Forum sur le partenariat Europe-Afrique jeudi à l’Ivoire: Albert Bourgi dénonce les entraves à la liberté de circulation
La Fondation nationale des Sciences politiques de Côte d’Ivoire a organisé ce jeudi 10 mai, à l’Hôtel Ivoire, un forum consacré à l’avenir du partenariat Europe-Afrique.
Cet événement marquant les 50 ans de la construction de l’Union européenne a donné l’occasion au juriste Albert Bourgi de dénoncer les entraves à la circulation des hommes. Et de se montrer très critique à l’égard dudit partenariat. M. Albert Bourgi, juriste, professeur de droit international à l’Université de Reims, Paris n’est pas enthousiaste à l’égard du partenariat Europe-Afrique. Immigration : l’Europe hantée par l’Afrique. Gourgi s’est montré très critique jeudi en dénonçant les entraves à la liberté de circulation des hommes. Il s’est vivement élevé contre l’Europe qui se barricade face aux autres dont l’Afrique. Le juriste a dit être choqué par la politique européenne contre l’immigration pendant que ce vieux continent dans son partenariat avec l’Afrique parle d’un ensemble. Il a dit être plus choqué quand l’Europe lève des barrières à la circulation des marchandises et dresse paradoxalement des entraves à la liberté de circulation des hommes. “On est dans un partenariat déséquilibré, la liberté de circulation reste ambigüe, la question de l’immigration est occultée”, a critiqué Albert Bourgi, qui estime que le partenariat Europe-Afrique demeure l’effet de face-à-face entre le colonisateur et le colonisé. Eminent politologue de la cause africaine, Bourgi a invité l’Union européenne à aller au-delà de l’économie et de la politique dans son approche de partenariat avec l’Afrique. Pour lui, il est incompréhensible qu’un étudiant africain sur trois n’ait pas de visa et que le partenariat ne puisse prendre en compte d’autres domaines notamment l’éducation.
Sur la question de l’immigration et de la coopération Europe-Afrique, M. Charles Josselin, ancien ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, président de Cités unies France, a demandé plus de cohérence dans le partenariat qui doit, selon lui, traiter des questions de développement. Il n’a pas caché son regret relativement à la campagne électorale présidentielle française. Au cours de celle-ci, a-t-il relevé avec amertume, l’Afrique a été traitée, selon lui, à travers le prisme réducteur des questions migratoires, laissant de côté celles du développement dans le partenariat. Pour Charles Josselin, il reste du chemin à faire, mais les Africains doivent faire confiance à leurs partenaires européens et de façon réciproque. Il a indiqué que cela doit se faire dans le respect des souverainetés et même en partageant les valeurs communes des Droits de l’Homme, de la femme, de la démocratie. Les divers chemins doivent avoir le même aboutissement. “Le dialogue peut être fructueux dans ces domaines. Personne n’a de leçon à donner aux autres. Tous pouvons faire mieux”, s’est-il prononcé, avant de souligner que, dans une volonté commune, les Africains et les Européens peuvent combattre les inégalités. En plus des deux personnalités, d’autres sommités ont été conviées à enrichir les débats qui ont tourné autour de plusieurs thèmes. Les professeurs Charles Valy Tuho, chercheur au Centre ivoirien de recherche économique et sociale (CIRES), Alphonse Voho Sahi, Yacouba Konaté, l’ambassadeur de la France en Côte d’Ivoire, Son Excellence Monsieur André Janier, et Michel Arrion, chef de délégation de la Commission européenne en Côte d’Ivoire, ont enrichi le forum à travers des communications denses. L’auditoire de qualité ne s’est pas ennuyé ayant été associé au débat. Intervenant sur le thème : “Que fait l’Europe en Afrique, histoire, état des lieux et perspectives des relations euro-africaines”, l’ancien Premier ministre du Sénégal, M. Moustapha Niasse, a reconnu que l’Europe a eu le mérite de construire son unité. Pour lui, autant l’Europe est en Afrique, l’Afrique veut être aussi en Europe. Mais comment s’y prendre dans cette aventure ? S’est-il interrogé, avant de ressortir les chances de l’Europe et ses atouts en construisant son unité. A titre indicatif, il a fait allusion à sa monnaie unique et à son éloignement des guerres depuis que son union est amorcée. Moustapha Niasse a invité sinon supplié l’Europe à aider l’Afrique à régler ses crises, ses guerres et l’aider à consolider la paix sur le continent. “Le plus grand conflit en Afrique, ce sont les dictatures. L’Europe doit aider l’Afrique à rompre avec les élections émaillées de bourrages d’urnes et de fraudes”, a-t-il souligné. Face à ce qu’on pourrait qualifier de cri de mineur de Moustapha Niasse à l’endroit de l’Europe, le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire, M. Jean-Louis Billon, a répliqué pour dire qu’il est désespérant qu’un tel plaidoyer vienne des hommes politiques
L’Afrique, le ménage s’impose
Billon a rappelé que l’Afrique a beaucoup reçu et reçoit encore depuis 40 ans de l’Europe. “Nous sommes passés de rééchelonnement de la dette à l’abandon de celle-ci. Nous avons connu 40 ans de guerre”, a fait savoir Jean-Louis Billon. Il a indiqué que les croissances démographiques constituent un frein à la croissance économique. Mais le président de la Chambre de commerce pense, contrairement à Moustapha Niasse, que les problèmes que connaît l’Afrique sont identifiés, ils sont bien connus, mais personne n’a l’audace de les solutionner. La faute réside, selon lui, en Afrique. La sécurisation des investissements, les nombreux barrages routiers dans un même pays africain et d’un pays à un autre, la classe politique qui n’est pas au service de la communauté sont autant de travers qui doivent être levés, au dire de M. Billon. Malgré sa lecture de la situation qui ne laisse pas de place à l’autosatisfaction, Jean-Louis Billon garde espoir pour le continent noir. “Arrêtons de penser en Afrique que le privé sert l’Etat. Il y a des comportements à changer. Nous croyons à l’intégration. L’Afrique demeure une formidable opportunité. Le continent reste le dernier pôle de croissance. C’est une question de survie. Toutes les économies du monde auront besoin de l’Afrique. Suivons l’Europe qui a gagné la paix autour de son intégration”, a-t-il conclu.
Le président de l’Assemblée nationale du Sénégal, M. Dassoko, a abondé dans le même sens que M. Billon. “On n’avancera pas tant qu’on ne fait pas le ménage chez nous”. La paix, la sécurité, la nécessité de travailler l’environnement sont autant de recettes qu’il annonce pour tirer l’Afrique de son retard. Le parlementaire a jugé l’Etat très coûteux en Afrique ; il a dénoncé le développement de l’argent sale et qualifié les universités de garderie supérieure. Ne pouvant plus contenir les lots d’étudiants qui y sont déversés chaque année.
Quant au chef de la délégation de la Commission européenne, Michel Arrion, il a fait savoir que tout est à faire dans les pays. Les ressources sont limitées. Pour lui, au moment où il y a urgence dans les universités, à la base, la question de scolariser la petite fille se pose ; la vaccination de la femme enceinte du milieu rural s’impose.
La Fondation nationale des sciences politiques de Côte d’Ivoire aura frappé un grand coup en mettant sous les feux de la critique le partenariat Europe-Afrique au moment où l’Union européenne sonne ses 50 ans d’existence. L’événement valait tellement son intérêt que des énergies, la société civile, des décideurs, lds hommes de culture venus de divers horizons se sont retrouvés au Palais des Congrès de l’Hôtel Ivoire.
A la cérémonie d’ouverture et à la clôture, le Premier ministre ivoirien Guillaume Soro a salué l’initiative et a indiqué que l’Europe, qui a pansé ses blessures, qui a aplani ses tragiques divergences, ses affrontements meurtriers, montre la voie à l’Afrique. Pour le Premier ministre, la défunte OUA a été inspirée par l’Union européenne. Mais, selon Guillaume Soro, “il serait regrettable que l’Afrique se contente d’un prêt-à-penser conçu à son usage. A cet égard, le forum d’Abidjan est le bienvenu parce qu’il participe à la réflexion des Africains eux-mêmes sur ce qu’ils attendent de leurs relations avec l’Europe”. Et poursuivant, le Premier ministre a souligné que “ce n’est pas l’aide européenne qui est en cause mais, la définition de nouveaux types de partenariats mieux adaptés à nos yeux à l’évolution du monde et la nécessaire évolution de l’Afrique”. Donnant le sens de son initiative, le président de la Fondation nationale, le Professeur Pierre Godé Dagbo, a dit qu’il veut permettre au monde de mieux comprendre les enjeux actuels, les problématiques liées aux relations Union européenne et l’Afrique. Les relations dans leurs dimensions économiques, politiques et culturelles.
Benjamin Koré
Source : eburneanews