1) Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs internautes ?
M.WAGUE Cheikhna : Je suis mauritanien, kaédien et soninké. S’agissant de mon parcours, j’ai fait à la fois des études religieuses et des études dites modernes. J’ai fait l’école coranique et théologique auprès de mon père, El hadj Mahamadou Bouna Wagué, et ce, en parallèle avec l’école moderne. En ce qui concerne cette dernière école, j’ai fait mes études primaires à l’école II de Kaédi, mes études secondaires au collège et lycée de cette même ville. Quand j’ai eu mon baccalauréat, je me suis inscrit au département d’histoire de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Nouakchott. J’ai fait quatre ans dans cette université. Après avoir fini ma maitrise et parce que j’étais lauréat de ma promotion, l’État mauritanien m’a accordé une bourse de troisième cycle, ce qui m’avait permis de faire l’année qui a suivi ma maitrise, un DEA d’histoire sous la direction du Professeur Abdoulaye Bathily, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Mais vu les engagements politiques du Professeur Bathily, mais surtout compte tenu que l’Université de Dakar tardait à mettre en place le système de doctorat nouveau régime, plus valorisant et plus consistant que celui du troisième cycle, j’ai envoyé un dossier à la Sorbonne où ma candidature a été tout de suite retenue. Mais, il a fallu que je négocie mon départ avec mon père qui voulait que je reste à Dakar plus près du pays, d’autant que mes autres frères étaient aussi à l’extérieur. Mais comme mon père est un homme éclairé qui aime bien les études, aussitôt que je lui ai expliqué les enjeux de ce départ vers la France et mes objectifs, il a fini non seulement par accepter, mais aussi prier pour moi, en disant que rien ne pourra, incha Allah, faire pièce à l’obtention de ce titre de la plus belle manière. Et, comme à son accoutumée, voilà que ses prémonitions se sont avérées comme il les avait prédites.
M.WAGUE Cheikhna : Je suis mauritanien, kaédien et soninké. S’agissant de mon parcours, j’ai fait à la fois des études religieuses et des études dites modernes. J’ai fait l’école coranique et théologique auprès de mon père, El hadj Mahamadou Bouna Wagué, et ce, en parallèle avec l’école moderne. En ce qui concerne cette dernière école, j’ai fait mes études primaires à l’école II de Kaédi, mes études secondaires au collège et lycée de cette même ville. Quand j’ai eu mon baccalauréat, je me suis inscrit au département d’histoire de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Nouakchott. J’ai fait quatre ans dans cette université. Après avoir fini ma maitrise et parce que j’étais lauréat de ma promotion, l’État mauritanien m’a accordé une bourse de troisième cycle, ce qui m’avait permis de faire l’année qui a suivi ma maitrise, un DEA d’histoire sous la direction du Professeur Abdoulaye Bathily, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Mais vu les engagements politiques du Professeur Bathily, mais surtout compte tenu que l’Université de Dakar tardait à mettre en place le système de doctorat nouveau régime, plus valorisant et plus consistant que celui du troisième cycle, j’ai envoyé un dossier à la Sorbonne où ma candidature a été tout de suite retenue. Mais, il a fallu que je négocie mon départ avec mon père qui voulait que je reste à Dakar plus près du pays, d’autant que mes autres frères étaient aussi à l’extérieur. Mais comme mon père est un homme éclairé qui aime bien les études, aussitôt que je lui ai expliqué les enjeux de ce départ vers la France et mes objectifs, il a fini non seulement par accepter, mais aussi prier pour moi, en disant que rien ne pourra, incha Allah, faire pièce à l’obtention de ce titre de la plus belle manière. Et, comme à son accoutumée, voilà que ses prémonitions se sont avérées comme il les avait prédites.
2) Vous venez de présenter votre thèse de Doctorat avec brio dont le thème principal est "Les communautés Soninké du Fouta Toro". Pourriez-vous nous parler de cette communauté ?
M.WAGUE Cheikhna : Les communautés soninkées sont une population qui est venue progressivement s’installer dans la région du Fouta Toro à partir de la fin du XVIIIe siècle. La venue de ces communautés s’explique par le fait qu’elles étaitent accablées par la détérioration des conditions climatiques et les guerres civiles répétées dans leur région d’origine. Et comme la fin du XVIIIe siècle correspond à la belle période du règne de l’Almami Abdoul Khadr Kane où la région du Fouta Toro était un havre de paix, une zone de refuge, les Soninkés, en quête des terres et de sécurité, sont venues progressivement s’y installer. Redoutables guerriers, l’Almami profita de leurs prouesses militaires, mais aussi en leur donnant des droits. Chacune de deux populations, c’est-à-dire halpoular et soninkée, trouvait son compte dans les négociations qui avaient présidé à l’installation des Soninkés dans la région. Mais les Soninkés, attachés à leur homogénéité et à la survie de leur culture et leur langue à travers les générations dans une région à majorité halpoular, ont mis en place des stratégies aussi bien dans le cadre de leur peuplement que dans les domaines matrimoniaux, politiques, spatiaux pour ne pas être phagocytés dans ce que le regretté Professeur Oumar Kane avait appelé « le moule de fulanité ». Il est impossible de développer tout cela ici. En résumé, les Soninkés ont fondé leurs propres quartiers partout ils se sont retrouvés et ont refusé les mariages mixtes avec les Halpoulars, mariages qui étaient à l’origine de la perte de l’identité des premiers migrants soninkés venus dans la région avant la fin du XVIIIe siècle (Barro, Doucké, Talla, Gassama, Diako, Tanboura, Sylla, Sako….). C’est dire, pour résumer, que l’originalité de ces communautés soninkées réside dans le fait qu’elles se sont installées dans la région du Fouta Toro avec des objectifs clairs, parmi lesquels, ils ne devaient pas se laisser assimiler par les populations voisines, notamment halpoular.
3) Eu égard aux travaux réalisés par nos aînés Ousmane Diagana dit Dembo et Yacouba Oumarou Diagana dit Bassylla pour la promotion de langue et de la culture soninké. Votre travail présenté aujourd'hui n'est-il pas un hommage posthume que vous leur rendez ?
M.WAGUE Cheikhna : Voilà une question triste. Lors de la soutenance, les membres du jury ne cessaient de parler de leur nom. Cela prouve que ce sont deux personnalités que nous regrettons à jamais. Oui, il va sans dire que mon travail ne peut être qu’un hommage posthume, bien mérité en plus, à ces deux hommes de science et d’humilité. Je regrette qu’ils ne soient plus là aujourd’hui pour participer aux débats que pourrait susciter mon travail.
4) Quel message(s) avez-vous à faire passer aux Soninkés en général et aux Soninkés de kaédi-Gattaga en particulier ?
M.WAGUE Cheikhna : Le message que j’ai à passer à l’endroit des Soninkés de Kaédi, de Djéol et, par extension, à l’endroit de toutes les populations du monde, c’est de ne pas négliger l’éducation des enfants. Car toute population qui a négligé la recherche de la science, de l’instruction a fini par disparaître. Par contre, je suis triste de remarquer que nombre de jeunes de nos milieux ont tendance à abandonner prématurément ces dernières années leurs études au profit des activités sans avenir ou du commerce de proximité. Je pense que l’on doit sensibiliser les parents à l’importance des études de leurs enfants, surtout que nous vivons dans un contexte mondial où tout devient de plus en plus difficile. Pour moi, c’est une catastrophe de voir un jeune abandonner sans raison valable ses études.
5) La Diaspora Soninké est-elle une richesse ou une perte pour la communauté soninké ?
M.WAGUE Cheikhna : Pour moi, la diaspora est incontestablement une richesse, mais cette richesse n’est rentable que quand on prend bien garde de ne pas négliger ses propres valeurs, de ne pas se renier. Autrement, elle devient une porte ouverte à une dilution de sa propre identité. Elle est une richesse en ce sens qu’elle forme l’individu et lui ouvre d’autres horizons, ce qui permet de relativiser nombre de déterminismes locaux. Personnellement et pour avoir parcouru plusieurs régions où l’on trouve la diaspora soninkée, cela m’a permis de connaître les membres de ma famille, de dépasser certaines considérations locales. Toutefois, il y a aussi le revers de la médaille. On voit dans les pays occidentaux ou dans les grandes villes africaines, des comportements qui nous éloignent de notre culture, de notre langue. Peut-on considérer cela comme une richesse ? Je n’en suis pas sûr.
6) Quelle est votre satisfaction aujourd'hui après ce travail très bien accompli ?
M.WAGUE Cheikhna : D’abord, ma première satisfaction, c’est de n’avoir pas trahi l’esprit de mon père, le premier qui m’a appris à lire et à écrire. Je lui ai d’ailleurs solennellement dédié mon travail à la Sorbonne. Ensuite, c’est d’avoir eu le plus grand diplôme universitaire avec la plus haute mention, à savoir, la mention très honorable avec les félicitations du jury à l’Unanimité dans une université aussi rigoureuse que prestigieuse comme la Sorbonne. Enfin et non des moindres, ma satisfaction c’est d’avoir été utile pour la science, en restaurant la vérité par l’écriture scientifique de l’histoire de la population qui m’a vu naître et grandir. Je voyais après la délibération le contentement de tous mes amis et parents du résultat. Satisfaire ses parents, ses amis et la science en même temps est à mon sens la meilleure des satisfactions. Je suis comblé aujourd’hui par cette triple satisfaction.
Je vous remercie M Wagué d'avoir répondu à ces questions.
M.WAGUE Cheikhna : Les communautés soninkées sont une population qui est venue progressivement s’installer dans la région du Fouta Toro à partir de la fin du XVIIIe siècle. La venue de ces communautés s’explique par le fait qu’elles étaitent accablées par la détérioration des conditions climatiques et les guerres civiles répétées dans leur région d’origine. Et comme la fin du XVIIIe siècle correspond à la belle période du règne de l’Almami Abdoul Khadr Kane où la région du Fouta Toro était un havre de paix, une zone de refuge, les Soninkés, en quête des terres et de sécurité, sont venues progressivement s’y installer. Redoutables guerriers, l’Almami profita de leurs prouesses militaires, mais aussi en leur donnant des droits. Chacune de deux populations, c’est-à-dire halpoular et soninkée, trouvait son compte dans les négociations qui avaient présidé à l’installation des Soninkés dans la région. Mais les Soninkés, attachés à leur homogénéité et à la survie de leur culture et leur langue à travers les générations dans une région à majorité halpoular, ont mis en place des stratégies aussi bien dans le cadre de leur peuplement que dans les domaines matrimoniaux, politiques, spatiaux pour ne pas être phagocytés dans ce que le regretté Professeur Oumar Kane avait appelé « le moule de fulanité ». Il est impossible de développer tout cela ici. En résumé, les Soninkés ont fondé leurs propres quartiers partout ils se sont retrouvés et ont refusé les mariages mixtes avec les Halpoulars, mariages qui étaient à l’origine de la perte de l’identité des premiers migrants soninkés venus dans la région avant la fin du XVIIIe siècle (Barro, Doucké, Talla, Gassama, Diako, Tanboura, Sylla, Sako….). C’est dire, pour résumer, que l’originalité de ces communautés soninkées réside dans le fait qu’elles se sont installées dans la région du Fouta Toro avec des objectifs clairs, parmi lesquels, ils ne devaient pas se laisser assimiler par les populations voisines, notamment halpoular.
3) Eu égard aux travaux réalisés par nos aînés Ousmane Diagana dit Dembo et Yacouba Oumarou Diagana dit Bassylla pour la promotion de langue et de la culture soninké. Votre travail présenté aujourd'hui n'est-il pas un hommage posthume que vous leur rendez ?
M.WAGUE Cheikhna : Voilà une question triste. Lors de la soutenance, les membres du jury ne cessaient de parler de leur nom. Cela prouve que ce sont deux personnalités que nous regrettons à jamais. Oui, il va sans dire que mon travail ne peut être qu’un hommage posthume, bien mérité en plus, à ces deux hommes de science et d’humilité. Je regrette qu’ils ne soient plus là aujourd’hui pour participer aux débats que pourrait susciter mon travail.
4) Quel message(s) avez-vous à faire passer aux Soninkés en général et aux Soninkés de kaédi-Gattaga en particulier ?
M.WAGUE Cheikhna : Le message que j’ai à passer à l’endroit des Soninkés de Kaédi, de Djéol et, par extension, à l’endroit de toutes les populations du monde, c’est de ne pas négliger l’éducation des enfants. Car toute population qui a négligé la recherche de la science, de l’instruction a fini par disparaître. Par contre, je suis triste de remarquer que nombre de jeunes de nos milieux ont tendance à abandonner prématurément ces dernières années leurs études au profit des activités sans avenir ou du commerce de proximité. Je pense que l’on doit sensibiliser les parents à l’importance des études de leurs enfants, surtout que nous vivons dans un contexte mondial où tout devient de plus en plus difficile. Pour moi, c’est une catastrophe de voir un jeune abandonner sans raison valable ses études.
5) La Diaspora Soninké est-elle une richesse ou une perte pour la communauté soninké ?
M.WAGUE Cheikhna : Pour moi, la diaspora est incontestablement une richesse, mais cette richesse n’est rentable que quand on prend bien garde de ne pas négliger ses propres valeurs, de ne pas se renier. Autrement, elle devient une porte ouverte à une dilution de sa propre identité. Elle est une richesse en ce sens qu’elle forme l’individu et lui ouvre d’autres horizons, ce qui permet de relativiser nombre de déterminismes locaux. Personnellement et pour avoir parcouru plusieurs régions où l’on trouve la diaspora soninkée, cela m’a permis de connaître les membres de ma famille, de dépasser certaines considérations locales. Toutefois, il y a aussi le revers de la médaille. On voit dans les pays occidentaux ou dans les grandes villes africaines, des comportements qui nous éloignent de notre culture, de notre langue. Peut-on considérer cela comme une richesse ? Je n’en suis pas sûr.
6) Quelle est votre satisfaction aujourd'hui après ce travail très bien accompli ?
M.WAGUE Cheikhna : D’abord, ma première satisfaction, c’est de n’avoir pas trahi l’esprit de mon père, le premier qui m’a appris à lire et à écrire. Je lui ai d’ailleurs solennellement dédié mon travail à la Sorbonne. Ensuite, c’est d’avoir eu le plus grand diplôme universitaire avec la plus haute mention, à savoir, la mention très honorable avec les félicitations du jury à l’Unanimité dans une université aussi rigoureuse que prestigieuse comme la Sorbonne. Enfin et non des moindres, ma satisfaction c’est d’avoir été utile pour la science, en restaurant la vérité par l’écriture scientifique de l’histoire de la population qui m’a vu naître et grandir. Je voyais après la délibération le contentement de tous mes amis et parents du résultat. Satisfaire ses parents, ses amis et la science en même temps est à mon sens la meilleure des satisfactions. Je suis comblé aujourd’hui par cette triple satisfaction.
Je vous remercie M Wagué d'avoir répondu à ces questions.