Dans la plupart des civilisations du haut Moyen-Age négro-africain installées sur l’ensemble du continent noir, une organisation politique, socio-économique et culturelle avancée verra le jour. L’ancêtre « fondateur » de ces civilisations antiques étant, sans doute, l’Égypte. Il est vrai que les Égyptiens ne possédaient pas d'historiens qui puissent être comparés à ceux des Grecs et des Romains. Mais il est un fait incontestable : ils ont inventé un mode élaboré d’écriture et leur fabuleuse histoire est gravée partout où il fut possible dans la pierre et reproduite sur les papyrus. Et sont parvenus jusqu’à nous le Papyrus de Turin, les Listes royales, La liste de Karnak, la Table d'Abydos et la Table de Saqqarah, tous supports qui ne livrent cependant d'autres secrets que les noms de souverains avec leur durée de règne, sans nul autre détail. Raison pour laquelle, comme pour le Grand Zimbabwe et l’antériorité de l’industrie de la métallurgie et du fer en Afrique, une polémique soutenue a longtemps opposé bien des égyptologues aux chercheurs africains Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga, qui soutenaient des thèses opposées.
Les premiers défendant le rattachement de la civilisation pharaonique à celles du Proche-Orient antique. Et les deux camps s'accusant réciproquement, de manquer d'objectivité ou de révisionnisme. Il faut dire que pendant longtemps, il ne se trouvait pas un Egyptologue faisant autorité, pour reconnaître l’origine négro-africaine de la civilisation de l’Egypte pharaonique. Alors que pour les scientifiques africains, cette réalité ne laisse aucun doute. A l'appui de leur thèse, ils avançaient comme preuve les représentations des pharaons Narmer, Djeser, Chéops, Thoutmès III, de la reine Tiyi et de son époux Aménophis III ainsi que de leur fils Akhenaton, qui tous étaient selon eux, des Noirs. Comment pouvaient-il en arriver à une telle conclusion ? Un premier élément troublant est que l’étude minutieuse des crânes pré-dynastiques découverts dans le sud égyptien, à Abydos et à Hou, dévoile une origine typiquement négroïde.
Des découvertes récentes d'effigies égyptiennes confirment aussi la présence de Noirs dans toutes les couches sociales de ce pays. Force est aussi de constater que la plupart des grands musées occidentaux regorgent de ces « témoignages » sous forme d’objets façonnés par les Égyptiens. Lesquels se qualifiaient eux-mêmes selon Cheikh Anta Diop de Khem, c’est-à-dire Noirs. Au nombre de ces témoignages, la statuette de bronze du roi Taharqa, du musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, la statue de Thoutmès III, du British Muséum ou encore celle dite du « brasseur », du Musée d'Hildesheim, toutes révélant des traits négroïdes. Les chercheurs africains tenaient également pour fait établi que les ethnies Malinké et Soninké étaient originaires de la vallée du Nil. Il est vrai que les plus anciennes divinités de l’Égypte antique (l’Ibis, l’Oryx, le Faucon, le dieu Bès et le Sphinx) sont toujours célébrées en Afrique de l’Ouest, notamment dans l’actuelle République du Mali où il existe des masques et des statuettes les représentant. Quant à l’étude linguistique comparative réalisée par le pr. Cheikh Anta Diop, elle révèle selon l’auteur, une parenté incontestable entre l’ancienne langue égyptienne, du moins ce qu’en révèlent les hiéroglyphes et certaines langues actuelles négro-africaines, comme le Wolof du Sénégal ou encore le Peul (usé par un peuple nomade africain), entre autres. Une telle parenté culturelle affirme le chercheur africain, se retrouve aussi bien dans la langue que dans l'art des Dogons et des Bozos du Mali, des Baoulés de la Côte d'Ivoire et des Mendés de la Sierra Léone, de même que dans les pratiques religieuses des Yoroubas et des Saras. Usant de procédés scientifiques modernes, le pr. Cheikh Anta Diop a procédé à l’analyse d’échantillons de peau de momies égyptiennes. Grâce aux rayons ultraviolets, il affirme avoir pu déterminer leur teneur en mélanine (élément de pigmentation) : toutes, selon lui, « se sont révélées noires de l'espèce de tous les Noirs que nous connaissons aujourd'hui.» Aussi, dans le cadre d’un projet de rédaction d'une Histoire générale de l'Afrique, et sans doute pour confronter les points de vue et clore le débat, l'UNESCO sollicitait en 1970 le concours de nombreux chercheurs dont le Pr Cheik Anta Diop. Un colloque intitulé « Le peuplement de l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique » se tint au Caire du 28 janvier au 3 février 1974. Il rassemblait une vingtaine de spécialistes des pays suivants : Allemagne, Canada, Congo, Égypte, Finlande, France, Malte, Sénégal, Soudan, Suède et Etats-Unis d’Amérique. A la fin des travaux, au contraire des partisans de thèses qui privilégiaient l’analyse de momies de pharaons d’origine étrangère (libyennes, grecques, ptolémaïques), il fut établi, que pendant des millénaires, l'Égypte n'était pas habitée par un peuple sémitique et méditerranéen, comme c’est le cas de nos jours. Son peuplement était bel et bien négro-africain. Lors de ce colloque, il fut également reconnu, que pour la langue et sur le plan culturel en général, l'Egypte pharaonique appartenait à l'univers négro-africain. Ce que confirme aussi l'égyptologue Serge Sauneron, spécialiste de la langue égyptienne, initiateur de la réédition du Catalogue de la fonte hiéroglyphique de l'imprimerie de l'Institut Français d'Archéologie Orientale (IFAO.) Ce chercheur qui fait autorité sur la question, reconnaît que l'égyptien ancien n'est pas apparenté aux langues sémitiques. Une telle conclusion, ne permit toutefois pas, de clore le débat qui est resté dans l'impasse. Puisque la polémique continue de faire rage. Nous reconnaissons aussi, avoir été troublé par l’activisme intellectuel des tenants de la thèse de Cheikh Anta Diop. A savoir si leur démarche ne ressemblait pas à ce que F. Nietzsche appelait : « une tentative de se donner, comme à posteriori, un passé dont on voudrait être issu par opposition à celui dont on est vraiment issu. » Autrement dit, serait-ce encore l’une de ces approches engagées et « victimisantes » dans le style « l’Afrique merveilleuse, mère de l’Égypte noire, ancêtre de toutes les civilisations, mais dont l'héritage aurait été volé par les Blancs… » Bref, le genre de mythologie thérapeutique dont usent certains pour se hausser, se donner une plus grande fierté de soi-même. Aussi nous sommes-nous demandé, si dans l’élaboration de la thèse de Cheikh Anta Diop, les règles les plus élémentaires de la rigueur méthodologique avaient réellement été respectées. Le sujet aiguisait notre curiosité et n’en suscitait pas moins quelques réserves, après que Cheikh Anta Diop nous avait fait parvenir personnellement son ouvrage « Civilisations ou barbarie. »
L’Afrique, berceau de l’humanité, comme nous l’avons exposé, est une réalité paléontologique et anthropologique indéniable. Mais de là à en faire un dogme universel et fourre-tout, il y a des limites qu’il faut se garder de franchir trop vite. Selon Cheikh Anta Diop les Egyptiens se qualifiaient eux-mêmes de Khem (Noirs) et appelaient leur pays « Khémit. » En fait à ce stade de notre réflexion, nous n’avions aucune preuve attestant que ces qualificatifs furent adoptés à cause du limon noir du Nil ou à cause de la population égyptienne qui était noire. Un doute davantage légitimé par certains documents (établis par des préhistoriens), qui attestent de l’existence, dans la région du Nil, d’une population se rattachant au groupe chamitique proche des Berbères, des Somalis et des Gallas. Ces écrits évoquent aussi l’arrivée en Égypte d’étrangers d’origine sémitique qui se seraient mêlés à cette population, vague d’immigration venue (via la mer Rouge) de la péninsule arabique, selon certaines hypothèses ou encore de la Syrie via le désert palestino-sinaïtique, selon d’autres. La fusion de ces deux groupes ethniques, selon les tenants de cette thèse, serait à l’origine de la formation du peuple égyptien. En revanche nous savons avec certitude que l’Égypte antique fut envahie par les Hyksos, peuplade « barbare » d’origine sémitique ou asiatique surgie du Proche et Moyen Orient ou d’ailleurs. Ces Hyksos réussirent à atteindre la vallée du Nil par l'Isthme de Suez. Ils jouissaient d'une grande supériorité technique et militaire grâce à leurs armes de bronze et se servaient bien avant les Egyptiens, de chars de combat attelés. Egalement en 525 avant notre ère, les Perses conquièrent l’Egypte avec Cambyse, puis avec Artaxerxés (343 avant notre ère.) Alexandre de Macédoine quant à lui, y fera une entrée triomphale en 332 avant notre ère, chassant les Perses avant d’y être couronné. À la mort du conquérant grec, l’un de ses généraux, Lagos, gouvernera l'Égypte. Ptolémée, fils bâtard de Philippe de Macédoine, y fonda la dynastie du même nom, établissant sa capitale à Alexandrie. Enfin déjà dix neuf siècles avant notre ère, était érigée par Sésostris III, une stèle qui portait cette inscription :
Frontière sud, stèle élevée en l'an VIII, sous le règne de Sésostris III, roi de Haute et de Basse-Egypte, qui vit depuis toujours et pour l'éternité. La traversée de cette frontière par terre ou par eau, en barque ou avec des troupeaux est interdite à tout noir, à la seule exception de ceux qui désirent la franchir pour vendre ou acheter dans quelque comptoir. Ces derniers seront traités de façon hospitalière, mais il est à jamais interdit à tout noir, dans tous les cas, de descendre le fleuve en barque au-delà de Heh.
Le mythe d'Osiris
Le mythe d'Osiris est au cœur de la religion pharaonique. Ce récit forgé dans les temps les plus anciens nous a été rapporté par un écrivain grec, Plutarque.
Il raconte que le pharaon Osiris avait enseigné aux Égyptiens l'agriculture, le droit et l'architecture. Jaloux, son frère Seth l'avait enfermé dans un sarcophage et jeté dans le Nil. Isis, épouse - et sœur - d'Osiris, retrouve le sarcophage et le cache dans les marais.
Mais Seth découpe le cadavre de sa victime en 14 morceaux pour éviter qu'elle ne ressuscite. Isis, sans se décourager, retrouve les morceaux et les entoure de bandelettes avec l'aide du dieu-chacal Anubis.
Rendu à la vie, Osiris gagne le monde des morts dont il devient dès lors le roi, cependant que son fils Horus chasse Seth du pouvoir et ceint la double couronne d'Égypte.
Depuis lors, les morts, au terme d'un long voyage et sous réserve qu'ils ont été momifiés, passent devant le tribunal d'Osiris et ce dernier accorde la vie éternelle aux plus méritants.
Alors que faut-il penser de tout ceci ? La question pour nous, était donc de savoir si les habitants de ce pays étaient réellement d’origine négro-africaine, voire tous des Noirs au moment où ils édifièrent leur prestigieuse civilisation. Et si dans la civilisation égyptienne Cheikh Anta Diop n’a pas volontairement ignoré les apports de peuples non africains ? Nous avons par la suite, examiné bien des archives concernant l’histoire de ce pays et consulté nombre de textes rédigés par les historiens et philosophes les plus crédibles de l'Antiquité, tels qu’Aristote, Hérodote, le géographe greco-romain Strabon (Voyage en Egypte) et Diodore de Sicile. L’un des plus célèbres voyageurs et sans doute ancêtre des historiens, Hérodote ce Grec d’Halicarnasse, en Asie mineure visita l’Égypte vers 450 avant notre ère et lui consacra un ouvrage entier. Grâce à cet érudit, nous connaissons bon nombre de traits concernant la vie et les mœurs des Égyptiens. Il rapporte notamment ceci : « On dit que les Colchidiens sont des Égyptiens. Je le crois bien volontiers, pour deux motifs. Le premier c'est qu'ils sont noirs et qu’ ils ont les cheveux crépus. Le second et le principal, c'est que les Colchidiens, les Égyptiens et les Ethiopiens sont les seuls hommes qui se fassent circoncire de temps immémorial, les Juifs et les Syriens l'ayant appris d'eux.» Diodore de Sicile d’ajouter : « Les Éthiopiens disent que les Égyptiens sont l’une de leurs colonies qui fut menée en Égypte par Osiris. Ils prétendent même, que ce pays n'était au commencement du monde qu'une mer, mais que le Nil, entraînant dans ses crues beaucoup de limon d'Éthiopie, l'avait enfin comblé et en avait fait une partie du continent. Ils ajoutent que les Égyptiens tiennent d'eux, comme de leurs auteurs et de leurs ancêtres, la plus grande partie de leurs lois ; c'est d'eux qu'ils ont appris à honorer les rois comme des dieux et à ensevelir leurs morts avec tant de pompe; la sculpture et l'écriture ont pris naissance chez les Éthiopiens (Histoire universelle, Livre 3.) Quant à Aristote, on ignore si le ton était volontairement méprisant, mais il notait que : « Ceux qui sont excessivement noirs sont couards, ceci s’applique aux Égyptiens et aux Éthiopiens. » Et pour conclure avec Maspero, sans doute poussé par une démarche identique à la nôtre, qui résuma l'opinion de tous les écrivains de l'antiquité sur la « race égyptienne » en ces termes : « Au témoignage presque unanime des historiens anciens, ils appartiennent à une race africaine, entendez : nègre, qui d'abord établie en Éthiopie, sur le Nil moyen, serait descendue graduellement vers la mer en suivant le cours du fleuve. » Voilà quelques-uns des témoignages les plus dignes de foi. Pour autant, nous n’avons pas voulu écarter à priori, l’approche différente de certains Egyptologues occidentaux, sans l’avoir sérieusement examinée. Quelquefois avec méfiance certes car, si de nombreux chercheurs sur la question sont de bonne foi, l’on peut regretter que de nos jours, de curieuses interprétations voire grossières de l’histoire égyptienne aient encore libre cours. Par exemple dans son dossier « spécial Egypte 1997 », le Nouvel Observateur citant Constantin-François Chasseboeuf, comte de Volney (1757-1820), l’un des pères de l'égyptologie moderne, a volontairement déformé ses propos en rapportant ceci : « Quel sujet de méditation, énonce l’article, de voir la barbarie et l'ignorance actuelle des coptes, issus de l'alliance du génie profond des Égyptiens et de l'esprit brillant des Grecs, de penser que cette race aujourd'hui l'objet de nos mépris est celle-là même à qui nous devons nos arts, nos sciences… » Alors que dans le texte original, le savant français - en pleine période de la traite et de l’esclavage, entre 1783 et 1785 -, lors d’un séjour en Egypte parlait bien de Noirs en ces termes : « Tous ont le visage bouffi, l’œil gonflé, le nez écrasé, la lèvre grosse ; en un mot, un vrai visage de mulâtre. J'étais tenté de l'attribuer au climat, lorsque, ayant été visiter le Sphinx, son aspect me donna le mot de l'énigme. En voyant cette tête caractérisée de nègre dans tous ses traits, je me rappelais ce passage remarquable d'Hérodote, où il dit “ Pour moi j'estime que les Colchidiens sont des Égyptiens, parce que comme eux, ils ont la peau noire et les cheveux crépus : c'est-à-dire que les anciens Égyptiens étaient de vrais Nègres de l'espèce de tous les naturels d'Afrique. » Quel sujet de méditation, de voir la barbarie et l'ignorance actuelles des Coptes issus de l'alliance du génie profond des Égyptiens et de l'esprit brillant des Grecs, de penser que cette race d'hommes noirs, aujourd'hui notre esclave et l'objet de nos mépris, est celle-là même à qui nous devons, nos arts, nos sciences, et jusqu'à l'usage de la parole...» En fait, tous ces témoignages contredisent une hypothétique « race » blanche ou sémite, qui aurait importé d'Asie la civilisation de l’Egypte pharaonique au début de la période historique. Force est donc de reconnaître que la thèse de Cheikh Anta Diop n’est nullement une construction hasardeuse ou basée sur des conjectures. L’on pourrait alors se demander, pourquoi ignorant volontairement ou non tous ces témoignages, de nombreux chercheurs continuent d’affirmer que : un peuple étranger à l’Afrique de souche chamito-sémitique - excluant donc toute « piste négroïde » -, vint par l'Est du delta ou par l'ouadi Hammamat s'installer en Égypte. Il parlait probablement l'ancêtre de l'égyptien historique, encore très proche du sémitique; il s'implanta peu à peu sur toute l'étendue du pays et s'amalgama avec les autochtones. Le fond de la population égyptienne historique parait dater de cette époque, en dépit des mélanges assez limité qui durent résulter d'invasions asiatiques, libyennes ou soudanaises.
Seulement voilà, nous ne trouvons aucune trace d’immigration étrangère au continent africain et antérieur au peuplement du Sahara. Et la loi de Gloger s’appliquant aussi à l’espèce humaine, postule comme nous l’avons vu, que les organismes des animaux à sang chaud qui se développent dans un climat chaud et humide ont systématiquement une pigmentation noire (mélanine), le peuplement du Sahara et ensuite de la Nubie puis, de la vallée du Nil dans le sens de la région des grands lacs berceau de l’Homo sapiens, ne pouvait être que négroïde. Ce que corroborent aussi bien des paléontologues pour qui, les hordes d’Homo sapiens, venant de l'Est, se seraient avancées jusqu'au Sahara. Car des milliers d’années durant, cette étendue aujourd’hui désertique était une zone fertile, verte, humide, couverte de savanes et peuplée d'animaux de toutes les espèces connues d'Afrique, avec une riche faune aquatique. Des hommes primitifs africains y ont amené des harpons en os, des meules, des broyeurs en pierre polie et de la poterie. Des outils, des armes en os et des céramiques identiques ont aussi été découverts au Kenya. Vieux de quelque six mille cinq cents ans avant notre ère, ils constituent une preuve que ce sont bien les mêmes populations négro-africaines du néolithique à la recherche de points d'eau permanents, qui les ont par la suite introduits en Egypte. Ces populations occupaient d’abord la région saharienne avant l'abaissement de la nappe phréatique et la détérioration subséquente du milieu. Ce phénomène, survenu il y a environ 7.000 ans avant notre ère, fut la cause de la désertification de cette partie de l’Afrique. Par la suite ces paysans sans cesse à la recherche de points d'eau permanents et de terrains plus propices, sont tout naturellement allés s’établir dans la vallée du Nil ; beaucoup y seraient restés pour bâtir la civilisation égyptienne. Car étalé sur une période de plusieurs siècles, le peuplement de la vallée du Nil ne pouvait logiquement être avant tout, que le fait de tribus africaines, venues par vagues successives, du Sahara et par la suite des autres régions du continent (vraisemblablement la Nubie et l’Ethiopie entre autres.) Puis peu à peu, une organisation sociale très structurée prit forme dans la vallée du Nil. De véritables communautés familiales remplacèrent les petits groupes de nomades dispersés et l'agriculture fixa les peuples à la terre. Tandis que d’autres émigrants venus du Sahara, allaient quant à eux, s’installer au cœur du continent noir pour y mettre les terres en valeur et développer l’élevage. Pour cela ils n’hésitèrent pas à bousculer puis repousser les Négrilles et les Batwas ( ancêtres des Pygmées) dans les zones forestières. Le reliquat, sous le coup de diverses invasions, ira se réfugier dans les régions occidentales du continent. Quant aux peuplades demeurées en Egypte, elles auront eu pendant des siècles à faire face à de nombreuses tentatives d'invasion. C’est ainsi qu’au fil du temps, la population égyptienne se grossira par l'arrivée de beaucoup de peuples dans la vallée du Nil. Il s’agit de groupes isolés ou de forces d'invasions organisées. Au début les Pharaons ne mettaient pas à mort les envahisseurs vaincus. Ils les enrôlaient dans leurs armées, pour faire face à leurs puissants voisins hittite et mitannien. Ensuite, les empires hittite et égyptien qui n’étaient pas des puissances maritimes, recrutèrent aussi des navigateurs expérimentés pour leur commerce. Ils furent ainsi, indirectement à l'origine de la formation de ceux que l’on qualifiait de peuples de la mer qui opéraient en Méditerranée orientale et en mer Egée, au cours de la seconde moitié du XIIIème siècle avant notre ère.
Ces coalitions de navigateurs indo-européens - pillards côtiers, nomades venus des steppes ou encore, des Achéens qui battirent Mycènes avec le pillage militaire et culturel de la Crète -, étaient les premiers mercenaires de la mer. Ils comptaient dans leurs rangs des Lyciens, des Shardanes, des Etrustes, nouaient des alliances lucratives, pillant des ports comme celui d’Ugarit et finirent par prendre pied en Egypte. Ce sera l'une des plus importantes invasions que connaîtra ce pays. Ces peuples de la mer avaient également envahi la Libye, après avoir probablement détruit la civilisation égéenne. Toutes ces invasions et flux migratoires qu’elles entraînèrent par la suite, expliquent que, vers 950 avant notre ère, le pharaon qui s’empara du pouvoir, Sheshonq, n’était pas égyptien mais un Libyen d'origine berbère. A partir de cette époque et pendant près de deux cent ans, les Libyens gouvernèrent l’Egypte sous les XXIIème et XXIIIème dynasties. Quant à l’évolution ethnique de ce pays, si vers la fin du Nouvel empire sa population était estimée entre sept et neuf millions d'habitants, de nos jours elle en compte plus de soixante-quinze millions ; on peut comprendre la quasi-disparition des Noirs, dilués qu’ils furent dans la masse des immigrants. Un phénomène identique s’est produit en Afrique du Nord. Des origines de l’humanité à une période relativement récente, cette région n’était peuplée que par divers groupes négro-africains « autochtones » ( chasseurs, pasteurs, pêcheurs.) Les proto-bèrbères n'y ont fait leur apparition que vers 2000 ans avant notre ère. Pourtant de nos jours, l’élément blanc africain domine largement les rares populations noires encore présentes. Aussi, pour l’Egypte située dans la même région du continent, quelles que furent les origines ethniques premières de sa civilisation, celle-ci avait d’abord la faiblesse d'être immédiatement à la portée d'envahisseurs venus de la mer. La prospérité d’une civilisation aussi achevée, suscitait forcément des convoitises. Ainsi, les multiples invasions Hyksos, peuples de la mer, assyrienne, perse, grecque, romaine, arabe, turque etc. feront que l'élément africain blanc apparenté aux Moyen-orientaux ou autres peuples indo-européens, finira par être prédominant. Par la suite, les Egyptiens comme la plupart des peuples du Nord de l’Afrique donnant sur la Méditerranée, échangèrent pendant longtemps - et probablement en priorité -, leurs connaissances et leurs expériences avec des peuples et des cultures de l’Europe et de l’Asie. Aussi, il serait difficile, sinon illusoire, de chercher à éliminer les apports sémitiques ou indo-européens de son peuplement comme de son héritage culturel. Cette civilisation eut autant de « marques » africaines que d’autres venant de peuples non originaires du continent noir. Il n’en demeure pas moins que ses origines furent négro-africaines et sa civilisation l’est restée authentiquement pendant des siècles. Le papyrus de Kahoum emploie « Les Noirs », pour désigner les anciens Egyptiens. Puisque le morceau de charbon (Khem) qui ne fait nullement référence au limon noir du Nil, est bien suivi des déterminatifs « homme et femme. » En outre, dans les premiers documents ethnographiques de l’histoire de l’humanité, les anciens égyptiens représentent les « races » telles qu’ils les connaissaient. Sur une représentation imagée, on remarque dans l’ordre 1) l’Egyptien (un Noir africain de type peul) ; 2) l’Assyrien (le prototype des asiatiques) ; 3) le Nubien (prototype des autres Noirs africains légèrement plus foncés) ; 4) le Blanc (prototype européen.) Notons que l’Egyptien représentait les personnages 1 (l’Egyptien) et 3 (le Nubien) de façon presque identique, tandis que les autres personnages 2 (l’Assyrien) et 4 (l’Européen) sont représentés de façon différente. En clair, l’Egyptien ancien se définissait noir et africain. Il insistait visiblement sur sa différence avec l’Assyrien d’une part et l’Européen d’autre part. Ce qu’illustre bien l’effigie du pharaon Narmer, premier monarque noir d’Égypte et premier souverain connu de l’Histoire : l'une de ses plus anciennes représentations connues est celle gravée sur palette de schiste, de sa tête ceinte de la double couronne, en train de frapper les envahisseurs. Ce souverain charismatique inaugura la première des trente dynasties qui, pendant plus de trois mille ans, devaient régner sur le pays. Le même Narmer réalisa l'unification de la Haute et de la Basse Égypte, vers 3.300 avant notre ère pour en faire l’une des premières grandes civilisations de l’histoire. À sa mort, il léguait à son pays une monarchie remarquablement organisée, en plus d'une langue et d'un système d'écriture élaboré. Fondateur de Memphis, il fut victorieux des Nubiens et des Libyens. Les premières fêtes religieuses se déroulèrent sous son règne, et il édifia un temple dédié à la déesse Neith.
Extraits de l’ouvrage de Tidiane N’DIAYE «L’Eclipse des Dieux » Editions Le Serpent à Plumes Paris
Source :http://www.tidiane.net/culture/egypte-histoire.htm