Aux côtés de leurs frères du Mali, les BWABA du pays des hommes intègres étaient valablement représentés par une délégation conduite par le Professeur Wetian Bognounou, botaniste de son état. On notait aussi la présence remarquée de l’Ambassadeur du Burkina Faso au Mali, S.E. Mohamed Sanné Topan de M. Hassen Camara, représentant spécial de cet autre Bobo, Mountian dit Amadou Toumani Touré, Président de la République, des Professeurs Mamadou Lamine Traoré, ministre de l’Education nationale, Bakary Kamian, Agrégé d’histoire et du Dr l’abbé Joseph Tandé Diarra, auteur d’une thèse en Socio-Anthropologie.
Trois temps forts ont marqué la cérémonie : le discours de bienvenue du Président de l’association, Raphaël Diarra ; celui du représentant spécial du Chef de l’Etat et les exposés des conférenciers (Dr Mafing Kondé, Joseph Tandé Diarra et du Professeur Bakary Kamian), suivis des questions - réponses ou des contributions, le tout agrémenté par la musique guerrière du terroir interprétée par la troupe de Sianso et le groupe de Julien Dembélé.
«Non à la sécession» D’entrée de jeu, le président de l’association a tenu à lever l’équivoque. Il ne s’agit pas d’un appel à la sécession encore moins à un repli sur soi. Loin s’en faut, car «NIIMI-Présence BWA» signifie je fais partie, je compte.
Faire partie de quoi, compter parmi qui ?
La question soulève la problématique de l’intégration des minorités et, de façon générale, de l’acculturation en Afrique. L’association que dirige M. Raphaël Diarra milite pour un rassemblement des Bwa autour de leur culture, pour le développement économique, spirituel et moral de leur région.
Il constate que le Bwa, objet de beaucoup de préjugés et de stéréotypes, connaît mal ou peu sa culture. En conséquence, il l’invite à se redécouvrir car il ne saurait s’intégrer à la société s’il ne se connaît pas lui-même. M. Diarra a annoncé la célébration du centenaire de la révolte de 1916 qui servira de cadre d’échange entre le Burkina Faso et le Mali à partir du pays bobo. «Il faut rompre le silence pour se faire entendre»
Le Président de la République, plus connu dans sa famille bobo sous le nom de Mountian c’est-à-dire «l’homme de vérité», spécialement invité, n’a pas pu honorer la cérémonie de sa présence pour raison de calendrier. «Il s’en excuse et m’a chargé de vous rassurer de son soutien et de sa totale disponibilité». C’est ce qu’a rapporté à la communauté bwa, M. Hassen Camara, Chargé de Mission au Cabinet de la Présidence de la République, représentant le Chef de l’Etat.
Il inscrit l’anniversaire des 90 ans de la révolte de 1916 dans le cadre général de la lutte contre l’occupation coloniale. C’est pour cette raison qu’il a rendu un hommage à toutes les figures emblématiques de la lutte contre l’occupation coloniale comme Banzani Théra, Adama Dembélé dit Koula Laye, Karamoko Kodjo, Kora Théra, Pankourou Dakouo, Dabouwary Dembélé, Zié Sogoba, Babemba, Tiéba, Firhoun etc.
Cet anniversaire, dit-il, doit être une occasion de partage comme ce fut le cas en 1916. La révolte n’a pas été l’affaire des seuls Bwa qui se caractérisent par leur loyauté, leur bravoure, leur intégrité et leur honnêteté. Pour se faire entendre, a conclu M. Camara, il faut rompre le silence.
La révolte et ses conséquences
Tour à tour, les Dr Mafing Kondé, Joseph Tandé Diarra, les Professeurs Bakary Kamian et Mamadou Lamine Traoré (pour sa contribution) ont planché sur le dénouement de ce qui était appelé la révolte des populations du Haut Sénégal - Niger de 1916 et ses conséquences sur les peuples Bwa et le reste des Africains.
Le Bwa, peuple à cheval sur le Burkina Faso et le Mali, serait descendant du Soninké. On l’estime à 600 000 âmes au moins dont 400 000 à peu près au Burkina. Il est l’un des premiers groupes ethniques.
Sa structure centralisée reste le village, le chef de la terre. Pour le Bwa, la terre est sacrée. De l’exposé du Dr Mafing Kondé, il ressort que les signes avant-coureurs de la révolte remontent à 1897-1898 à Massala et à Bassakongo.
Dans ces villages qui seront par la suite exterminés, des soulèvements avaient causé la mort de colons. La révolte proprement dite a effectivement démarré en 1915-1916 dans un village Dafing.
En zone Bwa, son déclenchement fait suite à l’envoi sur le chantier du travail forcé, d’une femme à terme qui va accoucher et perdre son nouveau-né. Les hommes qui traînaient jusqu’ici le pas seront motivés par leurs épouses qui les boudaient au lit et finiront par quitter leur pagne en guise de protestation.
C’est alors que les hommes ont proclamé la fin de l’oppression. La révolte se généralise et embrase au delà du village Dafing, le village bobo de Dédougou et ceux d’ailleurs, le pays dogon etc.
Le Professeur Bakary Kamian estime le nombre de bras armés à 80 000 hommes essentiellement munis de gourdins, de frondes, de hachettes, d’arcs etc. Certains échantillons ont été présentés aux participants par les conférenciers. Nombreux sont les résistants qui n’avaient d’arme que leur seule volonté.
Certains préféraient se faire enterrer vifs plutôt que de se soumettre. Selon le Professeur Bakary Kamian, le chiffre de 23 000 tués n’est pas exhaustif car de nombreux villages ont été entièrement anéantis.
Outre les conséquences en pertes en vies humaines et matérielles, la révolte des Bwa, d’après le Dr Joseph Tandé Diarra qui travaille sur le sujet, a eu des conséquences d’un tout autre genre. Il y trouve par exemple l’explication de l’adhésion de beaucoup de Bwa au christianisme, la religion du colon. Avant la révolte, le Bwa avait sa croyance, ses dieux protecteurs auxquels il avait foi.
A l’issue de la révolte qui n’a laissé que honte, panique, ruine et désolation, le Bwa a cru bon d’adhérer au dieu des vainqueurs pour trouver meilleure protection. Entre autres conséquences, d’après le Dr Mafing Kondé, la révolte a été le mouvement précurseur des luttes pour les indépendances un peu partout en Afrique et a inspiré le RDA (Rassemblement Démocratique Africain).
Parce que, conclura le Professeur Kamian, les Bwa se sont sacrifiés pour une cause et un idéal qui est la liberté et nulle part en Afrique, il n’y a eu de révolte d’une telle ampleur.
Denis Tomi Théra
14 décembre 2006.