Les ministres Gaoussou Drabo et Cheick Oumar Sissoko ont été interpellés par le député de Koutiala. La langue des Miniankas fait son entrée dans le grille 2007 de l'ORTM sans faire oublier que la musique piratée n'adoucit pas les moeurs.
Pourquoi le mamara (la langue des Miniankas) n'a pas de temps d'antenne à la radio et à la télévision nationale ? Le ministre de la Communication et des Nouvelles technologies peut-il promettre que cette langue aura prochainement son espace à la chaîne nationale de la radio et à la télévision ?
Voilà les questions orales que le député Yacouba Yiritié Bagayogo a adressées au ministre Gaoussou Drabo lors de la séance plénière d'hier à l'Assemblée nationale.
L'élu de Koutiala revendique pour le Mamara le même traitement dont bénéficient dans les médias publics d'autres langues nationales comme le bamanan, le soninké, le foulfouldé, le maure, le tamashek, le sonrhaï, le bozo. Le mamara fait partie de la douzaine de langues nationales qui disposent aujourd'hui d'un alphabet et jouent un rôle important dans le pays, estime-t-il. Les Miniankas et les locuteurs de leur langue ont besoin des messages et autres informations diffusées sur les médias publics, a jugé Yacouba Yiritié Bagayogo.
MAMARA, MALINKE ET KASSONKE : En réponse, le ministre Gaoussou Drabo a d'abord présenté ses excuses pour n'avoir pu assister à la séance précédente (il était en mission à l'étranger) pour répondre à ces questions. Le président de l'Assemblée nationale a immédiatement accepté les excuses avant de féliciter le ministre Drabo pour son rôle dans l'élection de notre compatriote Amadou Touré à la tête de l'UIT (Union internationale des télécommunications).
Gaoussou Drabo a alors relevé les points d'accord qu'il partage avec le député, comme l'importance des langues (une richesse culturelle) qui doivent avoir leur place à la radio et à la télévision nationale. Il a aussi admis le fait que le mamara doit être présent sur les médias publics.
Mais l'ORTM, a déploré Gaoussou Drabo, a des limites objectives sur le plan technique et sur celui des moyens. Le plan de développement que la maison suit, prévoit notamment l'installation de stations régionales et l'augmentation du temps de diffusion de la télévision. L'ouverture d'antenne qui avait lieu à 19 h est maintenant avancée à midi.
En fait, a relevé le ministre, le mamara n'est pas tout à fait absent sur les médias publics. En effet, 155 minutes lui sont consacrées sur la radio régionale de Sikasso et 90 autres minutes sur celle de Ségou. D'ailleurs, le mamara n'est pas la seule langue nationale absente sur la télévision et la chaîne nationale de la radio. C'est le cas, par exemple, du malinké et du kassonké.
L'ORTM travaille à la gestion du temps d'antenne. Ainsi sur décision du conseil d'administration, la grille de l'ORTM 2007 prendra en compte les langues mamara, malinké et kassonké. La grille sera adoptée en janvier et mise en application en février. Une nouvelle qui a ravi le député qui interpellait.
Le même élu était l'auteur des questions orales adressées au ministre de la Culture, Cheick Oumar Sissoko. "Qu'avez vous fait réellement pour empêcher le piratage des œuvres de nos artistes", a interrogé le parlementaire, avant de se demander s'il n'était pas "préférable d'investir les fonds prévus pour les festivals dans la lutte contre la piraterie".
DE VIFS ECHANGES : Cette deuxième séance de questions orales fut plus difficile. Le ministre interrogeant à son tour l'élu sur l'état actuel de la piraterie et sur les montants investis dans les festivals de Bafoulabé et de Manantali (région d'origine du ministre) auxquels le député faisait allusion. Ce démarrage laborieux donnera la tonalité de la séance. Yacouba Yiritié Bagayogo dut reprofiler sa question en expliquant qu'il n'avait pas cité expressément Bafoulabé et Manantali parce que c'était la zone d'origine du ministre. Il assurera avoir voulu simplement dire que l'argent investi dans les festivals serait mieux dépensé dans la lutte contre la piraterie. Ce qui aurait contribué à effacer la misère des artistes. Ceux-là mêmes qui sont sollicités dans les festivals.
Le ministre de la Culture ne partageait pas ce point de vue et était d'avis qu'on ne devait pas opposer festival et lutte contre la piraterie. Les festivals font connaître les artistes et aident à la promotion de notre culture et, pour la plupart d'entre eux, sont financés par le Programme de soutien aux initiatives culturelles (PSIC) mis en œuvre avec la coopération de l'Union européenne. Cet argent ne peut en aucun cas être utilisé pour combattre la piraterie.
Le département, assure Cheick Oumar Sissoko, reste mobilisé dans la lutte contre la fléau. Des actions concrètes ont été engagées comme cette descente au Dabanani en juin 2005 qui permit de saisir 90 000 cassettes piratées. Le vrai problème de la lutte contre la piraterie se situe ailleurs, dira le ministre. Du fait de sa qualification en crime, la piraterie ne peut être combattue que par la justice.
Le ministère de la Culture n'a aucune emprise sur cet aspect des choses. Le département s'est, par conséquent, attaché à engager des avocats, à se constituer partie civile dans les procès et à mobiliser le mouvement associatif. Cheick Oumar Sissoko a rappelé qu'en tant qu'artiste (il est cinéaste), il se trouve lui même victime de la piraterie. Des copies illégales de ses films sont ainsi vendus librement sur le marché. Visiblement agacé, il ajoutera que c'est avec l'argent généré par la vente de ses films qu'il avait contribué à la campagne électorale du député en 2002 (ils étaient alors tous membres du parti Sadi).
Une remarque qui a irrité à son tour l'élu. Il répliqua ainsi que ses colistiers et lui s'étaient battus sans l'appui de la direction nationale du parti Sadi.
UN LOT DE CASSETTES. Le président de l'Assemblée nationale s'interposa alors pour recentrer les débats et inviter les deux parties à rester dans le cadre de l'interpellation.
Pour établir la réalité de la piraterie, le député exhiba un lot de cassettes piratées avant de poser des questions sur le festival du Triangle du balafon et sur Molobali Keïta, un virtuose de cet instrument, qui n'a jamais pris part à ce festival. Cette sortie amena un nouveau rappel à l'ordre de Ibrahim Boubacar Keita.
Revenant à la piraterie, le ministre Sissoko indiquera qu'une cinquantaine de procès avaient eu lieu avec des arrestations. Pour lui, l'état actuel de la lutte n'est pas satisfaisant et l'urgence s'impose de relire les textes pour pouvoir aller plus loin. Ce qui est du ressort de l'Assemblée. Le ministère de la Culture a aujourd'hui des limites objectives, regrettera Cheick Oumar Sissoko.
La troisième série de questions orales émanait d'un autre député élu à Koutiala, Kary Coulibaly. Ces questions, relatives à la pollution industrielle à Koutiala, étaient adressées au ministre de l'Industrie et du Commerce, Choguel Maïga. Nous reviendrons sur cette interpellation dans nos prochaines éditions.
Source : L'Essor, quotidien d'Informations Malien