Le Bundu a tout d’un patelin oublié. Quand la nuit tombe, les 132.517 habitants de ses 355 villages n’arrivent plus à distinguer quoi que ce soit dans l’obscurité totale qui envahit cette contrée. L’insécurité qui en découle favorise le vol de bétail. Avec cet hivernage, les populations sont confrontées à d’énormes problèmes, car coupées du reste du monde à cause des eaux de pluies qui envahissent les marigots ou autres rivières qui relient les villages. Plus d’entrée, plus de sortie. Le niveau de la pauvreté y est très élevé. Même si des populations s’adonnent à des activités économiques telles que la pêche ou l’agriculture, les conditions de vie restent souvent précaires. Le paludisme et l’absence de soins font des victimes dans plusieurs localités de cette partie enclavée. Notre correspondant a sillonné plus d’une centaine de villages (Noumouyel, Goumbayel, Goutta, Dianké Makha, Bokholako, Bouttoukou Fra, Gallo, Kayan, Sunkunkun, Diyabougou, Soréto, Laminiya…. Dougué etc…) accompagné de Cheikhou Savané, Mamadou Keita, Mamadou Dabo, Demba Kébé, El hadji Mamadou Tounkara, Kindy Sidibé, Mamadou Diallo et le chauffeur du véhicule Demba Sy.
Par Assane Diallo, Tambacounda.info
Bundu Coumba, province historique fondée vers la fin du XVII siècle par Malick Sy du clan des Syssibés, tire son nom du puit du même nom dérivant d’une légende autour de cette source d’eau, empreinte de solidarité et d’accueil. Entre Bundu Coumba qui descendait jusqu’à l’eau pour puiser et le marabout qui lie le récipient à une corde, la légende enjolive et s’embellit pour laisser la place à l’histoire, restée vivace entre les Foutankés et les autochtones. Le liant reste le Yéla, chant célèbre qui veut dire « vœux exaucés », dédié aux braves, aux riches et aux nobles, nous révèle Samba Coumba Bâ, le président des communicateurs traditionnels.
À présent, cette contrée qui regroupe les arrondissements de Bala, de Goudiry, de Kidira et de Kéniéba et leurs dix communautés rurales, est au centre d’un important flux migratoire depuis l’aube des temps et reste confrontée au manque d’infrastructures de base pour l’épanouissement des populations. Malgré ses atouts non négligeables avec son espace ethnolinguistique composé de Peulhs, de Sarakolés, de Mandingues et Diakhankés. Son cadre physique offre de réelles potentialités avec une pluviométrie de 600 à 300 mm, un réseau hydrographique comprenant la Falémé, ses affluents et les différents affluents de la Gambie que sont le Sandougou et le Niériko. Plus de 2’500 familles émigrées ont laissé leurs parents qui s’activent dans l’agriculture, l’activité principale, avec ses réserves de terres cultivables très importantes, l’élevage, un atout de taille avec l’un des cheptels et des pâturages les plus importants du Sénégal. Le tourisme offre un secteur d’avenir avec ses réserves fauniques à côté des sites historiques comme Sénédébou. Au Bundu, on relève un apport financier important des migrants originaires de ce terroir résidant en Europe et en Afrique centrale, qui est particularisé par l’implantation de petites infrastructures comme les dispensaires, les bureaux de poste, les mosquées, révèle Djimo Souaré. Cette volonté d’investir est freinée par l’enclavement et l’absence d’infrastructures nécessaires à la viabilisation des projets de développement.
Le Bundu, abandonné à lui-même, a soif et souffre
Le Bundu historique risque d’être rayé des cartes si rien n’est fait d’ici quelques temps pour étancher sa soif. Des départs massifs et une pauvreté plurielle secouent une constellation de villages partout dans cette zone dont le Bundu fut la capitale.
Beaucoup de contrées qui dépendaient de lui à l’époque souffrent actuellement comme lui. Des maux qui diffèrent d’un village à un autre. Mais de nos jours, du fait de plusieurs paramètres dont le plus spécifique est le manque d’infrastructures routières, d’eau (parce que les forages sont en panne), le Bundu, qui traîne loin derrière, paraît abandonné et risque d’être rayé des cartes. Son manque d’infrastructures, son absence d’eau sont des conséquences qui bloquent son essor.
Situé dans le département de Bakel, et entité de l’arrondissement de Kidira, Bala, Goudiry et Kéniéba, le Bundu, qui fut un carrefour économique et un centre agricole, a beaucoup perdu de sa vitalité, de son lustre au lendemain du XVIIe siècle, année de sa fondation. Entre une savane claire, remplie d’arbres rabougris, parfois épineux, et une steppe peuplée d’espèces fauniques des troupeaux divaguent allègrement. Au loin, une forêt surplombe une mare asséchée dont les dernières flaques d’eau attirent des chèvres, moutons et autres vaches qui trottent vers cet endroit pour s’abreuver. Le chemin est tracé sur un sol fin et sablonneux. Une piste interminable s’allonge en sillons parallèles aux formes serpentines menant le visiteur vers une contrée célèbre de par son histoire, mais aussi sa décadence. Le Bundu est une agglomération où cohabite une kyrielle d’ethnies dont la majoritaire est Halpulaar ou encore Soninké et Mandingue. Le Bundu manque presque de tout. Une carence plurielle dont la plus évidente reste son manque d’eau, ses routes, des postes de santé de renommée, bref tout un arsenal d’infrastructures. Pourtant, tout portait à croire que l’ancienne capitale de cette partie du royaume d’El Malick Sy ne tomberait pas dans un état de délabrement et d’oubli criards. Les quelques concessions qui y sont érigées sont faites en toit de paille. De rares bâtiments sont construits en dur, même si le zinc scintillant sous les rayons solaires atteste de l’éclat chaleureux de l’astre planétaire. Kindy Diallo, un berger, la quarantaine franchie, explique les difficultés qui ont conduit son père et sa famille à quitter le village à la recherche du liquide précieux. « Nos parents ont quitté notre village parce que le Bundu est oublié dans le domaine de l’hydraulique rurale, d’infrastructures routières … même les villages qui créés bien après lui se sont débrouillés pour creuser des puits». Une situation qui a fait transhumer des éleveurs vers d’autres horizons. Les localités de Goutta, Dianké Makha, Dougué, Koussan, Boutoukou Fara, Sounkounkoun, Laminiya et autres Soréto ont beaucoup profité des départs de populations du Bundu. Certains villages bénéficiant de forages ont vu leurs populations augmenter, d’autres, leur économie locale monter en croissance.
L’agriculture et l’élevage : activités dominantes
Un manque d’eau que les villageois considèrent comme un mal vivre qui, peut-être un jour, sera solutionné avec l’important programme d’hydraulique rurale mis en place par le ministère de tutelle. Une interpellation des organismes communautaires de base et du gouvernement a été faite par la voix de beaucoup de chefs de villages ou de présidents de communautés rurales qui souhaite voir le combat de la réduction de la pauvreté démarrer dans leur localité par une fourniture d’eau abondante à ses protégés pour la survie de ces hommes et du bétail.
Les écoles des villages sont en train de former des consciences. Des aptitudes et compétences qui seront, sous peu, après la création récente de certains établissements, au service des populations. Pas de maternelles, encore moins de cases des tout-petits, même pas une borne fontaine, la précarité de l’habitat et le manque d’infrastructures sanitaires, routières…, se pose avec acuité. La longue marche vers la prospérité d’un village à un autre village passe par l’obtention, d’abord, de l’eau potable, ensuite par l’électricité et des mesures d’accompagnement pour son développement.
Carrefour jadis, le Bundu est malade
Une morosité résultant d’une responsabilité qui incombe à plusieurs maillons de la chaîne de l’appartenance et de l’émergence. Une collectivité aux énormes potentialités agricoles et forestières, en plus de ses larges étendues de superficies arables semble anéantir sa fertilité, suite à l’avortement du soutien de l’Etat.
Le commerce et l’artisanat sont quasi-inexistants dans le Bundu, comparé à certaines localités. Pourtant, les potentialités énormes ne manquent pas. La gomme arabique, les fruits sauvages comme le jujube, le pain de singe, le bois de chauffe, les terres, le soleil, le cheptel, les possibilités d’embauche bovine, la stabulation, le commerce des produits laitiers, presque tout est inexploité. Les principales tâches auxquelles s’adonnent les populations en plus de l’oisiveté, sont l’agriculture et l’élevage. La culture du mil, du coton, du maïs pendant l’hivernage permet à la population de se nourrir. Le pastoralisme est une activité phare dans le Bundu. Certains éleveurs n’hésitent pas à soustraire leurs enfants aux salles de classes pour conduire les bêtes vers les villages environnants, parfois distants, pour abreuver le bétail. Beaucoup de puits ont atteints leurs limites d’exploitation, selon El Hadji Tounkara. En attendant, une solution à ce problème vital, qui est l’accès à une eau courante, le Bundu croupit sous le poids de la sécheresse et des intempéries du désert de la Mauritanie.
L’Hivernage, les populations coupées du reste du monde
Pendant l’hivernage, le Bundu a les pieds dans l'eau. On patauge. Toutes les issues sont inondées. C'est l'état très avancé de dégradation des ruelles, routes, pistes… qui a attiré notre attention en cette veille d’hivernage, certaines localités ayant déjà reçu les premières pluies, car des routes goudronnées, le Bundu, tous ses villages ou même ses communautés rurales, n'en possède pas. A cela s'ajoute le manque criard d'électricité et les plaintes fusent de toutes parts. Cependant, même si la route qui traverse le Bundu et le Gadiaga est la plus belle du Sénégal, cela contraste avec l'état de la voirie rurale qui prend les allures de bourbier. Aujourd'hui, par manque de réseau d'assainissement dans les marres et autres marigots, les populations sont empêchées de quitter leurs villages pendant l’hivernage et voient l'eau stagner partout. Les femmes enceintes meurent quotidiennement, les postes de santé et l’hôpital régional sont loin et isolés à cause de l’état des routes. Des jeunes écoliers abandonnent l’école faute de structures. Le handicap de l’enclavement est exacerbé en hivernage où les localités sont coupées du reste du pays. À cela s’ajoute l’insécurité causée par les bandits de grand chemin poussés par l’existence d’un cheptel important et les mouvements migratoires qui attisent la convoitise des bandits et des délinquants.
L’or, la convoitise des populations
La découverte des premiers indices a été faite il y a belle lurette dans le Bundu, plus précisément dans les villages de Sounkounkoun, Laminiya, Soréto etc…. L’or forme d’importants gisements aux yeux de ces populations du Bundu, proche de la Falémé. Le gisement le mieux connu est l’or. Dans la poche de la Falémé, le gisement de fer est l’un des plus grands du paléo – protérozoïque du Craton Ouest africain. Il est composé de plusieurs amas qui lorsqu’ils affleurent, sont constitués d’un minerai altéré enrichi en martite et hydroxyde de fer. A nos yeux, des femmes et hommes ne cessent de se ruer à la recherche du métal précieux passant toute la journée à creuser.
L’attente des populations : les perspectives heureuses
L’association pour le développement social et économique du Bundu annonce d’importants projets et programmes sur le plan sanitaire, hydraulique, des infrastructures routières, de l’éducation et de l’agriculture pour cette partie orientale du pays. Elle a pour objectif de proposer des solutions au retard de leur localité afin de lui permettre de devenir un pôle de développement économique et social viable avec la création d’infrastructures routières hydrauliques, sanitaires et scolaires, dira Cheikhou Savané, ancien Président de communauté rurale et ancien émigré basé à Goutta. Pour Mamadou Keita, membre de cette association, un programme ambitieux est en train de mettre en œuvre les jalons du désenclavement du Bundu avec des réalisations dans les domaines hydraulique, sanitaire, de la sécurisation et scolaire. Ce programme est en train d’être mis en branle par la route du Bundu qui va s’ajouter au programme mis en place par le chef de l’État sous l’égide du Premier ministre pour désenclaver les régions de Tambacounda et de Matam. Malgré les contraintes liées à la situation physique du terroir, les axes prioritaires ont été dégagés et le Bundu en tire une part de lion. À cela s’ajoute l’érection de trois districts sanitaires au niveau du Bundu que sont Goudiry, Kidira et récemment Dianké Makha, pour rapprocher les soins des populations en plus de l’équipement du centre médical de Goudiry. Mamadou Dabo, quant à lui, a lancé un appel aux fils du pays de rentrer après leur formation.
La coopération décentralisée : l’espoir de ces populations
Les premières Assises de la coopération décentralisée entre la communauté rurale de Dougué dans le Bundu et la ville de Die en France se sont déroulées en 2005. La communauté rurale de Dougué a des échanges et actions concrètes, salvatrices avec les villes jumelles de Die (5000 habitants, chef lieu de sous préfecture) et de Diois. En effet, depuis 2005, les deux villes Françaises entretiennent des relations étroites d'amitié et de solidarité avec la communauté rurale de Dougué dans le Bundu, grâce à un fils du terroir, Baba Sada Sow et son épouse, Madame Isabelle Bizouard Sow, actuel maire de Die depuis 1995 et par ailleurs Vice Présidente de la Communauté de Communes du Diois, en charge de la culture et de la coopération avec le Sénégal. Monsieur Baba Sada Sow a relancé et redonné un nouvel élan au partenariat entre ces villes, qui consiste à contribuer au renforcement des liens de partenariat entre Die et la Communauté rurale de Dougué, à permettre aux élus de Dougué de découvrir l'organisation du pays Diois, pays du développement local, à permettre aux élus de Dougué de rencontrer les associations d'émigrés originaires de la Communauté Rurale de Dougué, à analyser leur participation dans le co-financement du Plan Local de Développement (PLD) de la Communauté Rurale de Dougué et enfin à définir de nouvelles perspectives de coopération entre Die et Dougué. La communauté rurale de Dougué a pu bénéficier, grâce à cette coopération, d’une ambulance qui sera acheminée à la fin du mois de juillet prochain, d’un financement déjà obtenu pour le village de Soutouta dans la communauté rurale de Dougué et d’une plateforme multi dimensionnelle et enfin d’une action pilote de ramassage des ordures ménagères dans trois villages pilotes de la communauté rurale de Dougué. Dans le cadre des festivités commémorant le cinquantenaire du jumelage entre Die et la Ville de Varallo en Italie pendant lequel plus de 500 personnes qui viendront des villes jumelles de Die en Allemagne, Hongrie et Angleterre sont attendues, quatre invités de la communauté rurale de Dougué feront le déplacement pour assister à ces festivités.
Reportage de Assane Diallo
Source : Tambacounda.info