En effet, dès que les premiers vents appelés nduundo en soninké se profilent à l'horizon, hommes et femmes s'évertuent à trouver le bon emplacement pour l'aménager en champ de mil, maïs, arachide ou Gombo.
A Bakel, les gens se ruent vers les champs suivants : Xolibinne, Busuruga, Folobula, Gasanmbilaxe...Les vieux, eu égard à l'importance qu'ils accordent à cette période tant redoutée par le jeunesse, cherchent le forgeron le plus réputé du village pour lui confier la confection de leurs outils de travail. Il s'agit de daba, houe, hache, rateau... Ces outils sont indispensables au travail de la terre.
Le Golinde ( desherbage ) :
Le Golinde est la première étape du Xaaxo. Les plus grands cultivateurs le font souvent à la fin de l'hivernage mais la majorité des villageois le font à la tombée des premières pluies. Cette période est pénible pour les jeunes, car c'est la période pendant laquelle la forêt se vide de ses fruits et légumes. Les aminaux commestibles deviennent rares. Le soleil brille et brûle. Ils abordent cette période avec la peur au ventre. Pendant cette période, on ne voit que des phacochères, serpents et autres animaux sauvages et dangereux. Le matin, les jeunes armés de houes, rateaux et allumettes envahissent les terres cultivables pour défricher et enlever les mauvaises herbes.
Tandis que les plus grands enlèvent les racines de tiges de mil, les plus jeunes les ramassent, font des tas et les brûlent. Cette étape dure généralement deux à cinq jours selon la grandeur du champ à cultiver.
Le Tifinde ( semailles ) :
Les champs sont prêts. On attend les premières fortes pluies. Dès que ces dernières remplissent les marigots et humidifient les champs, jeunes et vieux prennent le chemin des champs. Ainsi, pendant que les hommes sèment le mil, sorgho, riz et maïs, les braves femmes s'affairent à mettre sous terre les graines d'arachides savamment choisies. Avec la modernisation, cette étape de semailles est précédée du labourage assuré par les charrues ou les tracteurs selon l'imensité des terres cultivables. La période de semailles est importante et délicate à la fois, parce qu'il faut être prompt à mettre le mil ou l'arachide sous la terre avant la perte de l'humidité.
Dans certains villages, les jeunes passent la nuit dans des cages installés à coté des champs ou tentes de fortune pour assurer au maximun cette étape. Parfois, pour aller vite, les jeunes abusent en faisant volatiliser une bonne partie de la semence sous la terre ou dans les herbes. L'idée est de rentrer à la maison une fois qu'il y ait plus de semence. Toutefois, les vieux, témoins des temps anciens, prennent toujours leurs précautions, car ils ont toujours un sac de semences en reserve.
Je me rappelle un jour à Bakel, un de mes camarades xaralenma a englouti trois pots de semence dans un grand trou parce que l'on voulait finir les semences afin de pourvoir aller regarder les matchs de foot des navétanes (Tournoi de Foot populaire). Malheureusement pour lui, un de nos surveillants a flairé le coup et a suivi la scène. Quelques minutes plus tard, le vieux briscard vient deterrer les graines de mil et identifie le responsable. Ce dernier n'a vu que du feu. Avec la complicité des plus grands xaralenma, on lui a attaché les mains et les pieds et on le bastonna longuement. Le pauvre, il a commis ce forfait pour nous tous mais il a pris seul les coups. La période de semailles est primordiale mais très difficile à réaliser.
Le soxoye ( Le labourage ) :
Dès l'apparition des premiers " Teebe" (Germes), les mauvaises herbes entrent dans la danse. Poussant plus vite que les germes de mil, il faut impérativement les enlever pour permettre aux germes de pousser normalement. Ainsi, commence l'étape du labourage. C'est une des périodes les plus redoutées par les cultivateurs. Elle dure deux à trois mois selon les zones. Elle se fait en trois étapes: Jonyu ( première labourage ), le Fileye ( deuxième étape) et le Sikeye ( trosième labourage ).
Les jeunes, armés de dabas, s'adonnent avec energie contre pour les mauvaises herbes. Les dos restent courbés pendant des heures. Rares sont les jeunes qui peuvent rester des heures à labourer. On prend des pauses, on s'étire, on discute, on chante, on boude...On passe par tous les états. C'est la période la plus pénible. Certains jeunes passent des semaines sans repos. Seuls les Lundi et les Vendredi peuvent leur permettre de souffler. Des pluies abondantes imposent aussi un moment de repis parce que les routes et les champs deviennent impraticables. On peut rester des jours à la maison en attendant que le niveau des eaux descendent.
Pendant ces quelques jours de repos, les jeunes profitent pour soigner les plaies et pour enlever quelques épines de leurs pieds. On souffre mais on ne peut point rester à la maison. Certains jeunes, pour échapper à cette étape, se créent des maladies imaginaires afin de pouvoir rester à la maison. On se tord de douleur , on se prive de petit dejeuner pour pouvoir être crédible. Qui ose dire qu'il ne l'a pas fait ? Personne... On connait tous cette mise en scène. Le labourage des champs est difficile. C'est un passage obligé. Tout jeune qui valide ces étapes devient fort et resistant. C'est la formation made in village.
Au village, il n' y a pas de salle de musculation mais il y a la houe et c'est gratuit.
Une fois que les trois étapes validées, on devient libre comme l'air. On peut maintenant aller jouer en attendant la période de l'épiaison du mil. Les oiseaux guettent aussi ces épis et c'est la course - poursuite qui s'en suit entre jeunes et oiseaux.
MAKALOU dit Samba Fode KOITA
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