La loi sur l'immigration promulguée le 20 novembre pourrait être rendue inapplicable par les tribunaux. Plusieurs de ses dispositions "méconnaissent des directives européennes ou des conventions internationales auxquelles la France est partie" et revêtent "un caractère discriminatoire", conclut la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) dans une délibération soumise mardi 15 janvier au gouvernement.
A commencer par celle instituant des tests ADN pour les candidats au regroupement familial à l'état civil douteux. Le texte prévoit de vérifier le lien de filiation avec la mère. "Une fois la filiation de la mère établie, le doute sur le lien entre le père et la mère demeurera", explique la Halde, rappelant que "ce sont des pères, à 85 %, qui se trouvent en France et demandent le regroupement familial". Si l'état civil du pays d'origine est défaillant, "il l'est autant pour la filiation que pour les actes de mariages", ajoute-t-elle. "De plus, cette procédure ne pourra pas être mise en oeuvre en cas de décès de la mère."
Le recours aux tests ADN, conclut la Halde, est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant reconnu par la Convention internationale des droits de l'enfant et porte atteinte au droit au respect de la vie privée consacré par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Il est, aussi, "concrètement peu utile".
Même analyse pour la condition de ressources - 1,2 fois le smic - imposée aux candidats au regroupement familial. La loi, note la Halde, "impose (...) des conditions de ressources qui écartent, de fait, les populations les plus vulnérables". Aussi, "dans la mesure où le montant du smic est considéré comme suffisant pour que les Français puissent vivre dans des conditions acceptables, il est cohérent de considérer qu'il en est de même pour les étrangers."
"TRÈS GRANDE SURPRISE"
La possibilité de suspendre ou de mettre sous tutelle les prestations familiales en cas de non respect du contrat d'accueil et d'intégration que doivent signer les parents étrangers admis au séjour est aussi considérée comme discriminatoire au regard des conventions internationales.
La Halde estime aussi contraire aux directives européennes l'article de la loi exigeant une autorisation spécifique pour les étrangers résidents de longue durée souhaitant exercer une profession commerciale.
Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, a fait part, mardi, au président de la Halde, Louis Schweitzer, de sa "très grande surprise", rappelant que le Conseil constitutionnel a validé la loi. Celui-ci ne contrôle cependant pas la conformité des lois aux textes internationaux.
"Des décisions de la Cour de cassation mais aussi du Conseil d'Etat pourraient juger inapplicables certaines dispositions de la loi au regard des conventions internationales, relève Patrick Baudouin, avocat de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH). Et une fois les voies de recours internes épuisées, le justiciable pourra toujours saisir la Cour européenne des droits de l'homme."
Laetitia Van Eeckhout
Source : Lemonde.fr