Malijet. Désormais votre bimensuel vous propose une rubrique d’histoire. En effet, de nombreux lecteurs de Ségou et d’ailleurs ont sollicité cette rubrique qui certainement va contribuer à une meilleure connaissance du passé de notre région et par extension de notre pays. Nous vous proposons l’Histoire de Ségou depuis l’implantation des premières communautés au 13ème siècle jusqu’à la naissance du royaume bambara de Ségou. Un regard sera jeté sur son histoire contemporaine également.
Le peuplement de la région de Ségou est très ancien. Beaucoup de villages de la région reconnaissent s’y être installés depuis plusieurs siècles. Les premiers habitants du pays de Ségou semblent avoir été les « maraka » et les « boso ». Venus par vagues successives surtout depuis la dispersion soninké consécutive au déclin de l’empire du Ghana, soninkés fondèrent dans la région des cités dont les neufs célèbres « marakadougoukonoton » qui sont : Tien- markala, Kirango –markala, Sama- markala, Boussin, Dougouba, Koukoun, Togou, Soké-markala, Tatrima. Certaines de ces cités allaient devenir des centres commerciaux ayant un grand rayonnement.
Aux 12ème et 13ème siècles les communautés boso et maninka s’implantèrent dans la région en fondant leurs propres agglomérations ou s’implantèrent dans celles existantes. Ces premiers mouvements de peuplement auraient amené dans le pays de Ségou les Traoré, les Sinayogo, les Tangara… Entre les 12ème et 17ème siècles sous la pression des malinkés les bambaras partis de Toron (actuelle république de Côte d’Ivoire) auraient entrepris un vaste mouvement migratoire qui les aurait conduits par étapes successives dans le pays de Ségou et dans le Bélédougou. Le peuplement bambara s’est surimposé aux peuplements maraka, boso et malinké. Il y’a eu formation de communautés villageoises dans les cités régies par un chef.
La tradition retient que les chefs étaient appelés les « mansas ». C’est pourquoi on avait les « massaya » de Sibla, de Farakou, de Kamiyan, de Kanigo,de Samaba, de Kokri, de Da, de Zara,de Sama, de Soké, de Shen, de Gwele, de Sangula, de Naro, de Woro, de Do . de Bengene, de Ban…) .La plupart des massas étaient du clan manding des Traoré qui sans arriver à la création d’un Etat centralisé ont exercé une influence assez grande dans la région.
En réalité, la date de la création des « massaya » est imprécise .Néanmoins on peut penser qu’elle remonte à l’implantation dans le pays de Ségou des communautés boso et malinkés entre les 12ème et 13ème siècles.
Les « massaya » reconnurent l’hégémonie de l’empire du Mali au milieu du 12ème siècle. Le pays de Ségou devint une province de l’empire du Mali, province dirigée par un prince dont la capitale était marakaduguba. Le dernier gouverneur malinké serait Massa Magan. Très cruel il fut victime d’un complot vers 1600. C’est ainsi que le pouvoir central connut un certain effritement. Les différents « massaya » retrouvèrent leur indépendance ou du moins une large autonomie.
Le pays de Ségou vécut à l’écart de l’influence du songhoy des Armas. L’occupation marocaine n’a pas concerné la région. La tradition l’ignore et même la conteste. Il semble que cette occupation marocaine ne soit pas allée au delà du Macina où d’ailleurs elle dut faire face à une tenace résistance. C’est ainsi qu’en 1645 les peuls infligèrent aux marocains une sévère défaite qui donna le coup d’arrêt à leur avancée .Cependant Macina constitua un écran à l’abri duquel les bambara édifièrent leur royaume. Le pays de Ségou échappa ainsi à la fois au mansa du Mali en déclin et au pacha de Tombouctou.
Il devient cependant le théâtre de formation d’un Etat basé sur la suprématie du clan. Silamakan Koïta, venu des environs de Djenné, fut à l’origine de la première tentative d’unir en un Etat centralisé les différentes cités .Il fonda au début du 17sièle probablement vers 1612 le royaume de Soro qui n’a connu qu’une existence éphémère. Aussi la tradition retient le royaume des Koné de Boussin celui des Traoré de Bouadjé qui exerçaient localement l’autorité au milieu du 17ème siècle après la chute de Soro. Le royaume de Boussin succomba sous les coups du roi de Kong Sékou Ouattara probablement à la fin du 17ème siècle.
Les Bouaré de Douwa supplantèrent les Traoré de Bouadjé et étendirent leur influence vers Boussin après la défaite des Koné face à Kong. Originaires de Falo dans le Baninko, les donkas descendants de Tiéssolo Bouaré fondèrent dans le pays de Ségou des villages comme Kirango, Danfinna, Thio, Tayi, Goma, Madiné etc. Ils essaimèrent à Macina, Sonninfla, Bwatou, Kèlèkèlè, Massala, N’Goni. Ils fondèrent leur royaume autour de Douwa vers 1672 qui en fut la capitale. Les Bouaré dominaient la région au moment où le clan Coulibaly s’installait. Le clan Coulibaly commençait à avoir de l’influence dans la région et tira profit de la situation politique tendue qu’ils y ont trouvée. Les Soninkés et les donkas s’affrontaient dans une lutte pour la suprématie politique et les Coulibaly prirent parti dans cette lutte aux côtés des soninkés. C’est dans cette ce contexte difficile que Mamary dit Biton Coulibaly fonda le royaume bambara de Ségou. Il a régné de 1712 à 1755. C’est à partir d’une association de jeunesse, le « ton » que, Mamary dit Biton développa un Etat centralisé qui domina chefferies, royaumes et territoires environnants. Les membres du « ton » pouvaient prétendre à l’égalité car les principes « d’égalité » et de « démocratie » tranchaient avec ceux des associations de jeunes des aristocraties de certains villages. Devenu populaire par suite de l’enthousiasme que suscita son association Mamary Coulibaly, alias Sounoun Mamary, en profita pour étendre son influence. Des rivalités éclatèrent entre lui et les chefs d’autres associations comme ceux de N’Golokouna et de Douwa aboutissant à des affrontements armés qui virent la victoire de Biton. Il ton étendit son hégémonie tantôt par la persuasion et la ruse, tantôt par la force et la violence et se trouve finalement à la tête d’une fédération d’associations. Voilà l’essence de la nouvelle structure étatique qui devait contrôler et conquérir tout le pays de Segou en s’imposant par la force (« fanga ») à tous ceux qui de gré ne se soumettaient pas. C’est ainsi que l’Etat bambara de Ségou s’appela « fanga », puisqu’il était l’expression de la force qui engendre l’autorité. Biton fit de l’instrument de sa gloire, le « ton », une armée perfectionnée pour l’époque avec un noyau permanent constitué de « tonjon » qui devaient tout à l’association et lui restaient dévoués.
Vers 1712 il prend le titre de « faama » de segou. Cette titulature traduit non seulement sa puissance mais son autorité incontestée surtout après la soumission des Bouaré Kirango et de Togou Il commença alors à organiser son royaume. A la tête de l’Etat le trouvait Biton lui même , ensuite les « tondenw » qui étaient les camarades cofondateurs du « ton » et il y avait les tondjons. Ces derniers constituèrent la véritable armée qui sera par la suite une oligarchie militaire très dangereuse pour le pouvoir. Les ressources du « fanga » étaient constituées du « disongo » ( l’impôt) , des butins de guerre dont une partie servait à récompenser les combattants.
Biton ayant réussi à imposer son autorité sur la rive droite du Djoliba, il étendit sa domination sur la rive gauche ou il avait rejeté ses cousins massasi du Kaarta. Il avait repoussé par deux fois les attaques du roi de Kong vers 1725.Il conquit le pays de Ségou jusqu’à Djenné englobant le Bendougou, ensuite franchissant le Djoliba, il annexa le pays jusqu’à Kangaga, soumit le Bélédougou, le Sana, le Karadougou, le Monipedougou. Mamary dit Biton Coulibaly mourut en 1755 de tétanos laissant un royaume bien organisé. L’armée fut bien organisée, plus mobile et plus opérationnelle par la création d’une flottille sur le Djoliba .Pour donner une meilleure assise à son autorité, Biton divisa le royaume en provinces (une soixantaine) qu’il confia à des chefs tondjons. Ses compagnons prenaient ainsi part à l’exercice du pouvoir. Biton plaça son fils Denkoro ou Djekoro à la tête de 6000 hommes. Il fonda Nèrèkoro pour son fils Bakary et Djonkolo son troisième fils résidait à Weeta. En réalité le pouvoir de Ségou reposait aussi sur des atouts moraux et spirituels. Les miracles qui selon la tradition ont marqué la jeunesse de Biton, la prédestination dans la croyance populaire à un destin extraordinaire, la puissance magique faisaient de lui un être hors du commun. Tout cela lui permettait d’imposer son autorité à ses ennemis et adversaires, légitimant ainsi son pouvoir.
Dans notre prochaine parution nous allons vous raconter la succession de Biton et l’évolution du royaume bambara de Ségou.
Bandiougou DANTE
Sidi Diawara :