Nicolas Sarkozy a été élu président de la République française avec le confortable score de 53,4%. Un large quitus lui est donc donné pour appliquer le projet de société qu’il ne cesse de décliner depuis plusieurs années. Le candidat Sarkozy s’était voulu celui de la rupture. Rupture avec l’ordre ancien qu’il estime dépassé dans un monde mondialisé, rupture avec une certaine façon de faire de la politique. Transposée dans les relations franco-africaines, cette volonté affichée par le désormais président français pourrait signifier la mise à mort du type de relations nimbé d’un parfum foccardien et un rien barbouzard qui a parfois marqué les relations de la France avec l’Afrique il n’y guère longtemps.
A savoir la fameuse politique des réseaux et des relations personnelles qui, on le sait, contournent bien souvent les intérêts des peuples au profit d’une caste au pouvoir. D’ailleurs par définition, le réseau qui exclue ceux qui n’en font pas partie est assez symptomatique de la nature des relations que la France a tissées avec la plupart des pays africains.
Les pays d’Afrique francophone et la France ont certes des relations naguère jugées « spéciales » à cause d’un compagnonnage historique alternant ombre et lumière. Mais cela justifie-t-il qu’une Cellule gère depuis l’Elysée l’essentiel des relations avec le continent noir. Aujourd’hui qu’une autre génération a accédé au pouvoir en France et qu’en Afrique où d’autres générations n’ayant pas connu la présence coloniale arrivent également aux affaires, il temps de remettre à plat les relations avec l’ancienne puissance coloniale, pour ceux égalitaires d’Etat à Etat dans le respect de la souveraineté de chacun. Et sur ce plan Nicolas Sarkozy bénéficie d’un préjugé favorable.
Dans sa première déclaration de président élu, il a promis de soutenir l’Afrique dans son développement, une manière pratique et souhaitable de retenir les immigrés chez eux. On attend que des pas concrets soient effectués dans ce sens. Car jusqu’à présent les déclarations du candidat Sarkozy laissaient croire à tord ou à raison, que l’Afrique n’entrait pas dans ses préoccupations. N’avait-il pas dit en 2006, lors d’une visite à Bamako que la France n’avait pas besoin de l’Afrique. Devenu président, va-t-il changer de discours ? Quoiqu’il en soit, c’est aux Etats africains de se prendre en charge sans s’émouvoir de ce qu’a pu dire M. Sarkozy. Coopération oui, mais il faut qu’elle soit mutuellement avantageuse.
Aujourd’hui, les Africains attendent autre chose que cette aide humanitaire déguisée appelée co-développement. Il ne suffit pas de rapatrier des immigrés dans leur pays d’origine en donnant à chacun 2 à 3 millions de Fcfa pour exploiter une parcelle de terre ou ouvrir une quincaillerie pour croire qu’on fait du développement.
L’Afrique a besoin d’investissements massifs dans les infrastructures et dans des secteurs qui créent la richesse et structurent son développement. Nous sommes conscients que pour cela, des préalables doivent être remplis dans la bonne gouvernance, la démocratie, l’agrément des entreprises, la fiscalité et une justice indépendante et transparente. Des Etats africains sont déjà à ce niveau, mais n’ont encore rien vu venir. L’investissement se limitant uniquement aux mines et au bois n’a pas un véritable impact sur le développement du continent d’autant plus que les prix (souvent dérisoires) de ces matières premières sont fixés par les spéculateurs occidentaux. Aujourd’hui avec l’arrivée de Sarkozy au pouvoir, la France est à un tournant dans sa relation avec l’Afrique.
Soit elle intensifie sa coopération avec le continent en partant sur de meilleures bases tout en ne fermant pas ses portes à ses étudiants, hommes d’affaires..., soit elle se recroqueville sur l’Europe pour conjuguer avec l’Amérique et l’Asie et à ce moment, le retour de bâton sera une perte considérable d’influence en Afrique et qui a même déjà commencé.
Avec les difficultés rencontrées par les Africains pour entrer en France depuis qu’elle a été happée par l’Europe, la plupart des pays africains francophones, ont et c’est heureux, diversifié leurs relations économiques en s’ouvrant aux pays d’Asie, d’Amérique du Sud, alors que le flux de leurs étudiants est de plus en plus réorienté vers les pays anglo-saxons. D’ailleurs, les élites africaines s’anglicisent de plus en plus et le phénomène s’accentue.
A l’intérieur de la France même, s’il est légitime et normal pour les autorités hexagonales de lutter contre l’immigration clandestine, l’Afrique est en droit d’attendre que ceux de ses fils qui y sont régulièrement installés, bénéficient de tout le respect et de la considération dus à l’être humain.
Un autre volet où la France de Sarkozy est très attendue par les pays africains, ce sont les subventions à l’exportation accordées par l’Europe et l’Amérique du Nord principalement à leurs paysans. La France retrouverait alors, aux yeux des Africains, la générosité qu’elle cherche à incarner, si elle s’engageait à leurs côtés pour lutter au niveau des instances internationales habilitées contre ces pratiques qui détruisent l’agriculture du Sud, tout en y répandant la pauvreté et le sous-développement.
PAR IBRAHIMA MBODJ (Le soleil - Sénégal)