Des soldats ont capturé le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi après l'annonce par le chef de l'Etat du limogeage de plusieurs militaires.
La propre fille du chef de l'Etat, Amal Mint Cheikh Abdallahi, a confirmé à Reuters que la garde présidentielle avait mené un putsch et capturé son père dans la matinée.
L'Union africaine, l'Union européenne et les Etats-Unis ont condamné ce putsch dans ce pays semi-désertique de trois millions d'habitants qui produit depuis peu du pétrole mais dispose aussi de fer, de cuivre et d'or.
Jusqu'ici, on ne signale pas de violences majeures à Nouakchott, ou des militaires à bord de jeeps montés de pièces d'artillerie lourde gardent les abords des édifices publics. L'aéroport international est fermé.
Toutefois, les forces de l'ordre ont fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser une cinquantaine de partisans du président déchu réunis dans le centre-ville, a rapporté un correspondant de Reuters.
Le Conseil d'Etat dirigé par l'un des officiers limogés, l'ancien chef de la garde présidentielle Mohamed Ould Abdelaziz, a annoncé qu'Abdallahi n'était plus chef de l'Etat et a annulé le décret de ce dernier limogeant Abdelaziz et les commandants de l'armée et de la gendarmerie.
Le communiqué numéro 1 du Conseil a été retransmis par la chaîne de télévision Al Arabiya, basée dans le Golfe.
La radio et la télévision mauritaniennes ont toutes deux cessé d'émettre en début de journée.
CONDAMNATIONS DU PUTSCH
A Paris, le ministère français des Affaires étrangères a dit suivre la situation "avec la plus grande attention", "en liaison avec l'ensemble" des partenaires de la France.
Il a souligné l'importance qu'attache la France à la "stabilité" de la Mauritanie. Interrogé sur les raisons du coup d'Etat, un porte-parole a jugé prématuré de "qualifier cette situation", mais il a rappelé "l'attachement de la France à la préservation de l'Etat de droit en toutes circonstances et son hostilité à la prise du pouvoir par la force".
"Des mesures sont prises localement pour veiller à la sécurité des ressortissants français", ajoute le Quai d'Orsay.
La Commission européenne a condamné le coup d'Etat militaire à Nouakchott, réclamé le rétablissement du président Abdallahi et fait savoir qu'elle pourrait remettre en cause sa coopération avec la Mauritanie.
"La Commission européenne est très préoccupée par la situation en Mauritanie, qui remet en question les progrès remarquables sur la voie de la démocratie réalisés dans ce pays", a estimé l'exécutif européen dans un communiqué.
"La situation pourrait remettre en cause notre politique de coopération avec la Mauritanie", a ajouté le commissaire européen à l'Aide et au Développement, Louis Michel.
A Paris, la présidence de l'UE a fait part de sa "plus ferme condamnation du coup de force mené par le général Abdel Aziz".
L'Union africaine a elle aussi condamné le putsch et réclamé le retour à la légalité constitutionnelle.
Le commissaire de l'UA chargé des questions de paix et de sécurité, Ramtane Lamamra, va se rendre sur le champ à Nouakchott pour faire le point de la situation.
SECRET DE POLICHINELLE
Abdallahi a été élu l'an dernier à l'occasion du retour à un régime civil en Mauritanie, une ancienne colonie française à cheval sur le monde arabe et l'Afrique noire.
Il a succédé à une junte qui dirigeait le pays depuis le renversement du président Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya en 2005, lors d'un coup d'Etat sans effusion de sang.
Un responsable de la présidence a confirmé sous le sceau de l'anonymat que le président, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur avaient été arrêtés et emmenés vers une destination inconnue.
En mai, Abdallahi avait remanié son gouvernement, critiqué pour ses réactions face à la hausse des prix des produits alimentaires et à des attentats revendiqués par Al Qaïda au Maghreb islamique.
Mais à la mi-juillet, le Premier ministre Yahya Ahmed El Waghef avait formé une nouvelle équipe pour mettre fin à deux semaines de crise politique, le précédent cabinet ayant démissionné le 3 juillet sous la menace d'une motion de censure au Parlement.
A la différence du précédent, le nouveau gouvernement ne comportait pas l'Union des Forces pour le Progrès (UFP, opposition) et le parti islamiste Tawassoul.
Cette semaine, la plupart des parlementaires appartenant au parti PNDD-ADIL d'Abdallahi ont quitté cette formation avec, selon certaines sources politiques, la bénédiction de militaires de haut rang.
"C'est dommage que nous en soyons arrivés là avec un coup d'Etat militaire mais je soutiens complètement le changement qui s'est produit", a commenté Mohamed Ali Ould Cherif, député PNDD-ADIL. "Il y a eu une tentative de domestication du pouvoir législatif par le président, qui paie le prix du blocage qui existe entre l'exécutif et le pouvoir législatif."
"Des rumeurs circulaient il y a une quinzaine de jours sur un possible coup d'Etat. C'était un peu un secret de Polichinelle que deux officiers supérieurs encourageaient cette scission au sein du parti au pouvoir", explique Ruairi Patterson, analyste chez Congrol Risks.
Avec Noiselle Champagne à Nouakchott et Inal Ersan à Doubaï, version française Guy Kerivel et Nicole Dupont