La police a révélé, lundi 12 janvier, que 29 799 étrangers en situation irrégulière avaient été reconduits à la frontière en 2008 contre 23 200 en 2007. L'objectif initial était de 26 000 expulsions, mais le ministre de l'immigration, Brice Hortefeux, avait indiqué fin octobre que pour les neuf premiers mois de l'année, "le nombre d'éloignements était supérieur au total des éloignements de toute l'année 2007". Il avait souligné que, sur ce chiffre 2008, "un gros tiers" était des départs volontaires.
Pressenti pour succéder à Xavier Bertrand au ministère du travail, Brice Hortefeux doit présenter mardi le bilan annuel de son travail à la tête du ministère de l'immigration et de l'identité nationale. "C'est un bilan positif dont le ministre n'a pas à rougir", indique-t-on dans l'entourage du ministre. Présenté comme le baromètre de son activité, le nombre de reconduite à la frontière prête toujours à polémique.
Le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) a dénoncé lundi les "aspects les plus ségrégatifs" de la politique du ministère de l'immigration, établissant un lien de cause à effet entre la hausse des reconduites à la frontière et la hausse des "contrôles au faciès". "Les conséquences dramatiques (de cette politique) mènent parfois certaines personnes à se jeter dans l'eau, comme le jeune Baba Traoré qui a trouvé la mort en fuyant la police", a déclaré Patrick Lozès, président du CRAN, en référence à un étudiant malien mort noyé dans la Marne en avril alors qu'il était sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière.
"DOGMATIQUE ET BRUTAL"
Pour Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile, la politique mise en œuvre par Brice Hortefeux "confine à l'absurde et à l'inefficacité". Une opinion partagée par Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade, association d'aide aux demandeurs d'asile, qui dénonce le caractère "dogmatique et brutal" des moyens mis en œuvre. Pour le syndicat UNSA, majoritaire au sein de la police, "la politique du chiffre mène à des dérapages" inévitables. "Les personnes des minorités visibles sont effectivement deux fois plus contrôlées que les autres et elles le ressentent douloureusement", a renchéri Michel Guerlavais, secrétaire national de l'UNSA chargé des questions de droits de l'homme.
Au ministère, on se félicite par ailleurs de la signature avec les Vingt-Sept du Pacte européen de l'immigration comme d'une "grande victoire" de la présidence française de l'Union. "Avec ce pacte, l'Europe ne sera ni une forteresse ni une passoire. Nous organisons l'immigration légale et désorganisons l'immigration illégale", s'était félicité Brice Hortefeux au moment de la signature de l'accord, qui n'est pas contraignant. "Ce pacte est un bel emballage mais le contenu est vide. Il n'y a rien de nouveau si ce n'est un renforcement des mesures sécuritaires", regrette Laurent Giovannoni, de la Cimade.
Enfin, le ministère met en avant le fait d'avoir signé des accords bilatéraux avec huit pays d'Afrique en 2008 : le Gabon, le Bénin, le Sénégal, la Tunisie, l'île Maurice, le Cap-Vert, le Burkina Faso et le Congo-Brazzaville. "Le ministre s'est rendu vingt fois en Afrique et a recréé une relation avec les pays sources d'immigration", dit-on dans l'entourage de Brice Hortefeux. "Ce que je retiens, c'est le refus du principal pays, le Mali. Cela traduit l'échec d'un processus beaucoup trop bilatéral et beaucoup trop au profit de la France et de l'Europe", conclut Laurent Giovannoni.
Source : lemonde