunu, Mali), L’institut de sociologie de l’Université libre de Bruxelles, 1971.
4) Oudiary Makan DANTIOKO, Dictionnaire français –soninké, Diamana, 2003.
5) Saint PERE et Jules HUBERT, Les Sarakollés du Guidimakha, Paris, Larose, 1925, 188 p.
6) Mody Traoré, Structures sociales au Guidimakha, mémoire de Maîtrise, FLSH de l’Université de Nouakchott, 1991-1992.
SOUMARE Zakaria Demba