Un referendum est par définition un procédé par lequel le peuple collabore à l'élaboration de la loi, qui ne devient parfaite qu'avec son consentement. C'est ainsi que le peuple Mauritanien a sacrifié à ce rituel démocratique le 25 juin pour apporter quelques amendements à la constitution de 1991. A priori, l'idée d'amender cette ancienne constitution qui, loin de refléter les aspirations du peuple, n'est pas mauvaise en soi.
Cependant, faut-il que cet amendement prenne en compte tous les problèmes auxquels les Mauritaniens de tous bords sont confrontés. Il faut se rendre d'emblée à l'évidence que ce referendum est un trompe-à-l'œil pour au moins deux raisons fondamentales :
La première, d'ordre politique, enjambe les vrais problèmes auxquels les mauritaniens sont confrontés. En effet, les autorités qui ont engagé cette procédure n'ont pas eu l'audace d'intégrer les questions lancinantes que les mauritaniens ont posées depuis l'indépendance. Parmi celles-ci, il y a le droit à la différence de toutes les communautés nationales arabes et negro-africaines, l'abolition définitive de l'esclavage, la représention égalitaire de toutes les cultures, la cohabitation entre les différentes populations qui composent le pays, la reconnaissance automatique de la nationalité aux enfants d'immigrés par filiation. Sur ce dernier point, la Mauritanie accuse un retard par rapport à beaucoup de contrées du monde. Presque, aucun Etat au monde ne refuse la nationalité par filiation, sauf la Mauritanie. Depuis longtemps, la Mauritanie se cache derrière l'argument "de la non reconnaissance de la double nationalité " pour écarter les enfants nés à l'étranger à la citoyenneté mauritanienne. Juridiquement parlant, si ces enfants ne pouvaient pas avoir la nationalité par le "droit de sol ", ils pourraient l'avoir par le " droit de sang ".
La seconde, d'ordre pédagogique, enseigne qu'il est inconcevable dans une démocratie de soumettre à la va-vite un texte à l'approbation d'un peuple, dont la moitié est analphabète sans le lui expliquer au préalable ses tenants et aboutissants. A dire de Marie Pierre Olfa, correspondante de la RFI en Mauritanie, nombreux sont les Mauritaniens qui, jusqu'à la veille du referendum, ne savaient pas s'il s'agit d'élections municipales ou de députations. Avant d'appeler le peuple à dire son mot, il fallait, et c'est un préalable utile, l'informer, en lui expliquant et en lui traduisant le contenu du texte dans les langues locales, à savoir le soninké, le poular, le wolof et le bambara. Ce préalable indispensable devait permettre à ceux qui ne savent ni lire ni écrire de saisir dans les moindres détails tous les enjeux et orientations liés à la future constitution. C'est à partir des ces éléments que le peuple décidera s'il va ou non approuver le texte qui lui est soumis. Mais les autorités en place sont parties vite en besogne, en éludant ces étapes capitales qui auraient pu jouer un rôle essentiel pour la reuissite de ce referendum. En conséquence, il va de soi que le texte a été aveuglement validé par le peuple sans qu'il y trouve son compte.Une loi suprême, comme la constitution, qui ne reflète pas le souhait du peuple dans sa globalité n'est qu'un gadget.
Malheureusement, ce referendum qui aurait pu apporter une lueur d'espoir à un peuple assoiffé de justice sociale et économique a raté d'office sa vocation en abordant qu'une question secondaire pour les Mauritaniens, à savoir la limitation du mandat présidentiel. Il n'est pas de doute que ce " OUI " qui vient de l'emporter était connu avant l'heure. Mais ceux qui ont validé ce referendum désenchanteront vite. Une fois encore, les mauritaniens ont raté le train de la démocratie stationnée à leur porte. A quand les Mauritaniens vont sortir de leur torpeur pour se tailler une place digne au concert des nations civilisées? Cette question restera longtemps posée tant que les mentalités peinent à changer.
Marigatta WAGUE, Doctorant en Droit à Paris I