Prix Chinguitti : Interview de Dr Toka DIAGANA, enseignant-chercheur de l’université Américaine « Howard University »
Nouakchott, 16-01-2007 (NE)
La Nouvelle Expression : Mr Toka DIAGANA pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Toka Diagana : Je vous remercie de l’honneur que vous me donnez en m’accordant cette interview qui me permet de me présenter à vos lecteurs.
Je m’appelle donc Toka Diagana. Je suis né en 1967 à Kaédi, et j’ai fait mes etudes primaires et secondaires dans cette ville. Après un Bac C, j’ai poursuivi mes études à la Faculte des Sciences de Tunis où j’ai obtenu une Maîtrise en Mathématiques Fondamentales en Juillet 1993. Par la suite, je me suis rendu en France pour entreprendre des études de 3ème Cycle (DEA et Doctorat de Mathématiques) à l’Université Claude Bernard – Lyon 1 et au sein de l’Institut Girard Desargues qui est maintenant connu sous le nom de « Institut Camille Jordan ». J’ai ainsi soutenu une thèse de doctorat en Mathématiques en Janvier 1999 à l’Université Lyon 1 dont le titre est « Sommes d’opérateurs et conjecture de Kato-McIntosh ». Pendant mon séjour à Lyon, j’ai eu l’opportunité d’occuper plusieurs postes académiques dont notamment celui d’enseignant au Collège Jean Jaurès (Villeurbanne) et au Collège de Thoissey (dans l’Ain), ainsi qu’à l’Université Claude Barnard - Lyon 1 comme Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche (ATER). Peu avant la fin de mon contrat d’ATER à l’Université Lyon 1, j’ai obtenu un autre poste d’enseignant-chercheur dans une université Amercaine du nom de « Howard University » sur la côte Est des Etats Unis, plus précisément à Washington DC. J’y suis donc depuis Septembre 2000.
LNE : En quoi consistent vos travaux qui vous ont valu le PRIX CHINGUITTI ?
T.D. : Ce sont des recherches qui relèvent de l’abstraction pure avec des applications intéressantes dont les domaines de la mécanique quantique, de la théorie de l'information, de la physique théorique et des probabilités. Le « gist » de ces travaux de recherche réside dans ce que nous appelons « La théorie d'opérateurs linéaires non-archimediens». Ces travaux ont été récemment publiés dans mes deux derniers livres sous forme de monographes et dont les titres sont respecitvement « An Introduction to Classical and p-ADIC Theory of Linear Operators and Applications » (Nova Science Publishers, New York, 2006), et « Non-Archimedean Linear Operators and Applications » (Nova Science Publishers, New York, 2006). La théorie développée dans ces travaux est modestement porteuse d’intérêt au sein de la communauté mathématique. En effet, à l’instar de mon premier étudiant en doctorat du nom de S. Farrier qui a soutenu sa thèse de doctorat en Janvier 2005, d’autres encore parmi mes étudiants en thèse, tels que D. Attimu, G. D. McNeal (U.S. Navy), et A. Saud, s’investissent beaucoup à développer cette nouvelle théorie dans d’autres directions. On peut dire que ce domaine est porteur d'avenir au regard des critiques portées sur les premières publications faites d'une part, et de l’engouement que suscitent nos conférences dans les universites et divers congrés mathématiques d'autre part.
LNE : Quelles sont vos impressions à la suite de l'attribution de ce prix ?
T.D. : Je suis bien évidemment très heureux d’avoir été reconnu et honoré par mon propre pays. Cet honneur que notre pays m’a rendu n'a été possible que parce que, ce même pays, avait substantiellement investi pour l’approfondissement de ma formation supérieure universitaire en Tunisie et en France, il y a quelques années de cela. On peut donc comprendre à quel point je suis profondément reconnaissant à mon pays et à mon peuple! Mais ce prix revient d'abord à la jeunesse Mauritanienne : cette jeunesse tant avide à la fois du savoir, du savoir-faire et du savoir-être, et si désireuse de gagner sa place, au plus vite, dans les désormais incontournables course et combat de la mondialisation. Mon espoir, sur lequel repose ma foi en l’avenir de mon pays, est que le leadership de notre peuple et nos pouvoirs publics renforcent sans cesse davantage le développement de notre capital humain en plaçant en priorité les moyens et les richesses nationales dans l'éducation et la recherche, puissants vecteurs de progrés et de développement.
LNE : Comment la Mauritanie peut-elle bénéficier du savoir de ses fils qui sont devenus des sommités comme vous ?
T.D. : C’est une question difficile et dont j’ignore la réponse complète. J’y répondrai cependant en émettant quelques pistes. La contribution de tout Mauritanien, quel que soit son niveau d’éducation et/ou de formation, et quelle que soit sa localisation géographique dans le monde désormais devenu un village planétaire, est désirable, utile et bénéfique à la Mauritanie. L’exploitation par la Mauritanie non seulement du savoir, mais aussi du savoir-faire et du savoir-être de tout compatriote, n’a de limite que l’imagination des acteurs en présence, c'est-à-dire l’employeur et l’employé potentiels. En ce qui concerne les citoyens particulièrement pointus et connus dans leur domaine d’expertise respectif, et exerçant hors du terroir national, un premier effort consisterait à en établir une base de données. Les Divisions des Ressources Humaines dans les secteurs public et privé pourraient conduire un tel recensement et le cas échéant faciliter les contacts. Un climat favorable et incitatif pour ce type d’échanges, nécessaire et désirable, pourrait aboutir à de bons résultats. En ce qui me concerne particulièrement dans le domaine de l’éducation (enseignement et recherche en Mathématiques), j’œuvre déjà dans le sens de l’appel de votre question. En effet, je suis en contact avec mon ami et collègue, le Professeur Khalil El Mehdi de l’Université de Nouakchott, et nous avons des projets en commun dont notamment l’appui d’un certain nombre d’étudiants pour la poursuite de leur formation doctorale aux USA. Par ailleurs, mon plus grand désir est de contribuer directement à la formation, au plus haut niveau, des jeunes dans mon pays.
LNE : Quel est le souhait que vous formulez pour le pays à l'occasion du nouvel an ?
T.D. : Bien evidement, j’adresse mes Meilleurs Vœux à tous les compatriotes en ce debut de 2007. Dans un deuxième temps, j’aimerais saisir cette opportunite pour saluer le travail extraordinaire du CMJD pour tous les efforts qu’il n’a cessé de deployer, depuis le changement historique tant souhaité pour faire de notre cher pays, une nation plus juste et plus démocratique, où les Mauritaniens de toutes souches et origines puissent vivre dans l'harmonie, la fraternité et la paix. Il est par ailleurs tout à fait clair qu’ils n’ont pas encore réussi à résoudre certains des problèmes les plus épineux que le pays connaît à l’instar du problème du passif humanitaire. Par ailleurs, mon espoir est que le CMJD continue à observer une neutralité absolue durant toute la période transitoire jusqu’aux élections présidentielles pour permettre aux Mauritaniens de choisir un Président légitime qui pourra répondre aux attentes pressantes et prioritaires des Mauritaniens dont notamment le passif humanitaire qui reste le gage d’une vie dans la stabilité, la sérénité et dans l’union en Mauritanie. Ce sont là mes vœux pour le pays. Je vous remercie beaucoup.
Propos recueillis par
Diafara Camara
Washington DC
Source : La Nouvelle Expression MAURITANIE