Responsable : Tal Tamari
Participants : Jean Boulègue, Monique Chastanet, Marie-Laure Derat, Arnaud Kruczynski, Hervé Pennec, Bernard Salvaing, Dimitri Toubkis
Présentation
Les membres suivants du laboratoire ont porté une attention particulière à la collecte et à la critique des sources, tant écrites qu’orales, au cours de ces dernières années. Leurs travaux concernent tant l’Afrique occidentale (Mali, Mauritanie, Sénégal, Guinée) que l’Ethiopie.
Depuis une vingtaine d’années, Bernard Salvaing a fait de la collecte des récits de vie une priorité de sa recherche. Il a, au cours des quatre dernières années, publié l’autobiographie (accompagnée d’une étude) d’Almamy Maliki Yattara (né vers 1927 - mort en 1998), savant de langue peule originaire de la région du Guimballa au Mali : le premier tome en 2000, le second en 2003 (la nouvelle édition revue du premier tome est également parue en 2003, suite à l’épuisement du premier tirage). Il est actuellement en train d’achever la mise au propre (accompagnée d’une introduction et de notes) du récit de vie d’El Hadj Mouhamadou Baldé (né en 1924), savant peul originaire du Fuuta Jaloo (Guinée). Il est également sur le point d’achever, en collaboration avec Ousmane Albakaye Kounta, l’édition du récit de vie de Bocar Cissé (1919-2004), instituteur et écrivain malien, devenu également chercheur en sciences sociales.
Ces trois ouvrages, composés à partir de très longs entretiens réalisés durant de nombreuses années, ont l’ambition de constituer une « banque de données » sur une époque cruciale pour le Mali et la Guinée, en présentant les témoignages de trois personnalités d’exception issues de milieux assez comparables, mais ayant eu des attitudes différentes vis-à-vis de la colonisation (Almamy Maliki Yattara, lettré en arabe qui n’a pas vu de Blancs pendant la colonisation, El Hadj Mouhamadou Baldé, lettré en arabe qui a travaillé avec les Blancs comme chef, Bocar Cissé, lettré en français et instituteur qui a milité contre la colonisation). Ils ont aussi l’ambition de montrer l’importance de réaliser, à côté de l’histoire purement académique, une histoire vue de l’intérieur et fruit d’une communication interculturelle entre l’enquêteur et l’enquêté.
Bernard Salvaing réalise également, en collaboration avec Ousmane Albakaye Kounta et Sidi Idié Traoré, la collecte de récits de vie plus brefs et de témoignages auprès des instituteurs ayant commencé d’exercer au Mali avant 1960 ou de leur famille.
Enfin, il participera à partir de fin 2004, en collaboration avec Hervé Pennec et d’autres chercheurs du MALD, à la réalisation d’un recueil de souvenirs des missionnaires de l’ordre des « Pères Blancs », actuellement à la retraite à Billères (64), ayant fait l’expérience de différentes régions d’Afrique. Les textes recueillis pourront servir (avec des textes déjà publiés) à la publication d’un ouvrage sur « la vie quotidienne des missionnaires » qui s’insérera dans les publications du GRIEM (Groupe de Recherches Interdisciplinaires sur les Ecritures Missionnaires) et sera dirigé par Paul Coulon. Mais ils sont aussi destinés à constituer une banque de données qui pourrait ultérieurement être mise à la disposition des chercheurs.
Outre la collecte des discours religieux (cf. l’axe 2.1) et des récits proprement historiques (histoire locale), Tal Tamari a recueilli des œuvres de littérature orale. Elle a notamment transcrit et traduit un chant d’éloge (fasa) composé pour un jeune de Ségou, analysé sa relation à des conventions littéraires anciennes et nouvelles. Cette étude a fait l’objet d’une communication à un congrès international (« “Hady” : A Traditional Bard’s Praise Song for an Urban Teenager », Conference of the International Society for Oral Literature in Africa, University of the Gambia, Kololi, 15-17 juillet 2004). Enfin, elle a analysé l’influence de la littérature arabe écrite sur les genres littéraires oraux en milieu mandingue, dans une communication au congrès de la même société, tenu à l’Université de Savoie, Chambéry, du 10 au 12 juillet 2002 (sous presse dans les Actes du congrès : »A la confluence des traditions orale et islamique : “Soumba et Lansiné” »-, in Jean Derive et Anne-Marie Dauphin, éd., Oralité africaine et création, Paris : Karthala).
Les travaux de Jean Boulègue portent sur l’étude et l’épistémologie des sources, internes et externes, antérieures au XIXe siècle. Ces dernières années, ce thème de recherche a occupé la première place de ses activités. Il est lié à ses séminaires de maîtrise et de D.E.A.
Dans le cadre de ces séminaires ont été dirigé des travaux qui ont conduit à des thèses. Celle de Juliette André sur Francis Moore, auteur anglais d’une description des rives de la Gambie, au début du XVIIIe siècle (non traduite en français à ce jour) n’en est qu’à ses débuts. Celle de Mohamed Lémine Hamady, sur un ouvrage annalistique arabe de Mauritanie, vient d’être soutenue en octobre 2004. Elle s’inscrit dans la continuité d’une autre thèse, celle de Chouki El-Hamel, sur un autre ouvrage mauritanien, du XVIIIe siècle, le Fath ash-shakur (soutenue en 1992, édition par L’Harmattan en 2002). Chouki El-Hamel, professeur aux USA, a collaboré avec Jean Boulègue au suivi du travail de Hamady. Une autre thèse soutenue sous sa direction, celle de Mohamed Zaouit (1997) est actuellement en cours de remaniement et d’approfondissement pour aboutir à une publication en collaboration : il s’agit de deux œuvres du lettré tombouctien Ahmad Baba, le Micradj as-sucud et les Adjwiba (fin XVIe – XVIIe siècles). Enfin, la thèse de Dimitri Toubkis, qui va prochainement être soutenue, sur la cour d’Ethiopie XVIe-XVIIe s., s’accorde avec l’enseignement de son séminaire de D.E.A.
En 2001, le travail de Jean Boulègue sur une source partiellement perdue mais plagiée en son temps, la relation de voyage de La Courbe, de la Gambie à Bissau, à la fin du XVIIe siècle a été publié dans la revue History in Africa, (« Contribution des sources françaises à la connaissance de la Guinée-Bissau à la fin du XVIIe siècle »).
Parallèlement, sa réflexion s’est plus précisément portée sur des questions d’épistémologie. C’est dans ce domaine que se situe sa participation à la table-ronde CRA/MALD – Seminar für Orientkunde (Université de Mayence), Identités composées (titre de la communication : « Oralité et écriture dans les chroniques dynastiques d’Afrique de l’Ouest » en novembre 2003 ainsi que sa participation à la journée d’études de l’Ecole doctorale de Paris, organisée par Dimitri Toubkis sur le thème « La chronologie » ; (Titre de son intervention : « A la croisée de plusieurs temporalités, les chroniques ouest-africaines », publié dans la revue de l’Ecole doctorale, Hypothèses. Enfin, il a publié dans la revue Afrique et Histoire, n°2 de 2004, un article intitulé « Temps et structures chez un historien tombouctien du XVIIe siècle » (il s’agit d’as-Sacdi, auteur du Ta’rikh as-Sudan).
Monique Chastanet a poursuivi ses recherches sur les savoir-faire en milieu soninké. Dans un article paru en 2002, « Entre bonnes et mauvaises années au Sahel : climat et météorologie populaire en pays soninké (Sénégal-Mauritanie) », elle a étudié la nature et le fonctionnement des prévisions météorologiques, à partir essentiellement de sources orales. Ces prévisions concernent surtout les différents apports en eau – « bonnes » et « mauvaises » pluies d’hivernage, crue du fleuve, rosée de la saison sèche - , et s’inscrivent dans les stratégies d’adaptation des pratiques agricoles au milieu sahélien. La perception du « temps qu’il fait » étant étroitement liée à la structuration du « temps qui passe », l’étude des différents systèmes de découpage du temps a constitué un détour obligé. Elle s’est particulièrement intéressée au mode d’articulation du calendrier musulman, lunaire, et d’un ancien calendrier local, solaire, toujours en vigueur comme calendrier agricole. L’étude des savoir-faire est également une composante de ses recherches sur l’histoire de l’alimentation, des plantes et des pratiques agricoles (cf. axe IV. Espaces, patrimoines, environnement, thème « Histoire de l’alimentation en Afrique », sous-thème « Histoire de l’alimentation en Sénégambie »).
La contribution de Monique Chastanet au un projet multimédia du laboratoire concernera des chants de travail (cueillette, labour, sarclage, filage) enregistrés en pays soninké et une exposition photo sur « l’architecture de terre en pays soninké (Sénégal, Mali, Mauritanie) ». Elle projette de poursuivre ce travail sur les systèmes calendaires, en particulier sur l’ancien calendrier soninké dont il reste des traces dans le calendrier agricole, bien sûr, mais aussi dans certains termes locaux du calendrier musulman et dans certaines expressions, proverbes ou autres.
Les recherches de Marie-Laure Derat portent sur le royaume chrétien d’Ethiopie. Afin de mieux connaître le scriptorium royal au XVe siècle, elle tente de retracer l’histoire de textes élaborés à la cour puis diffusés ensuite dans le royaume grâce à la correspondance entretenue entre cette cour et les monastères, qui apparaissent ainsi comme des relais de pouvoir. Ce sont toutes les étapes de la réalisation d’une œuvre écrite qu’elle essaie d’éclairer pour mieux saisir les moyens de communication du pouvoir royal éthiopien au XVe siècle. Au-delà de ce thème, il s’agit d’apprécier avec plus d’exactitude la place d’ouvrages réalisés à la cour royale au sein des sources écrites dont nous disposons et de progresser dans l’étude de l’idéologie royale.
Marie-Laure Derat a d’abord étudié cette question à partir de documents conservés dans un évangéliaire éthiopien qui attestent d’une correspondance écrite entre des souverains des XVe et XVIe siècles ainsi que des ecclésiastiques de cour et un monastère du nord du royaume, puis a élargi ses recherches à toute la production écrite attribuée à un souverain du XVe siècle, Zar’a Ya’eqob. Ses recherches ont fait l’objet de plusieurs communications et publications : « A Royal Correspondence in the XVth and XVIth Centuries : the Documents of the Gospel of Dabra Karbe (Zana) », 14e conférence internationale des études éthiopiennes à Addis Ababa (à paraître dans les actes du colloque) ; »Les homélies du roi Zar’a Ya’eqob : communication d’un souverain éthiopien du XVe siècle », colloque organisé par l’Université de Bordeaux III autour du thème de »L’écriture publique du pouvoir dans les sociétés précontemporaines » les 14 et 15 mars 2002 (à paraître dans les actes du colloque) ; « Elaboration et diffusion du récit d’une victoire militaire : la bataille de Gomit, décembre 1445 », Oriens Christianus 86, 2003 : 87-102 ; « Do Not Search For Another King That God Has Not Given You » Journal of Early Modern History 8(3-4), 2004 ; « Censure et réécriture de l’histoire du roi Zar’a Ya’eqob : analyse des deux versions de la “chronique” d’un souverain éthiopien », in Mélanges Jean Boulègue.
Dans le cadre de sa thèse sur l’ensemble gurage d’Ethiopie, Arnaud Kruczynski a fait une importante collecte des sources orales. Il a établi une typologie distinguant différentes sortes de chansons et des récits historiques formalisés. Ces sources lui permettent de reconstituer les structures de l’histoire sociale et politique de l’Ouest Gurage du XVIIe à la fin du XIXe siècle, et de mettre en rapport ces résultats avec l’histoire « officielle » du Gurage (province impériale) émanant du pouvoir central chrétien et de l’interprétation de ses propres écrits anciens. Par ailleurs, il replace ces sources dans le contexte ethnographique des sociétés du Sud Ouest éthiopien, qui produisent des documents oraux aux contenus et aux formes comparables. Il porte une attention particulière aux transformations de l’oralité au cours du vingtième siècle, caractérisé par l’apparition de nouveaux types de chansons et la disparition d’une partie du patrimoine concernant les périodes anciennes.
Outre sa thèse, Arnaud Kruczynski prépare une anthologie de documents recueillis auprès du groupe ïnor (publication prévue chez Brill, dans le cadre de la collection « African sources for African history »). Il a déjà publié une analyse d’une partie de ces sources (article dans la revue Hypothèses, paru en 2003).
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