LEÇONS ET PERSPECTIVES.
L'ivresse du " faux-succès " qui voit la domination d'un petit nombre de très grands riches sur la multitude des pauvres, l'arrogance des dominateurs dans un système qui culpabilise les laissés-pour-compte, la stérilité spirituelle qui caractérise le mode de pensée dominant, l'envahissement de la pensée unique libérale qui déferle sur tout et accapare de façon avide tout ce qui ne se soumet pas à son vouloir ; la pauvreté de l'imagination " officielle " des puissants comme à chaque fois dans l'histoire humaine, tout cela aboutit au recul, au déclin, à la catastrophe, à la leçon amère et dure qui donnera naissance à une nouvelle pensée vigoureuse et libératrice capable de féconder le futur et de préparer son avènement.
Cette leçon, nous pouvons la tirer de l'histoire de " JABA ", un petit village bamanan entre Sinzani (Sansanding) et Dioro dans le cercle de Ségou au Mali.
Le village de " JABA " était célèbre parce que la culture du mil donnait d'excellentes moissons, on venait y acheter du mil qui avait jusqu'à 9 années d'âge et qui était bien conservé. Les greniers étaient remplis. Voilà qu'un soir, au clair de lune sur la grande place publique bondée de monde, tout en fête, subitement surgit de l'alentour un phacochère qui vient danser au milieu des gens et s'enfuit sans que personne n'ait pu le retenir. C'était le signe dont la suite des événements donne la clé pour décoder et comprendre ce qui venait d'arriver à " JABA ".
Dans cette contrée, il y a un " chant " qui relate ce fait chaque fois qu'un événement qui appelle la morale du cas de " JABA " se produit. Sur le plan de la sécurité alimentaire, JABA était un village repu, les villages concurrents étaient Sanamadougou et Goma.
Très obnubilés par leur réussite dans la culture du sol et de l'abondance des provisions vivrières, un jour tous les hommes valides du village s'engagent à ne plus cultiver pendant trois hivernages. Celui qui n'obéirait pas à cette décision, sera considéré et jugé comme s'il avait eu commerce charnel avec la femme dont il est la progéniture.
Quelle audace ! Quelle certitude ! Dans ce village, seul un homme ne pouvait subvenir à ses besoins alimentaires. Pendant l'hivernage, il passait alternativement un jour sur deux entre son champ et celui d'un autre pour pouvoir nourrir sa petite famille. Il n'était pas concerné par la décision. Ce pauvre, le plus démuni du village était le seul à cultiver pendant les trois hivernages à venir.
Les autres chefs de famille cotisèrent du mil pour faire du " dégè " en pâte (une sorte d'aliment boisson en Afrique de l'Ouest) pour construire une haute et très large estrade où s'assiéraient le chef de village, ses amis et ses visiteurs.
La première année, le pauvre du village a fait une très bonne récolte avec ses fils dans son champ. La même chose se produit les deux années suivantes.
De l'autre côté, les réserves des autres s'étaient amenuisées. Face à la menace de la disette, certains chefs de famille par temps de nuit venaient arracher des morceaux de l'estrade pour se nourrir. Le chef du village désigna des gardiens. Ces derniers s'ajoutèrent aux " fautifs " pour arracher du " dégè ". Ce fait s'est produit la deuxième année. Une nuit, tout le monde se retrouva devant l'estrade et tout a été emporté.
Le pauvre qui avait des provisions donnait des vivres contre travail dans son champ. A leur tour, ils connurent le sort du plus pauvre d'entre eux pendant que lui se trouvait dans leur situation antérieure de personne riche. Aucun succès ne suffit assez pour arrêter de travailler pour une communauté.
L'orgueil et la suffisance sont des signes annonciateurs de lendemains qui déchantent. Le courage et l'intelligence du pauvre de " JABA " doivent nous inspirer.
Bikoté, Bakary Pionnier-Economiste
Source : Le Forum pour l'Autre Mali
http://www.autremali.org/politique.html
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