D’où viennent les bébés ? Quelle est leur nature ? De quoi ont-ils besoin pour grandir et pour s’agréger au groupe des humains ? Comment leurs transmet-on les logiques affectives et culturelles d’une société donnée ? Comment les parents deviennent-ils vraiment les parents de ce bébé-là ? Autant de questions à la fois spécifiques et universelles que l’on se pose pour fabriquer des bébés mais aussi pour les accueillir, les aimer, les soigner… Car ils sont à la fois étranges et sublimes ces bébés déroutants qui apportent joie et bonheur mais aussi qui inquiètent et engendrent des questions sans fin sur leurs besoins et sur nos capacités à les protéger. Ces questions universelles, nous les poserons à partir de situations culturelles différentes et à partir de points de vue complémentaires, ceux des anthropologues, des cliniciens, des créateurs…. Ainsi le détour par l’ailleurs nous ramènera, comme toujours, aux fondements universels de l’attachement parents-bébés, un attachement premier.
• Elodie Razy
Le corps et la personne du petit enfant. Ethnographie des « petits riens » du quotidien soninké
La notion de personne est ici abordée sous l’angle des gestes et attitudes quotidiens qui s’appliquent au corps de l’enfant soninké durant la petite enfance. Leur analyse met au jour la vulnérabilité des composantes de la personne du petit enfant - souffle vital et double -, qui expose celui-ci à divers dangers. Ces derniers sont notamment liés à la fuite de son souffle vital par les orifices de son corps, à la capture de son double ou encore à l’action du « mauvais double » de sa mère. D’où la nécessité d’un engagement total des partenaires dans un maternage dit « de proximité » - gestes liés aux bâillements, aux étouffements, à la toilette et au sommeil. La lecture de ces faits du quotidien, à la lumière de certains gestes rituels effectués lors de la naissance, offre des éléments de réponse à la question du statut du petit enfant soninké. Elle montre également à quel point ces pratiques relèvent d’un même univers de représentations et de quelle manière la question du lien entre gestes quotidiens et gestes rituels peut ouvrir à une réflexion plus générale sur l’efficacité du rituel.
Entre mère et bébé : éduquer les sentiments ou co-construire les affects ?
Après une rapide définition des notions d’affects et d’émotions, l’auteur résume l’histoire des idées et des connaissances en la matière et analyse leur émergence chez le bébé. Il conclut que la rencontre entre adulte et bébé ne peut être une éducation des sentiments et qu’elle ne fonctionne que si elle est un véritable espace de récit partagé.
• Saskia Walentowitz
« L’enfant qui n’a pas atteint son lieu ». Représentations et soins autour des prématurés chez les Touaregs de l’Azawagh (Niger)
L’auteur explore dans cet article les représentations et soins autour de l’enfant prématuré chez les Touaregs de l’Azawagh au Niger. L’analyse de la théorie touarègue de la procréation et du développement fœtal montre que l’arrêt précoce de la grossesse (fausse-couches et naissances prématurées) résulte dans cette société d’un manque d’honneur masculin portant atteinte à l’âme sensible du fœtus. L’ensemble de ces représentations s’inscrit dans le cadre des rôles féminin et masculin dans la société, associant la femme à l’intérieur protecteur et l’homme à l’extérieur dangereux non domestiqué. En étudiant les métaphores de l’utérus assimilé à une tente ou à une outre en peau, il apparaît que le traitement particulier du corps du prématuré par de l’eau contenant du tannin rétablit symboliquement le pouvoir procréateur féminin mis à mal et restaure l’image de la matrice comme un espace inviolable, base indispensable pour toute vie.
• Marie-Armelle Barbier-Le Déroff
Quand des mamans occidentales portent leur enfant au dos « à l’africaine » … des interactions singulières et stimulantes
Fondé sur des observations ethnographiques réalisées près de mamans occidentales portant leur enfant au dos « à l’africaine », l’article donne à s’interroger sur les communications interpersonnelles qui peuvent être associées à l’emploi d’une technique « hors du commun ». L’étude de ces échanges, comme celle des interactions du couple « porteur-porté » avec l’environnement social et matériel, montre le rôle des influences culturelles dans la construction du rapport à l’autre. Elle conduit à s’interroger sur les applications possibles d’une façon de faire, aux stimulations singulières, dans des situations où la rencontre « grand-petit » se montre difficile.
Source : Revues-plurielles