«Un jeune célibataire ne doit nullement convoler en premières noces avec une femme divorcée », martèle le jeune Gassama à l’antenne de l’émission Leminaxu Bera du 9/10/2016 de la Web radio Soninkara.com. Une femme divorcée a déjà une longueur d’avance sur lui sur tous les plans. Suffisant pour lancer le débat qui avait pour thème : « Pourquoi les Soninké abhorrent-ils le mariage de jeunes célibataires avec des femmes divorcées ? Pourquoi ces femmes sont-elles « décotées » ? Le mariage n’est-il pas une affaire de cœurs avant d’être une histoire de profils ? L’objectif premier était de décloisonner le débat car ce thème était rangé dans le tiroir des tabous dans le monde Soninké. Ces femmes qui sont nombreuses dans nos maisons, nos familles, notre entourage souffrent d’une certaine hypocrisie à la Soninké.
Les jeunes hommes célibataires aiment bien s’acoquiner avec ces femmes en donnant de faux espoirs pour ensuite les laisser sur les carreaux. Beaucoup de jeunes hommes s’intéressent à ces femmes, les prenant peut-être pour des proies faciles car cherchant à tout prix un mari ( certaines ) pour prouver qu’elles sont toujours aptes pour le mariage. Ils leur font miroiter monts et merveilles pour finir par les abandonner au moindre obstacle. En effet, beaucoup de jeunes hommes brandiraient le véto de leurs parents pour fuir voire mettre fin à un projet de mariage promis dès l’aurore de la relation. Il est vrai que dans le monde Soninké, les parents préfèrent marier leurs fils à de jeunes femmes sans « casier marital ». Allez apprendre ensemble le secret de la chambre nuptiale vaut mieux que va apprendre les secrets du lit conjugal avec elle. Cette simple phrase, profonde, renseigne sur la problématique de ce type d’unions. Les parents recommandent un mariage avec une jeune fille célibataire parce que cela suppose qu’elle apprendra en même temps les rouages du mariage que le garçon. Ce qui va sans dire qu’une femme divorcée n’aura rien à apprendre en même temps que le garçon dans ce sens qu’elle a déjà connu les secrets du mariage. Mais, la question qu’on est en droit de se poser est la suivante : Les jeunes garçons Soninké d’aujourd’hui sont-ils aussi puceaux qu’on veuille nous faire croire ? Beaucoup ne sont-ils pas des experts dans le domaine surtout que nombreux sont de vieux célibataires endurcis avoisinant la trentaine voire la quarantaine ? Ces deux questions valent leur pesant d’or.
Dans le monde Soninké, le mariage est sacré. Ainsi, on exhorte les jeunes filles à garder leur virginité pour le « Magno Kompé » ( chambre nuptiale). Ce passage obligé pour toute jeune fille est une façon de prouver au monde que l’on a été une fille sage et prude. A contrario, toute jeune fille qui n’avait pas eu la chance d’échapper aux ruses des garçons serait considérée comme lubrique voire « légère ». Ainsi, ces jeunes filles « réputées » chastes ne sont censées apprendre les secrets des plaisirs charnels qu’au moment de leurs premières nuits de noces. D’ailleurs, dans la conscience collective des jeunes de mon âge (génération fin années 70 et début années 80), la nuit de noce était égale à la nuit de la « saignée » car on croyait que la perte de l’hymen provoquait forcément une perte de sang abondante. C’est ce qui explique cette tradition contestée et contestable du drap blanc qui consistait à le brandir tacheté ayant servi aux premiers contacts charnels entre époux et épouse. Selon qu’il soit maculé de sang ou pas, on mettait la fille dans la bonne ou mauvaise corbeille. Cette pratique à la peau dure conditionnait les mariages. Un jeune célibataire devait absolument convoler en premières noces avec une jouvencelle. Le contraire était exceptionnel. Quiconque dérogeait à cette règle était de l’ordre des « parias ». Le cordon ombilical pouvait même se rompre avec les parents, toujours fortement impliqués dans le choix des épouses. Chose étrange, on ne s’intéressait jamais au « casier sexuel » du jeune homme. Ils réclamaient tous des pucelles alors qu’ils avaient eux-mêmes fini d’explorer toutes les dispositions du fameux livre indien que je n’ose pas citer. C’est le point de départ d’une injustice sans nom. Donc la théorie du départ « Allez apprendre ensemble le secret de la chambre nuptiale vaut mieux que va apprendre les secrets du lit conjugal avec elle » s’affaisse comme un château de cartes. Ces jeunes hommes en âge de se marier ne sont plus de jeunes innocents d’une autre époque. Un vieux sage du village aimait à nous conter avec amusement ceci : « De nos temps, le jour des noces, le jeune homme nourrissait la même peur que la fille. On nous faisait assister par des adultes qui nous mettaient en confiance afin de dédramatiser la situation. Mais, de nos jours, les jeunes sont tellement pressés le jour des noces qu’ils confondront leurs épouses avec les « Khoussoumanta » (femmes d’âge mur faisant office de conseillère conjugale). C’est dire que les jeunes garçons d’aujourd’hui n’ont rien à apprendre de leurs ainés dans ce rayon du supermarché des « plaisirs de la chair ». Donc, dire que les jeunes femmes divorcées sont trop « expérimentées » pour les jeunes hommes célibataires pour faire échouer tout projet de mariage est un argument irrecevable.
D’autre part, les parents dissuadent leurs fils à contracter ce type d’unions avec les femmes divorcées à cause des enfants. En effet, on suppose qu’une femme divorcée avec enfants constitue une lourde charge pour un jeune homme à tout point de vue. Le jeune homme doit courber l’échine pour nourrir des enfants qui ne sont pas les siens. De plus, on ergote souvent sur le manque de maturité des jeunes hommes pour accepter les enfants d’un précédent mariage. De plus, ces jeunes hommes n’ont pas souvent la pédagogie pour participer convenablement à l’éducation de ces enfants adoptifs appelés en Soninké « Birim Biri remme » . Le célèbre philosophe Sénégalais du nom de Kocc Barma Fall disait :« Un enfant du premier lit n’est pas un fils mais une guerre intestine ». C’est dire que cet enfant du précédent mariage, quels que soient les liens étroits qu’il aura tissés avec le beau-père, ne pourra jamais prendre la place d’un enfant légitime. L’enfant du premier lit souffrira tôt ou tard dès que les enfants légitimes de l’homme en question naitront. De plus, les inimitiés entre le père légitime et leur père adoptif font vaciller souvent le couple surtout si le père légitime utilise l’enfant comme arme ou un moyen de se rapprocher de la mère. L’homme est naturellement jaloux. Ils sont peu nombreux ces hommes ayant la maturité de multiplier par zéro les ex-maris de leurs femmes.
Aussi, quelle place un homme pourra avoir dans le cœur d’une femme ayant déjà des enfants à chérir ? Il est de notoriété publique que la femme mettra toujours son enfant aux cimes de ses préoccupations. L’enfant peut être un sérieux concurrent pour le jeune marié car la femme devra sans doute partager son temps et ses hobbies entre ces deux êtres. Il faut un essaim des compromis pour contenter l’enfant et le mari. Sans une certaine maturité, le jeune marié développera des frustrations qui concourront tôt ou tard à une séparation. Les enfants aussi, s’ils sont grands, peuvent donner du fil à retordre à la maman au point qu’elle ne sache où donner de la tête. Il est connu que les enfants sont de grands comédiens. Si l’homme ne leur convient pas, ils feront tout pour le « dégager » en lui faisant voir de toutes les couleurs. Pour ces quelques raisons, les parents dissuadent les jeunes hommes à porter un tel fardeau. Ils les exhortent à s’amouracher de jeunes filles célibataires sans histoires pour s’éviter de futures mélancolies. Pourquoi se compliquer la tâche s’il y a possibilité de faire simple surtout que des jeunes filles célibataires toquent à la porte du mariage avec insistance ? Donc, il va s’en dire que les parents préfèrent marier leurs fils à de jeunes femmes sans casier marital.
Toutefois, ces arguments avancés sont-ils tous recevables ? Nous tenterons de les analyser logiquement et sans passion. De prime abord, il est évident que l’argument de la chasteté n’est plus d’actualité. Une femme divorcée, sans le dire, n’est plus cette jouvencelle qui apprendra les délices du mariage en même temps que le jeune homme. Admettons, c’est une vérité. Mais, de nos jours, les jeunes filles célibataires d’aujourd’hui, qu’elles soient du bled ou de nos terres d’immigration sont-elles des modèles de chasteté ? Beaucoup sont plus entreprenantes même que les femmes qui sortent d’un mariage. Sans jeter le discrédit sur nos sœurs, nombreuses ne sont-elles pas des saintes-nitouches ? Comme toutes les filles du monde, elles connaissent les rouages de la contraception et de l’avortement. Une jeune fille qui a avorté deux fois est-elle plus valable qu’une femme divorcée avec enfants ? N’est-il pas plus judicieux de s’intéresser plus à l’humain, aux qualités comportementales et aux facultés des unes et des autres pour tenir un foyer ?
L’autre argument avancé est qu’une femme divorcée est forcément une mauvaise femme pour le commun des mortels Soninkés. Si son ex-mari l’a répudiée, il a bien des raisons valables. Une fausse route que plusieurs Soninkés empruntent sans vraiment connaitre les vraies raisons de la séparation. De manière naïve, on pense qu’une femme qui divorce n’a pas été à la hauteur des espérances. Elle est salie, vilipendée et cataloguée « peu fréquentable ». Beaucoup s’arrêtent à la partie visible de l’iceberg. Intéressons-nous aux cas les plus fréquents qui causent les divorces en milieu Soninké surtout en terre d’immigration. Une pratique noble mais souvent très préjudiciable. Il est connu que les Soninkés sont adeptes des mariages endogamiques. Nous préférons donner nos filles, nos sœurs aux cousins et aux neveux pour solidifier les liens familiaux. Dans les années 2000, beaucoup de jeunes filles ont été données en mariage à des proches parents vivant en France ou au pays. Comme nous le savons tous, la ligne est très fine entre le mariage endogamique et le mariage sous contrainte. Cela va sans dire que beaucoup de nos sœurs se sont mariées par volonté parentale. Peu d’entre elles ont choisi leurs maris. Certaines apprenaient leurs fiançailles après qu’elles aient été scellées. Des mariages arrangés qui ont beaucoup contribué à l’explosion des divorces dans le milieu Soninké. Comme le disait Youssou Ndour : « Le lit conjugal est très étroit. Quand l’union des cœurs fait défaut, la nuit risque d’être longue ». Une façon de dire que l’amour est primordial dans un mariage. Si du temps de nos mères, les mariages se nouaient par correspondance (lettre, photo, cassette), nos sœurs acceptent difficilement ce type de mariage. Elles exigent un minimum d’attirance. Du coup, elles resteront des éternelles insatisfaites. De frustration en frustration, un malaise s’installera. Le mariage durera le temps d’une rose. A qui revient alors le tort de l’échec dans un tel mariage ? Il est grandement partagé entre le père et l’ex-mari. Aucun homme ne doit se marier avec une fille qui a expressément dit qu’il ne l’aimait pas. Pour les parents, c’est connu. Ils obéissent à des logiques nobles et peu applicables de nos jours. Souvent, ils subissent des pressions familiales qui auront raison d’eux car la stabilité familiale est mise en jeu.
Dans d’autres cas, les femmes divorcent parce qu’elles n’ont pas des hommes à domicile. Les hommes sont devenus peu responsables. Dans les 5 piliers du mariage, l’entretien d’une femme en est un. Quand on marie une femme, on devra s’occuper d’elle en termes de vivres, de vêtements et de logement. Aujourd’hui, en immigration, le constat est amer. Les femmes portent les pantalons dans plusieurs foyers. Les hommes se font entretenir sans honte. Une femme qui paie son loyer, son alimentation et autres charges n’a-t-elle pas le droit de se rebeller ? Beaucoup de nos frères n’ont aucune utilité dans leurs foyers. Ils ont abandonné le pantalon aux femmes. Même quand deux hommes vivent en colocation, chacun est obligé de mettre la main à la pâte. A défaut, l’un d’eux quittera le foyer tôt ou tard. Beaucoup de nos sœurs se sont retrouvées avec des dettes colossales du fait de maris indélicats, incapables de prendre en charge le poids du foyer. Doit-on blâmer une femme qui crie « STOP » parce que vivant dans un désarroi total ?
Aussi, nombreux sont les couples Soninké qui vivent en colocation. De peur de contrarier les parents, la femme reste dans le mariage à contrecœur. Est-ce normal de nos jours si l’on sait qu’une femme est ménopausée à 45 ans ? N’a-t-elle pas le droit de connaître le bonheur dans les bras d’un autre homme responsable ?
De plus, un autre sujet tabou chez les Soninkés cause plusieurs divorces. Par pudeur, on n’en parlera jamais même si elle est la cause du divorce. Le sexe est un sujet tabou chez les Soninkés. Je frémis même à l’idée d’évoquer ce point car notre éducation nous impose une certaine retenue dans ce domaine. En effet, plusieurs mariages échouent parce que l’homme n’est pas viril pour ne pas dire qu’il est impuissant. Ainsi, les femmes emmagasinent des frustrations jusqu’au point de non-retour. La virilité fait partie des conditions du mariage. Elle en est même la première. Quand l’impuissance est innée, aucune solution n’existe à part un miracle divin. Si elle est provoquée par une raison ou une autre, la jurisprudence impose des soins pendant une année complète. Si l’homme n’arrive toujours pas à récupérer sa puissance la femme est en droit de divorcer. N’oublions pas également de ranger dans les lots de frustrations féminines, l’éjaculation précoce. Ce n’est pas une fatalité. C’est humain. Personne n’est à l’abri d’un tel souci car nous restons des humains. Ce n’est parce qu’on a été capable de donner naissance qu’on est un vrai homme. Il y a d’autres paramètres à prendre en compte pour une satisfaction mutuelle. Certains hommes, par égo surdimensionné ou par déni, ne feront aucun effort pour renverser la tendance afin de remplir leur devoir conjugal comme il est souhaité. Insatisfaites, les femmes patienteront plusieurs années sans espoir. Prisonnières, elles risquent de chercher leur satisfaction par des voies répressibles ? Nous serons sans doute les premiers à leur jeter la pierre. Ainsi, doit-on continuer à maintenir les femmes dans des prisons à ciel ouvert ? N’ont-elles pas le droit de rompre les liens du mariage pour ne pas entrer dans l’illicite ?
A la lumière de ces arguments, ne doit-on pas revoir nos fusils d’épaule face à un projet de mariage entre un jeune célibataire et une femme divorcée avec enfants ? Avant de proférer des conclusions hâtives, n’est-il pas plus judicieux de s’intéresser aux réelles motivations du jeune homme et aux qualités de la femme convoitée ? En effet, dans un projet de mariage, il est plus prudent de jauger les qualités comportementales de la fille que de se limiter à la seule plastique. Une fille peut-être belle et gracieuse sans pour autant faire une bonne femme. L’éducation est très importante. C’est ainsi qu’autrefois, quand un jeune homme voulait se marier, on lui conseillait de faire le choix de concert avec sa mère. Les mères de famille se connaissent. Elles savent les qualités des unes et des autres. Comme le dit l’adage : « Telle mère, telle fille ». Ainsi, selon la probité et les qualités de la mère, on portait son choix sur sa fille. En somme, le choix est guidé par la qualité de l’éducation que la fille aura reçue. Elle sera une bonne femme si sa mère est un exemple dans la communauté. Donc, ce qui revient à dire qu’une femme divorcée peut être un modèle de droiture avec une morale sans commune mesure. On ne doit nullement s’arrêter à sa condition de « divorcée avec enfants ». Les causes de son divorce peuvent-être indépendantes de sa volonté. Elle est divorcée parce que la situation ne lui donnait pas le choix.
Aussi, une chose reste invraisemblable dans le monde Soninké. Cela frise un irrespect total envers les femmes. Ces femmes divorcées que l’on déconseille aux jeunes hommes redeviennent hautement recommandables quand le prétendant est un « sans papier » ou s’il vit au pays. N’est-ce pas hypocrite ? Bizarrement, quand de jeunes hommes sans situation jettent leur dévolu sur ces femmes, personne ne pipe mot. Qu’elles aient 4 ou 5 enfants, cela ne dérange personne. La démarche est irrespectueuse. On ne doit nullement s’intéresser à une femme par intérêt. Il suffit de se considérer comme le frère de cette femme pour sentir une certaine amertume. Personne n’aime que l’on utilise sa sœur pour des intérêts personnels.
Il est de même pour ces frères et cousins qui, pour échapper aux dures conditions de vie du foyer, foncent tête baissée sur la moindre occasion sans amour. C’est malhonnête. Pour une société meilleure, nous devons tous nous inoculer une dose d’humanité et d’honnêteté. La fin ne doit pas justifier les moyens. Respecter une femme est une recommandation divine. Nous avons des mères que nous chérissons tant. Nous devons comprendre que ces femmes sont aussi ou seront aussi des mères et méritent respect. Ce que l’on n’accepte pas soi-même, on ne doit pas le faire à autrui.
Samba Fodé KOITA dit Makalou, Soninkara.com