Causes de la dispersion du Ouagadou :
La cause principale est l’affaiblissement de cet empire provoqué par les longues guerres entreprises par Kaya Maghan. Il y a aussi les sécheresses légendaires (jabaw) qui semèrent la catastrophe. Le pays se désertifia dangereusement. D’autre part, des envahisseurs venus du nord (Maroc) imposèrent au pays des Noirs, la jihad (guerre sainte). Les Almoravides massacrèrent tous ceux qui refusèrent d’embrasser la religion d’Allah. Enfin ce qui pouvait arriver de pire se produisit. Soumaoro avec ses hordes sanguinaires ravagea tout sur son passage. Ces coups durs furent fatals à l’empire qui s’écroula. Selon l’historien Mahmoud Kâti : « C’est quand Dieu anéantit la puissance des Kaya Maghan et donna au plus vil des hommes du peuple, l’autorité sur les grands personnages que le Ouagadou cessa d’exister ». Le Tombouctien attribue exclusivement à Soumaoro la chute de l’empire du Ghana.
Pour ce musulman, le roi de Sosso était le plus vil des hommes. (Sosso Simbo n’aimait pas les adeptes de Mahomet et ceux-ci le lui rendaient bien). Wâ Kamissoko de son côté déclare la même chose : « C’est la guerre de Soumaoro qui a cassé le Ouagadou en perturbant le commerce entre l’est et l’ouest, en séparant la main du nord de celle du sud. Sosso Bali Soumaoro dispersa les Marka comme le firent les grandes sécheresses d’antan. Sa disparition rendit plus arrogants, pillards et plus esclavagistes que jamais les Maures qui n’épargnaient plus rien ». Un à un, les royaumes vassaux et les provinces s’affranchirent de la domination des Soninké : Diara, Sosso, Méma, Mandé, les villes du bassin du Niger et du Sénégal. Petit à petit, l’empire se désagrégea pour se réduire à la province originelle autour de Goumbou.
Les chefs Doucouré de cette localité ne vécurent plus que du souvenir de leur glorieux passé. Ils aimaient à évoquer le souvenir des Kaya Maghan dont ils tiraient une grande fierté. En vérité, le pays des chasseurs kakolo et de Maghan Diabé Cisse avait cessé d’exister. Ses habitants, Kakolo, Foula et Soninké se dispersèrent. Après les Kakolo qui envahirent le Mandé, le Kaarta et la Gambie, les Peuls occupèrent le Khasso, le Brigo, le Fouladougou, le Ouassoulou, le Fouta- sénégalais (Toron) et le Fouta-Djalon en Guinée.
Les migrations orientales :
Les Soninké, maîtres du pays choisirent à leur tour l’exode. Une première vague prit la direction de l’est, Burkina Faso et frontière de ce pays avec le Mali. Cette population est actuellement connue sous le nom Maraka ou Dafing parce que leur femmes avaient les lèvres tatouées (noires). Leurs noms claniques sont ceux des Soninké et Kakolo : Cissé, Touré, Sacko, Dramé, Sanogo, Fofana. Ils habitent au Mali, les cercles de San, Tominian, Bankass, Yorosso.
Les migrations des Wagué :
Les Wagué formaient les familles royales du Ouagadou. Ils étaient classés par ordre d’âge. Tous étaient les descendants de Mama Dinga. Ils gouvernèrent l’empire, de son début à sa disparition. Il y a d’abord les Sokhona, branche aînée, qui n’ont pu régner que par quelques empereurs comme Djambéré Sokhona, leur aïeul Térékhiné Sokhona ayant abandonné la troupe commandée par Diabé Cissé et Garabara Diané ou Diadiané. Après, on peut citer les Bérété puis les Diané : viennent enfin les Khouma, Touré et Cissé (les benjamins). Wagué signifie généreux. C’est quelqu’un qui aide sans demander de rémunération. C’est l’homme, par excellence, l’aristocrate qui sait faire preuve de retenue. Les Wagué n’ont pas accumulé de fortunes pour eux-mêmes. Ces enfants d’empereurs parvinrent au Mandé. Messagers de l’islam, ils introduisirent dans leur nouveau pays cette nouvelle religion. Le premier centre islamisé fut Manfara où fut construite la première mosquée.
Son premier imam fut Lanfiya Sanogo, un Soninké. Ce groupe était accompagné par les Sylla. A côté de ses propagateurs de la religion d’Allah, d’autres Wagué ont fui leur patrie pour échapper à la conversion forcée imposée par les Almoravides, fanatiques musulmans. Ils se sont fixés entre Nara et Niamina et ont continué à pratiquer le culte de Bida, serpent sacré. Le bélier blanc, puis le coq blanc remplaceront la jeune fille vierge. Les Cissé se sont installés à Banankalon, les Khouma à Moribougou, les Touré à Djimadi. Certains Cissé s’implantèrent à Kita (Moribougou) en cohabitation avec les Camara conduits par Samé Toloba fondateur de cette ville primitivement appelée Kégnéninfing. Certains Touré (ce nom veut dire éléphant en soninké) fuyant la religion musulmane s’en allèrent dans trois directions différentes.
A l’est, ils se fixèrent dans le delta central nigérien et la région de Djenné pour se répandre ensuite dans la boucle du Niger. Ces Touré deviendront des Sonraïs et des Peuls. Le deuxième groupe descendit vers Bamako et atteignit la zone de Djitoumou (Bougouni). Là, ils devinrent Samaké (éléphant mâle en bamanakan). Ils furent comme Diatouroubiné et Djaba, hyènes sacrées de leur aïeul Mama Dinga les plus grands maîtres de la géomancie ouest africaine (tourabou). Nous nous référons là à cette célébrité qu’était Djitoumou Balla dont le patronyme était Samaké.
La troisième vague des Touré prolongea son chemin jusqu’en pays minianka où on les appellera Sogoba (gros gibier ou éléphant). Dans cette zone, ils cohabitent avec, leurs frères Sanogo, Bérété. Ces derniers (Berthé pour les Sénoufo et Minianka) sont originaires des régions sahéliennes (ex- Ouagadou). Enfants métis de Dinga, on les rencontre, dans plusieurs villages : Khoronga, Alasso, Guénéïbé, Moussaoueli , Akor, Digna, Djankounté, Kassakharé, Djongoye. Ils ont plusieurs traits caractéristiques des Blancs : peau claires, nez effilé. Pour les Sarakholés, ce sont les Guirga ; les Maures eux, les nomment El Macina. Leur dialecte, c’est l’azer, le soninké avec un accent particulier.
La migrations conduites par Mah Djéné Cissé et ses cavaliers :
Partis du Diafounou, d’autres émigrants soninké débarquèrent dans la région de Conakry en longeant la mer (côté atlantique). Ils constituaient les clans suivants : Sylla, Konté , Doucouré, Magassouba, Diané, Dramé, Camara, Cissé, Touré, Fofana, Diarisso, … Ils étaient conduits par une femme soninké très riche répondant au nom de Mah Djéné Cissé. Cet événement eut lieu après l’installation des Maninka au Mandé et avant la fondation de l’empire du Mali par Soundjata. A la tête de ses cavaliers et de ses esclaves, cette femme quitta le Ouagadou et vint s’établir dans le pays soussou . Cette région prit le nom de sa conquérante, Mah Djéné. Ce nom déformé deviendra Mah Djiné puis, la Guinée, à l’arrivée des Français. Beaucoup de Marka arrivèrent ainsi dans cette zone pour y chercher fortune. Ils suivaient l’itinéraire de cette pionnière. Ce chemin les conduisait dans les mines d’or et de diamants du sud.
Avant de clore ce chapitre, il est important de mettre l’accent sur les relations peut être parentales existant entre les Soninké et les Songhaï. Est-ce un hasard si les premiers nommés sont appelés Soninké ou Sonanké et les seconds Sonantié ? En effet, Dinga, ancêtre présumé des Sarakholés aurait, du Yémen séjourné en Egypte où il fut lieutenant d’un pharaon. Au cours de son long périple, il vécut en Ethiopie, au Soudan, à Kanta (Nord du Nigeria) et au Dendi (nord du Bénin). Dinga était le plus grand prêtre de l’aigle et Sonny Ali Ber, le Dâli ou très haut, le plus grand maître de la magie Songhoï. Il est certain que les aïeux de deux communautés ont vécu ensemble et partagé leur tradition ancestrale d’animisme. Du Ouagadou au Mandé, il y eut trois grandes familles en matière de sorcellerie.
Ces grands maîtres de la chasse et de la sorcellerie étaient d’abord les Danisouba (grands maîtres de la chasse, sorciers impénitents) regroupant les Dembélé, les Traoré, les Diop ……). Il y avait ensuite les Diarrassouba (lions- sorciers) comprenant les Diarra, Koné, Condé, Konté….). Enfin, viennent les Magassouba (sorciers royaux ; Maghan ou Maga = roi ; souba = sorcier). Les Magassouba étaient des Soninké de la famille impériale (Magassouba, Doucouré auxquels les griots mandingues ajoutent les Maïga). En tout cas, une partie importante du peule songhoï est d’origine soninké (Touré, Cissé, Kouma).
Des Soninké jusqu’en Gold Coast (Ghana):
Les traditions du Mandé rapportent que des populations du Ouagadou arrivèrent à la suite d’une longue migration jusqu’en Gold Coast (Ghana). En effet, disent elles, ce sont des migrants sarakholés qui nettoyèrent sur la côte un emplacement pour y bâtir la première case d’une ville : a kara (sa maison en soninké). Ce lieu, c’est bien Accra, capitale de la République du Ghana. L’exemple le plus connu est celui de Nan Koman Djan, celui que nos griots nomment Kon Koman ni Waraban Koman (Koman de Kong et Waraban).
Cet homme, parti du Mandé, après l’exode des habitants du Ouagadou, aurait fondé Koumassi (ou plus exactement Komanchi (la lignée de Koman, le village où réside la descendance de Koman). Il était accompagné de ses deux frères Dibi et Seyan. Pour ne pas être coupés de leurs racines, ces populations établirent de nombreux et réguliers contacts avec leur terre d’origine. Elles envoyaient des délégations aux fêtes religieuses de leur ancienne patrie. Leurs représentants assistaient aux funérailles et à l’intronisation des rois du Mandé. L’Achantihéné (le roi achanti) déléguait des gens aux fêtes septennales de Kaaba (kangaba).
Le peuple akan ne se trompait pas quand il entretenait ces relations avec celui du Mandé. C’était à un moment où l’animisme, religion ancestrale des Marka et des Maninka n’avait pas encore laissé de place pour le triomphe de l’islam. Après la chute de l’empire de Diabé Cissé, un pays riche en or s’éteignit. Un autre Eldorado prit sa relève : la Gold Coast. A cause de tout cela et en souvenir de leur origine commune qu’ils situaient au Ouagadou, les dirigeants de l’Ex- colonie britannique, avec à leur tête Kwamé N’Krumah choisirent pour leur pays ce nom combien évocateur : Ghana, au lendemain de son accession à la souveraineté nationale.
Les migrations occidentales et la fondation du Galam:
Cette région est située sur les rives du fleuve Sénégal, à l’embouchure de la Falémé (le petit fleuve en soninké). Chassés par les guerres intestines du Ouagadou, plusieurs familles sarakollés se dispersèrent. Un homme nommé Alikassa Sempré vint fonder Galambou au confluent du Sénégal et de la Falémé. Des chefs qui l’accompagnaient fondèrent à leur tour les villes de Yaressi et Sylla, sur la rive droite du Sénégal. Un jour, dit la légende, « Alikassa se lava dans le Bathily, petit affluent de la Falémé.
Or, les eaux de cette rivière étaient considérées comme sacrées par les habitants du pays. N’ayant subi aucun dommage de son imprudence, la population le prit pour un sorcier et il fut élu roi. Très heureux de cette aubaine, Alikassa prit en souvenir de ce bain le nom Bathily. Il conquit les clans voisins : Sylla et Yaressi. Alikassa fut le fondateur du Galam ou Gadiaga ou encore Kounguel. Ce royaume regroupait les provinces du Goyes, du Kaméra, du Guidimakan, et du Djomboko. Après quelque années d’indépendance, le Galam fut presque toujours vassal de ses puissants voisins. Il passa successivement sous la souveraineté du Tékrour du Ouagadou, du Kaniaga ou Posso et du Mandé. A la mort d’Alikassa, les quatre provinces du Goye, du Kaméra, du Guidimakan et du Djomboko devinrent autonomes.